Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

De l’impossibilité de régler les heures supplémentaires par une prime

mis à jour 30 septembre 2022

Qui paie mal paie deux fois !

Cet adage illustre parfaitement la position de la Cour de Cassation quant à la rémunération des heures supplémentaires.

La Cour de Cassation considère depuis de nombreuses années que « le versement de primes exceptionnelles ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires, peu important que le montant de ces primes paraissait correspondre à celui des heures supplémentaires effectuées ». (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 avril 2013, 12-10.092, Inédit).

Elle le réaffirme régulièrement voire notamment ( Cour de Cassation  soc. 1er décembre 2005, n° 04-48388, BC V n° 347 ; Cour de Cassation . soc. 15 mars 2017, n° 15-25102 D ;Cour de Cassation . soc. 3 février 2021, n° 19-12193 D ; Cour de cassation. Chambre sociale 21 septembre 2022 Pourvoi n° 21-11.161)

Par contre, il est possible de prévoir une transaction avec un salarié pour qu’il renonce à sa demande en paiement des heures supplémentaires en contrepartie d’une augmentation de son salaire..

La Cour de Cassation retient en effet qu’est valable l’accord par lequel, « la salariée s’était engagée à ne formuler aucune réclamation du chef des heures supplémentaires et du repos compensateur pour la période antérieure au 31 décembre 2003, tandis que l’employeur avait consenti une augmentation substantielle de salaire avec effet rétroactif au 1er janvier 2003 et accepté la prise en charge des cotisations au titre d’un régime de retraite complémentaire avec effet à compter de l’année 2000 « . (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 avril 2013, 11-27.530, Inédit)

Convention des architectes et délai pour adresser la lettre de licenciement

La convention collective nationale des entreprises d’architecture du 27 février 2003 prévoit que si la décision de licenciement est prise, l’employeur la notifie au salarié, dans un délai maximum de dix jours francs après l’entretien préalable. (article IV-2-1 )

C’est une disposition qui impose un délai plus court que l’article L.1332-2 du code du travail qui prévoit que le licenciement d’un salarié ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien.

Attention, si ce délai n’est pas respecté, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 mars 2013, 11-20.737, Publié au bulletin).

Incompatibilité du statut de CADRE DIRIGEANT et des horaires de travail imposés

Mis à jour le 13 novembre 2019

La Cour de Cassation a déjà dit que le cadre autonome ne peut se voir imposer des horaires de travail prédéterminés et donc un planning avec des horaires de présence. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 janvier 2013, 11-12.323 11-12.324 11-12.325 11-12.326 11-12.327 11-12.328, Inédit).

Elle confirme cette solution à propos du CADRE DIRIGEANT. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 mars 2013, 11-26.001, Inédit )

Elle retient en effet que, ne pouvait pas avoir le statut de CADRE DIRIGEANT, un salarié dont le contrat de travail prévoyait :

– qu’il ne pourrait refuser d’effectuer les heures supplémentaires qui lui seraient demandées 

– et que son horaire de travail était celui en vigueur dans l’entreprise(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 mars 2013, 11-26.001, Inédit Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 mars 2013, 11-20.721, Inédit , Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 mars 2013, 11-19.734, Publié au bulletin)

Ces décisions ont été rendues à propos d’un Directeur Administratif et Financier, d’un Directeur Commercial et d’un Directeur des Ressources Humaines

Il faut rappeler que l’article L. 3111-2 du code du travail prévoit que pour avoir la qualité de CADRE DIRIGEANT, le salarié doit avoir des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, 

La décision de la Cour de Cassation n’est donc pas très surprenante et conforme aux dispositions légales.

En matière d’Association, ce critère existe également.

En effet, la Cour de Cassation a jugé que  le salarié qui exerçait ses fonctions  sans grande autonomie  car il devait être présent au sein de la structure dix demi-journées par semaine – peut contester sa qualité de cadre dirigeantCour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 octobre 2019, 17-28.940, Inédit).

Des logiciels espions sur les ordinateurs des salariés

  • (mis à jour le 09/04/13)

Attention certains employeurs peu scrupuleux utilisent des keylogger pour contrôler leurs salariés.

Un keylogger (traduire enregistreur de touches) est un dispositif chargé d’enregistrer les frappes de touches du clavier, à l’insu de l’utilisateur. 

Il s’agit tout simplement de cybersurveillance voire d’un dispositif d’espionnage.

Certains keyloggers sont capables d’enregistrer les URL visitées, les courriers électroniques consultés ou envoyés, les fichiers ouverts, voire de créer une vidéo retraçant toute l’activité de l’ordinateur !

Depuis 2012, la CNIL a reçu plusieurs plaintes de salariés qui dénoncent l’installation, réelle ou supposée, sur leur poste informatique de dispositifs, de logiciels ou matériels espions du type  » keylogger « .

La CNIL a effectué des contrôles auprès des sociétés mises en cause.

Le contrôle de l’une de ces sociétés a permis de constater la mise en place effective d’un dispositif de ce type, à l’insu des salariés. 

La CNIL a mis immédiatement en demeure la société de cesser le traitement des données avec le logiciel en cause.

La CNIL a estimé dans un article du 20 mars 2013 que « ce dispositif portait une atteinte excessive à la vie privée des salariés concernés

Selon elle ce procédé est illicite au regard de la loi « informatique et libertés ».

La CNIL précise, en outre, « que la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure du 14 mars 2011 punit dorénavant de 5 ans d’emprisonnement et de 300 000 euro; d’amende l’utilisation, mais aussi la vente, de certains dispositifs de captation de données informatiques à l’insu des personnes concernées. « 

Retard dans la délivrance des bulletins de salaire et harcèlement moral

  • (mis à jour le 18/04/13)

Il est fréquent de constater que, dans les dossiers de harcèlement moral, l’employeur est peu diligent pour remettre les bulletins de paie et / ou les attestations de salaire au salarié.

Pour autant, le retard mis par l’employeur dans la délivrance des bulletins de salaire ne permet pas à lui seul de présumer l’existence d’un harcèlement.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 mars 2013, 11-26.533, Inédit).

Il est important que le salarié établisse d’autres faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

Par contre, il est constant qu’en cas de remise tardive de ses bulletins de paie, le salarié a nécessairement un préjudice qui doit donner lieu à dommages et intérêts.

Réorganisation ou rétrogradation sauvage ?

Modifier l’organigramme de la société ou réorganiser les services pour évincer un salarié est une pratique courante.

Cette pratique est souvent utilisée lorsque le poste du salarié est important ou stratégique et que l’employeur souhaite convaincre le salarié de quitter l’entreprise.

Cette pratique est en fait une rétrogradation illicite mais souvent difficile à prouver pour le salarié sauf si la modification entraîne :

– une perte de salaire 

-et / ou une perte de responsabilité (ex : retirer des fonctions d’encadrement)

La Cour de Cassation vient de rappeler que lorsque la réorganisation du service opérée par l’employeur était de nature à affecter la rémunération variable du salarié sans qu’il justifie avoir assorti cette réorganisation d’une garantie du maintien du montant du salaire, elle était abusive. 

Elle a ainsi décidé que cette réorganisation emportait une modification du contrat de travail que l’employeur ne pouvait imposer, ce dont elle a déduit que la prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur par le salarié était justifiée. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 mars 2013, 11-27.715, Inédit )

Retirer les fonctions d’encadrement est une rétrogradation

  • (mis à jour le 18/04/13)

Voici un exemple de modification illicite du contrat de travail :

Une salariée avait été engagée le 1er mai 1999 en qualité de secrétaire attachée de direction.

Le 19 juillet 2005 elle s’est vu confier la responsabilité du secrétariat des conseils des sociétés du groupe Oseo.

A compter du 18 avril 2006 elle a été promue au grade de sous-directeur moyennant en dernier lieu, une rémunération mensuelle brute de 6 466 euros.

Le 25 avril 2008, il a été mis fin à ses fonctions de responsable du secrétariat des conseils et le 5 mai 2008, elle a été affectée à un poste de chargée de mission pour une durée de neuf mois au sein d’une des sociétés du groupe Oseo.

La salariée a saisi la juridiction prud’homale en sollicitant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur pour modification de son contrat de travail.

Elle a eu raison.

La Cour de cassation, en Chambre sociale, 13 mars 2013, 12-11.622, a considéré que le poste de chargée de mission auquel la salariée avait été affectée en mai 2008 ne comportait pas de fonctions d’encadrement.

En effet, la salariée recevait des consignes précises avec des contrôles réguliers et soutenus de son travail.

Il s’agissait d’une rétrogradation à un emploi ne correspondant pas à sa qualification antérieure, justifiant la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Pas de report systématique des congés payés en cas de maladie pour la France…..

  • (mis à jour 8/07/2016)

La Cour de Cassation fait de la résistance 

IMG_20140506_101304La Cour de Cassation refuse de suivre la position de la Cour de justice de l’union européenne qui avait estimé que lorsque le salarié était malade pendant ses congés,quelle que soit la maladie, il ne perdait pas ses droits à congés. 

Dans une décision de sa Chambre sociale, 13 mars 2013, 11-22.285, Publié au bulletin, la Cour de Cassation retient que le salarié ne pouvait prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés au titre d’une période de suspension du contrat de travail ne relevant pas de l’article L. 3141-5 du code du travail. 

En l’état donc il faut retenir : 

– en cas d’arrêt maladie pour maladie professionnelle ou accident de travail,les congés payés non pris sont reportables et indemnisables 

– en cas d’arrêt maladie simple, les congés payés non pris ne sont pas reportables et indemnisables. 

La Cour de Cassation refuse donc l’application directe de l’article 7 de la Directive Européenne qui impose pourtant : 

« Lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année prévue par le code du travail ou une convention collective en raison d’absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, 

les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail. » 

Il faut donc s’attendre soit à une condamnation de la France par les instances Européennes soit à une modification législative dans les mois à venir. 

La France a été condamnée par la juridiction administrative à indemniser un salarié sur ce fondement dès le mois d’avril 2016.

Le Conseil Constitutionnel saisi de l’application du droit du travail en prison

  • (mis à jour le 14/06/13)

Le Conseil de Prud’hommes de Paris a estimé le 8 février 2013 ( je vous joins la décision) que le droit du travail devait s’appliquer en prison malgré les dispositions légales françaises.

Pour ce faire, il a retenu que le droit français n’était pas conforme aux principes fondamentaux issus des normes internationales et notamment l’égalité de traitement et le principe de non discrimination.

Jgmt CPH PARIS 08/02/2013 n°11/15185

Le Conseil de Prud’hommes de METZ, a été également saisi par des détenus pour juger des conditions de leur travail en prison.

Une question prioritaire du constitutionnalité (QPC) a été posée par les détenus:

L’article 717-3 du code de procédure pénale, en ce qu’il dispose que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment aux droits garantis par les 5ème, 6ème, 7ème et 8ème alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ?

Les juges prud’homaux ont décidé de renvoyer cette QPC à la Cour de Cassation.

Cette dernière, estimant que la question avait un caractère sérieux, a décidé de s’en remettre à l’avis du Conseil Constitutionnel (Arrêt n° 698 du 20 mars 2013 (12-40.104) – Cour de cassation – Chambre sociale – ECLI:FR:CCASS:2013:SO00698 Arrêt n° 699 du 20 mars 2013 (12-40.105) – Cour de cassation – Chambre sociale – ECLI:FR:CCASS:2013:SO00699 ).

La décision doit être rendue dans un délai de trois mois…

à suivre.

Le 14 juin 2013 Conseil Constitutionnel a refusé d’invalidé les dispositions légalesL’article 717-3 du code de procédure pénale reste donc valable.

De la prise en compte par la Cour de Cassation de la surchage de travail et de l’épuisement professionnel

La surcharge de travail, même si elle n’est pas obligatoirement du harcèlement moral, peut avoir des conséquences graves sur la santé du salarié.

La forme la plus importante est l’épuisement professionnel communément appelé burn out.

Cela peut conduire le salarié à s’arrêter pendant plusieurs mois pour cause de dépression et dans certains cas à être déclaré inapte à son poste.

La Cour de Cassation estime que cet épuisement professionnelpeut être une faute de l’employeur qui n’a pas satisfait à son obligation de sécurité de résultat de préserver la santé de son salarié.

Les Juridictions doivent examiner la situation en regardant si le salarié n’avait pas été exposé à un stress permanent et prolongé à raison de l’existence d’une situation de surcharge de travail conduisant à un épuisement professionnel de nature à entraîner une dégradation de son état de santé susceptible de caractériser un lien entre la maladie du salarié et un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Si c’est le cas, l’employeur ne peut licencier le salarié pour absences prolongées et répétées perturbant l’organisation et le bon fonctionnement de l’entreprise(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 mars 2013, 11-22.082, Publié au bulletin)

En clair lorsque l’absence prolongée du salarié pour cause de maladie résulte d’un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat, ses conséquences sur le fonctionnement de l’entreprise ne peuvent être invoquées pour justifier un licenciement.

Une solution similaire a été retenue par la Cour de Cassation à propos d’un licenciement pour inaptitude résultant d’un burn out(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 septembre 2012, 11-14.742, Publié au bulletin)