Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

La clé USB personnelle du salarié et le pouvoir de contrôle de l’employeur

Mis à jour  23 octobre 2024

La clé USB personnelle du salarié peut servir à son licenciement.

C’est la leçon qu’il faut retenir de l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 12 février 2013(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 février 2013, 11-28.649, Publié au bulletin ).

Dans cette affaire, une salariée engagée le 26 juillet 2006 en qualité d’assistante administrative par la société PBS, a été licenciée pour faute grave par lettre du 20 février 2009 pour avoir enregistré sur une clé USB des informations confidentielles concernant l’entreprise et des documents personnels de collègues et du dirigeant de l’entreprise.

La Cour d’Appel avait déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, en retenant que l’employeur ne pouvait se prévaloir d’un moyen de preuve illicite, la salariée n’étant pas présente lorsque sa clef USB personnelle a été consultée par son employeur et n’ayant donc pas été informée de son droit d’en refuser le contrôle ou d’exiger la présence d’un témoin.

Elle est censurée par la Cour de Cassation qui considère que lorsqu’une clé USB, dès lors qu’elle est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution du contrat de travailest présumée utilisée à des fins professionnelles.

Dès lors, l’employeur peut avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels que la clé contient,et ce même hors la présence du salarié.

Il est de jurisprudence constante que les fichiers créés par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel.

Il s’agit d’un présomption simple.

En effet, dès lors que le salarié identifie ses fichiers dans un dossier informatique intitulé PERSONNEL, la présomption disparaît et les fichiers sont clairement reconnus comme personnels.

La clé USB personnelle n’est pas un fichier identifié comme personnel selon la haute juridiction. 

La Cour de Cassation, par la décision du 12 février, autorise donc l’employeur à en contrôler le contenu.

Avec cette décision, le salarié qui emmène au bureau une clé USB prend le risque de voir cette dernière contrôlée à tout moment par son employeur et ce hors sa présence…

 2024 – Ce risque est encore plus grand avec l’acceptation ces dernières années des preuves illicites par la Cour de Cassation. Voir en ce sens un licenciement fondé sur des données d’une clé USB non connectée.

Seule parade : identifier à l’intérieur de sa clé USB ses dossiers comme personnels….ou laisser sa clé USB personnelle à la maison.

Inaptitude et obligation de reclassement sur le même poste ou un poste similaire

En cas d’inaptitude médicalement constatée, l’employeur doit impérativement tenter de reclasser le salarié.

Attention, l’employeur doit avant tout chercher un reclassement en proposant au salarié son postesi nécessaire aménagé, ou un emploi similaire, en tenant compte des préconisations du médecin du travail. (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 6 février 2013 N° de pourvoi: 11-28038 Publié au bulletin Cassation)

Le fait de rechercher un poste avec mutation ou transformation doit également être réalisé mais dans un second temps.

Quand le Juge des référés ordonne la poursuite d’un CDD jusqu’à son terme contre la décision de l’employeur

L’article R. 1455-6 du code du travail permet au juge des référés , même en l’absence de disposition spécifique l’y autorisant, d’ordonner la poursuite des relations contractuelles en cas de violation d’une liberté fondamentale par l’employeur .

C’est le cas lorsque l’employeur prononce la rupture illicite d’un contrat à durée déterminée avant l’échéance du terme

– en dehors des cas prévus par l’article L.1243-1 du code du travail, 

– en réponse à l’action en justice engagée par le salarié contre son employeur, 

(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 février 2013, 11-11.740 11-11.742 11-11.743 11-11.744 11-11.745 11-11.746 11-11.747 11-11.748, Publié au bulletin)

Une exception est cependant admise par la Cour de Cassation : L’employeur peut établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l’exercice, par le salarié, de son droit d’agir en justice .

Du maintien de salaire en cas de maladie dans le convention collective de la chimie

IMG_20140331_121229L’article 23 de l’avenant n° 1 du 11 février 1971 à la convention collective des industries chimiques et connexes du 30 septembre 1952 étendue par arrêté du 13 novembre 1956 garantit en cas de maladie :

  • le maintien des appointements mensuels augmentés des seules primes d’ancienneté, de rendement, de production et de productivité, à l’exclusion de tous autres éléments de rémunération

Faut-il faire une interprétation restrictive de cet article ?

En d’autres termes le maintien de salaire peut il inclure d’autres éléments que les appointements visés spécifiquement dans l’article 23 de la convention collective ?

La Cour de Cassation répond que l’article doit être interprété de manière stricte et ne peut inclure d’autres primes.

Ainsi, les primes liées à un travail posté et au travail dominical ne sont pas comprises dans la rémunération ainsi garantie. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 février 2013, 11-23.925 11-23.926 11-23.927 11-23.928 11-23.929 11-23.930 11-23.931 11-23.932, Publié au bulletin).

 

Conversation téléphonique : de la différence entre l’enregistrement illicite et l’utilisation licite des messages vocaux

Ce n’est pas la même chose d’enregistrer à l’insu d’une personne une conversation téléphonique pour s’en servir par la suite en justice ( 1) et de conserver un message vocal laissé sur le répondeur d’un téléphone (2).

(1) Dans le premier cas, il s’agit d’un procédé illicite. 

La Cour de Cassation a déjà dit dans un arrêt rendu le 7 janvier 2011 , qu’une juridiction civile ne peut fonder sa décision sur des enregistrements de conversations téléphoniques opérés à l’insu de l’auteur des propos

Ainsi, l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue.

(2) Dans le second cas, c’est un moyen de preuve licite . 

La Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 février 2013, 11-23.738, Publié au bulletin vient en effet de retenir que  » l’utilisation par le destinataire des messages téléphoniques vocaux dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur » est une preuve recevable.

Dans cette affaire, la Cour de Cassation a retenu que la retranscriptions des messages vocaux laissés par l’employeur sur le téléphone mobile du salarié permettait d’établir que le salarié avait été licencié verbalement.

Cette jurisprudence est à rapprocher de la décision en même sens rendue par la Cour de Cassation à propos des SMS (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 mai 2007, 06-43.209, Publié au bulletin)

 

Rupture conventionnelle : le salarié doit impérativement avoir un exemplaire de la convention

mise à jour le 11 avril 2022

La remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois :

– pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention,dans les conditions prévues par l’article L. 1237-14 du code du travail, 

– et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractationen connaissance de cause

Il est donc indispensable d’établir en trois exemplaires la convention de rupture ainsi que le document CERFA. 

1 pour l’employeur

1 pour le salarié

1 pour la DIRRECTE

La sanction de l’absence de remise d’un exemplaire au salarié est draconienne : c’est la nullité de la rupture conventionnelle. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 février 2013, 11-27.000, Publié au bulletin ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 mars 2022, 20-22.265, Inédit

 

Première décision d’annulation d’une rupture conventionnelle par la Cour de Cassation

La Cour de Cassation reconnait pour la première fois que le harcèlement moral constitue un vice du consentement permettant l’annulation de la rupture conventionnelle. 

Plusieurs décisions avaient été rendues en ce sens par des Cours d’Appel, la décision de la Haute Juridiction était très attendue.

Elle est conforme à ce que nous attendions et à sa jurisprudence sur le harcèlement moral.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 janvier 2013, 11-22.332, Publié au bulletin ).

La Cour de Cassation reconnait explicitement que le Harcèlement moral est une violence psychologique d’une telle importance qu’elle vicie le consentement du salarié.

Voici l’attendu de l’arrêt de la Cour : « la salariée était au moment de la signature de l’acte de rupture conventionnelle dans une situation de violence morale du fait du harcèlement moral dont elle a constaté l’existence et des troubles psychologiques qui en sont résultés ». (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 janvier 2013, 11-22.332, Publié au bulletin )

Cette décision permet de donner une illustration pratique et actuelle de la violence au sens de l’article 1112 du code civil (Il y a violence lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent.On a égard, en cette matière, à l’âge, au sexe et à la condition des personnes.)

Inaptitude et date de l’information du salarié sur l’impossibilité de reclassement.

En application de l’article L.1226- 12 du code du travail, lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié déclaré inapte, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions.

Quand doit intervenir cette notification écrite sur l’impossibilité de reclassement ?

La Cour de Cassation répond : « l’employeur est tenu de faire connaître au salarié par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement avant que ne soit engagée la procédure de licenciement « . (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 janvier 2013, 11-24.517, Inédit ).

Dans cet arrêt, l’employeur a notifié l’impossibilité de reclassement lors de l’entretien préalable.

Il a commis une erreur.

La procédure de licenciement est engagée dès la convocation à l’entretien préalable au licenciement.

Donc la notification de l’impossibilité de reclassement doit être antérieure à l’envoi de la lettre de convocation à l’entretien préalable.

Prise d’acte de la rupture du contrat de travail en cas d’agression du salarié et gravité de l’attaque

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Le non respect par l’employeur de cette obligation peut justifier la prise d’acte de la rupture par le salarié du contrat de travail et la requalification de la rutpure en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En matière d’agressions physiques ou morales, en cas de manquement de l’employeur, le Juge n’a pas à statuer sur la gravité des faits(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 23 janvier 2013 N° pourvoi: 11-18855 Publié au bulletin Cassation partielle )

L’employeur doit protéger le salarié, victime sur le lieu de travail de violences physiques ou morales, exercées par l’un ou l’autre de ses salariés.

Il faut retenir que sa responsabilité est engagée même si, par la suite, il a pris des mesures pour faire cesser ces agissements.