Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

CHSCT et action en Justice

Le CHSCT peut agir en Justice.

Pour ce faire, il doit avoir un représentant légal.

Attention, le secrétaire du CHSCT n’est pas de plein droit le représentant légal du comité pour agir en Justice.

Il faut absolument une décisions du CHSCT tant sur l’action que sur la personne apte à représenter en Justice le CHSCT.

Le mandat de représentation donné au secrétaire du CHSCT résultant d’une simple lettre signée des membres élus de cette institution remise à son président ne suffit pas.(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 21 novembre 2012 N° de pourvoi: 10-27452 Non publié au bulletin Rejet )

En effet, l’article L. 4616-10 du code du travail impose que toutes les décisions du CHSCT doivent être prises à l’issue d’une délibération collective. 

L’accord de chaque membre du CHSCT ne constitue pas une délibération collective du CHSCT…il faut donc impérativement convoquer une réunion avec ordre du jour, convocation et PV. 

Cette solution a déjà été affirmée par la Cour de Cassation à propos de l’avis du CHSCT.

Le retour du salarié expatrié en France et l’obligation de réintégration de la société

Il appartient à l’employeur, à l’issue d’une période d’expatriation, de réintégrer le salarié dans l’entreprise en lui proposant un poste et un niveau de rémunération équivalents à ceux dont il bénéficiait auparavant.

Cela résulte de l’article L1231-5 du Code du travail « Lorsqu’un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d’une filiale étrangère et qu’un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère assure son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procure un nouvel emploi compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions en son sein. Si la société mère entend néanmoins licencier ce salarié, les dispositions du présent titre sont applicables. Le temps passé par le salarié au service de la filiale est alors pris en compte pour le calcul du préavis et de l’indemnité de licenciement ».

Cela signifie que le salarié expatrié ayant fait l’objet d’une mesure de rapatriement en France doit :

 bénéficier d’une offre de réintégration sérieuse, précise et compatible avec l’importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère,

-donner un accord exprès sur ce nouveau poste . (et non tacite) 

Si l’employeur ne respecte pas cette obligation, le salarié peut tout à fait prendre acte de la rutpure aux torts de l’employeur. (Cour de Cassation Soc. 21 novembre 2012, n°10-17978, publié au bulletin)

La rupture conventionnelle sera assujettie au forfait social à compter du 1er janvier 2013

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a été adopté de manière définitive hier à l’assemblée nationale.

A compter du 1er janvier 2013, les indemnités de rupture conventionnelle seront assujetties au forfait social au taux de 20% sur la partie équivalente à l’indemnité de licenciement. ( article 21 du projet adopté) 

L’article 137-15 du Code de la sécurité sociale va être modifié et prévoit l’alinéa suivant :

« Sont également soumises à cette contribution les indemnités versées à l’occasion de la rupture conventionnelle mentionnée aux articles L. 1237-11 à L. 1237-15 du code du travail, pour leur part exclue de l’assiette de la contribution mentionnée à l’article L. 136-1 du présent code en application du 5° du II de l’article L. 136-2. »

Cela signifie que les ruptures conventionnelles coûteront 20% de plus aux employeurs sur la partie jusqu’alors non soumise à CSG-CRDS. ( la part légale ou conventionnelle de l’indemnité de licenciement)

Prime d’habillage et de déshabillage et conditions d’hygiène

L’employeur doit indemniser le temps d’habillage et de déshabillage du salarié si deux conditions cumulatives sont remplies :

– un port d’habit spécifique exigé par des dispositions légales, réglementaires, conventionnelles ou contractuelles 

– un habillage et un déshabillage imposés dans l’entreprise ou sur le lieu du travail

La Cour de Cassation a déjà jugé que cette prime n’est pas due si l’employeur laisse libre son salarié de choisir s’il veut mettre son uniforme dans l’entreprise ou chez lui. 

La Cour de Cassation vient de rajouter que dans certains cas liés à l’hygiène, l’employeur n’a pas la possibilité de demander au salarié de se changer chez lui.

Elle a jugé que: « les conditions d’insalubrité dans lesquelles le salarié exerçait son activité lui imposaient pour des raisons d’hygiène de le revêtir et de l’enlever sur le lieu de travail« .( Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 21 novembre 2012 N° de pourvoi: 11-15696 Publié au bulletin Rejet).

Dans ce cas, la prime d’habillage et de déshabillage est due.

Des employeurs qui « laissent » travailler les salariés pendant l’arrêt maladie

Travailler pendant un arrêt maladie et percevoir les indemnités de sécurité sociale est illicite.

En effet, l’ article L 323-6 du code de la sécurité sociale modifié prévoit, que pour percevoir des indemnités journalières de sécurité sociale, le salarié en arrêt de travail doit :
– Respecter les prescriptions du praticien,
– se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical de sa caisse primaire d’assurance maladie (CPAM),
– observer les heures de sorties autorisées par le praticien,
– cesser temporairement toute activité non autorisée.
Le salarié qui ne respecte pas une seule des obligations précitées peut être contraint en application de la loi de financement de la Sécurité sociale à rembourser les indemnités journalières perçues, et même à verser une pénalité à la CPAM (si l’activité exercée donne lieu à rémunérations, revenus professionnels ou gains).

L’employeur qui fait travailler un salarié en arrêt maladie est également fautif.

Le salarié peut à tout moment lui demander des dommages et intérêts au moins équivalent aux indemnités journalières remboursées à la sécurité sociale.

Il n’est pas nécessaire que l’employeur ait exigé que le salarié travaille pendant cette période.

La Cour de Cassation considère en effet que le simple fait que l’employeur ait laissé la salariée travailler en période de suspension du contrat de travail permet d’engager sa responsabilité.( Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 21 novembre 2012 N° de pourvoi: 11-23009 Non publié au bulletin )

C’est donc à l’employeur d’imposer à son salarié de s’arrêter de travailler s’il ne veut pas en subir les conséquences financières.

stress, infarctus et faute inexcusable de l’employeur

La Cour de Cassation vient de reconnaître que l’infarctus du myocarde dont a été victime un salarié peut être dû à la faute inexcusable de l’employeur et au stress du travail.

Je vous livre cet arrêt in extenso : 

Cour de cassation 

chambre civile 2 

Audience publique du jeudi 8 novembre 2012 

N° de pourvoi: 11-23855 

Non publié au bulletin Rejet 

M. Héderer (conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président), président 

Me Balat, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat(s) 

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Texte intégralREPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS 

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant : 

Sur le second moyen : 

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2011), que M. X…, salarié des sociétés Sedih et Sogec Europe (les employeurs), a été victime, le 4 septembre 2007, d’un infarctus du myocarde ; que le caractère professionnel de l’accident a été irrévocablement reconnu ; que le salarié a saisi une juridiction de sécurité sociale d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de ses employeurs ; 

Attendu que ces derniers font grief à l’arrêt de reconnaître leur faute inexcusable, alors, selon le moyen : 

1°/ qu’en vertu du contrat de travail, l’employeur est tenu envers son salarié d’une obligation de sécurité de résultat ; que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ; qu’en retenant que l’infarctus du myocarde dont a été victime le salarié était dû à la faute inexcusable de l’employeur, sans constater que celui-ci avait ou aurait dû avoir conscience du risque cardio-vasculaire auquel le salarié se trouvait, le cas échéant, exposé et sans relever que l’employeur avait refusé de prendre les mesures qui auraient permis d’éviter l’accident, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; 

2°/ que le manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale lorsque celui-ci  » avait  » ou  » aurait dû  » avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ; qu’en retenant d’abord que  » les sociétés Sedih et Sogec n’ont pas utilement pris la mesure des conséquences de leur objectif de réduction des coûts en terme de facteurs de risques pour la santé de leurs employés et spécifiquement de M. X… « , ce dont il résultait que l’employeur n’avait pas conscience du danger auquel était exposé le salarié, puis en relevant ensuite  » qu’il n’est pas avéré que l’intéressé souffrait d’un grave problème cardiaque ni qu’il ait été médicalement suivi pour de tels problèmes, les sociétés Sedih et Sogec mentionnant elles-mêmes qu’il avait toujours été déclaré apte à son activité professionnelle dans le cadre des examens médicaux obligatoires prévus à l’article R. 4624-18 du code du travail, et que la médecine du travail n’avait délivré aucun signal d’alerte à l’employeur « , de sorte qu’il ne pouvait pas non plus être soutenu que l’employeur aurait dû avoir conscience du danger, la cour d’appel, en retenant néanmoins l’existence d’une faute inexcusable, n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ; 

3°/ que dans leurs conclusions d’appel, les sociétés Sogec et Sedih faisaient valoir que M. X… n’avait jamais fait part à son employeur des problèmes professionnels auquel il se serait prétendument trouvé confronté, pas plus qu’il n’avait fait état d’un quelconque risque pesant à ce titre sur sa santé ; qu’en laissant sans réponse ces conclusions, de nature à exclure l’existence d’un lien entre les conditions de travail du salarié et l’infarctus survenu, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ; 

4°/ qu’il ne peut y avoir faute inexcusable de l’employeur au sens de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale que si une faute commise par ce dernier est bien à l’origine de l’accident du salarié ; qu’il n’existe aucune présomption d’imputabilité s’appliquant à l’encontre de l’employeur ; qu’en retenant que l’infarctus du myocarde dont a été victime le salarié était dû à la faute inexcusable de l’employeur, sans avoir préalablement constaté l’existence d’une faute de celui-ci ayant eu un rôle causal dans la survenance de l’accident, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; 

Mais attendu que l’arrêt retient qu’un employeur ne peut ignorer ou s’affranchir des données médicales afférentes au stress au travail et ses conséquences pour les salariés qui en sont victimes ; que l’accroissement du travail de M. X… est patent sur les années précédant son accident ; que cette politique de surcharge, de pressions,  » d’objectifs inatteignables  » est confirmée par des attestations ; que les sociétés Sedih et Sogec n’ont pas utilement pris la mesure des conséquences de leur objectif de réduction des coûts en terme de facteurs de risque pour la santé de leurs employés et spécifiquement de M. X…, dont la position hiérarchique le mettait dans une position délicate pour s’y opposer et dont l’absence de réaction ne peut valoir quitus de l’attitude des dirigeants de l’entreprise ; que l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur ne peut qu’être générale et en conséquence ne peut exclure le cas, non exceptionnel, d’une réaction à la pression ressentie par le salarié ; que le débat sur la portée exacte de la réunion du 4 septembre 2007 et les propos qui y ont été échangés est sans réel intérêt dès lors que ces propos n’ont été que le déclencheur d’une crise cardiaque générée de longue date par le stress subi par M. X… ; 

Que de ces constatations et énonciations, la cour d’appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve produits aux débats, a pu déduire que les employeurs avaient ou auraient dû avoir conscience du risque encouru par leur salarié et n’ont pas pris les mesures propres à l’en préserver, de sorte que leur faute inexcusable était établie 

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; 

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le premier moyen, qui n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ; 

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE le pourvoi ; 

Quand la modification des horaires de travail nécessite l’accord du salarié

En principe, dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur peut parfaitement modifier de son propre chef, la répartition des horaires quotidiens de travail de son salarié dès lors qu’il maintient la durée de travail prévue au contrat. 

Il s’agit d’une simple modification des modalités d’exécution du contrat que le salarié ne peut refuser sous peine de commettre une faute. 

Par contre, cette modification ne doit pas porter atteinte de manière excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos.( voir notamment Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 3 novembre 2011 N° de pourvoi: 10-14702 Publié au bulletin).

Ainsi une réorganisation complète de la répartition et du rythme de travail nécessite l’accord du salarié. (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 14 novembre 2012 N° de pourvoi: 11-21240 Non publié au bulletin ).

Dans cette dernière affaire, dans un hôpital, l’employeur avait modifié les horaires de travail des sages femmes impliquant 8 gardes de 12 heures, en alternance le jour et la nuit.

Une sage-femme qui travaillait à raison de 4 gardes de 24 heures par mois a contesté cette modification et a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

Elle a eu raison, peu importe les justifications apportées par l’employeur pour expliquer sa décision.

Egalité de traitement et appartenance à des établissements distincts

Voici une nouvelle affaire illustrant la notion d’égalité de traitement.

C’est une grande enseigne – la société CONFORAMA – qui est placée sous les feux des projecteurs judiciaires.

Dans certains magasins CONFORAMA, les directeurs accordaient à leurs salariés la récupération des jours de repos hebdomadaires s’ils tombaient un jour férié.

Les salariés des autres magasins, qui n’en bénéficiaient pas, estimaient subir une inégalité de traitement illicite.

Avec les organisations syndicales, les salariés concernés avaient saisi le Juge.

La Cour d’Appel de Paris avait considéré que cette pratique ne saurait s’imposer à l’ensemble des salariés de l’entreprise, eu égard à l’autonomie de gestion de chacun des établissements de la société Conforama et qu’elle ne devait pas être étendue à l’ensemble des salariés de l’entreprise.

Elle avait tort.

La Cour de Cassation estime qu’il y a une inégalité de traitement.

La seule appartenance des salariés exerçant un travail égal ou de valeur égale à des établissements distincts ne suffit pas à justifier la différence de traitement, (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 14 novembre 2012 N° de pourvoi: 11-22644 Non publié au bulletin Cassation).

L’attendu de principe à retenir est le suivant :

 » Attendu que pour l’attribution d’un droit ou d’un avantage reconnu par un accord collectif, un usage ou un engagement unilatéral de l’employeur, il ne peut y avoir de différences de traitement entre salariés d’établissements différents d’une même entreprise exerçant un travail égal ou de valeur égale, que si elles reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence « .

Du temps de trajet pour se rendre du domicile au lieu de travail

  • (mis à jour le 18/04/14)

Le temps de trajet pour se rendre du domicile au lieu de travail n’est pas du travail effectif.

Cependant lorsqu’il excède le temps nécessaire à un travailleur pour se rendre de son domicile à son lieu de travail habituel, il doit faire l’objet d’une contrepartie.

Cette contrepartie est donnée :

– soit sous forme de repos

– soit sous forme financière

La convention collective ou le contrat de travail peuvent prévoir cette contrepartie.

En l’absence d’accord collectif ou d’engagement unilatéral pris conformément à l’article L. 3121-4 du code du travail, il appartient au juge de déterminer cette contrepartie.( Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 14 novembre 2012 N° de pourvoi: 11-18571 Publié au bulletin CassationCour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 avril 2013, 12-15.757, Inédit ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 avril 2014, 12-25.295, Inédit)

Cependant cette contrepartie n’a pas la nature d’un rappel de salaire car il ne s’agit pas de travail effectif. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 février 2013, 11-24.738, Inédit)

Le règlement intérieur et l’Alcool

mis à jour 16 janvier 2024

L’alcool ne peut être interdit dans l’entreprise par principe.

Si le règlement intérieur l’interdit, l’employeur doit pouvoir justifier des raisons motivant une telle interdiction.

Pour cconnaîtreles moyens de justifications pour interdire totalement l’alcool dans l’entreprise, je vous invite à lire mon article:   EST-IL POSSIBLE DE PRÉVOIR UNE « TOLÉRANCE ZÉRO ALCOOL  » DANS L’ENTREPRISE ?

Mais il faut savoir que c’est seulement depuis 2012  que le conseil d’état a remis en cause sa jurisprudence ancienne selon laquelle le règlement intérieur peut interdire l’introduction et la consommation de toute boisson alcoolisée dans l’entreprise si l’employeur, sans en justifier, estime cette interdiction opportune dans l’intérêt de l’entreprise. ( Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 12/11/2012, 349365)

Je vous livre la partie la plus intéressante de l’arrêt du Conseil d’Etat ( Conseil d’État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 12/11/2012, 349365) : 

Sur les conclusions du pourvoi du ministre du travail, de l’emploi et de la santé :

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 122-34 du code du travail, devenu l’article L.1321-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige :  » Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe exclusivement : / – les mesures d’application de la réglementation en matière d’hygiène et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement (…)  » ; qu’aux termes de l’article L. 122-35 du même code, devenu l’article L.1321-3 : (…)  » Le règlement intérieur (…) ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. (…)  » ; qu’aux termes de l’article L. 230-2 du même code, devenu l’article L.4121-1 :  » I. – Le chef d’établissement prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs de l’établissement, y compris les travailleurs temporaires  » ; qu’enfin, aux termes de l’article L. 232-2 du même code, dont les dispositions ont été en partie reprises à l’article R. 4228-20 : «  Il est interdit à toute personne d’introduire ou de distribuer et à tout chef d’établissement (…) de laisser introduire ou de laisser distribuer dans les établissements et locaux mentionnés à l’article L. 231-1, pour être consommées par le personnel, toutes boissons alcooliques autres que le vin, la bière, le cidre, le poiré, l’hydromel non additionnés d’alcool. «  ;

3. Considérant, en premier lieu, que, par l’arrêt attaqué, la cour administrative d’appel de Lyon a jugé qu’il résultait des articles cités ci-dessus que si l’employeur pouvait, lorsque des impératifs de sécurité le justifient, insérer dans le règlement intérieur des dispositions qui limitent la consommation de boissons alcoolisées de manière plus stricte que l’interdiction posée par l’article L. 232-2 du code du travail, de telles dispositions devaient, conformément à l’article L. 122-35 de ce code, rester proportionnées au but de sécurité recherché ; qu’en statuant ainsi, et alors même qu’il appartient à l’employeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer, conformément à l’article L. 230-2 du même code, la santé des travailleurs de l’établissement, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ; 

4. Considérant, en second lieu, qu’en jugeant que les dispositions du règlement intérieur de l’établissement de Grenoble de la société Caterpillar France, qui prévoient que  » La consommation de boissons alcoolisées est interdite dans l’entreprise, y compris dans les cafeterias, au moment des repas et pendant toute autre manifestation organisée en dehors des repas.  » n’étaient pas fondées sur des éléments caractérisant l’existence d’une situation particulière de danger ou de risque, et excédaient, par suite, par leur caractère général et absolu, les sujétions que l’employeur peut légalement imposer, la cour n’a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ; 

5. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre du travail, de l’emploi et de la santé n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge, tant de l’Etat que de la société Caterpillar France, le versement d’une somme de 1 500 euros chacun au comité d’entreprise de la société Caterpillar France, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les pourvois du ministre du travail, de l’emploi et de la santé et de la société Caterpillar France sont rejetés.

Article 2 : L’Etat et la société Caterpillar France verseront chacun au comité d’entreprise de la société Caterpillar France une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Articles 3 : La présente décision sera notifiée au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à la société Caterpillar France et au comité d’entreprise de la société Caterpillar France.