Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

le passage d’un horaire continu à un horaire discontinu entraîne la modification du contrat de travail

  • (mis à jour le 17/11/11)

Il faut rappeler que sauf atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos,l’instauration d’une nouvelle répartition du travail sur la journée relève du pouvoir de direction de l’employeur. ( Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 3 novembre 2011 N° de pourvoi: 10-14702 Publié au bulletin).

Cela signifie qu’il peut changer les horaires de son salarié sans son accord.

Cependant, l’employeur doit impérativement obtenir l’accord du salarié lorsqu’il souhaite transformer les horaires de travail de son salarié l’obligeant de passer d’un horaire continu à un horaire discontinu.

La Cour de cassation en sa chambre sociale Audience publique du jeudi 3 novembre 2011 N° de pourvoi: 10-30033vient de rendre un arrêt de principe sur cette question.

Prise d’acte de la rupture et utilisation illicite d’un système de géolocalisation

  • (mis à jour le 12/11/11)

C’est de nouveau à l’occasion de la prise d’acte de la rupture par un salarié que la Cour de Cassation apporte une nouvelle illustration des limites du pouvoir de contrôle par l’employeur du temps de travail de son salarié. 

En l’espèce, un salarié commercial était soumis à un horaire de 35 heures par semaine mais disposait d’une liberté dans l’organisation de son travail. 

Son employeur lui avait notifié la mise en place d’un système de géolocalisation sur son véhicule afin de permettre l’amélioration du processus de production et des visites effectuées. 

L’employeur a alors cru pouvoir utiliser ce système de géolocalisation pour contrôler le temps de travail de son salarié et réduire sa rémunération. 

La salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur. 

La Cour D’Appel puis la Cour de Cassation chambre sociale 3 novembre 2011 N° de pourvoi: 10-18036 donne raison au salarié et sanctionne cette utilisation illicite de la géolocalisation par ces motifs: 

« Mais attendu, d’abord, que selon l’article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail ; 

Attendu, ensuite, qu’un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l’employeur pour d’autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, et portées à la connaissance des salariés ; 

Et attendu que la cour d’appel a constaté, d’une part, que selon le contrat de travail, le salarié était libre d’organiser son activité selon un horaire de 35 heures, à charge pour lui de respecter le programme d’activité fixé et de rédiger un compte-rendu journalier précis et détaillé, lequel de convention expresse faisait preuve de l’activité du salarié, et, d’autre part, que le dispositif avait été utilisé à d’autres fins que celles qui avaient été portées à la connaissance du salarié ; qu’elle en a exactement déduit que cette utilisation était illicite et qu’elle constituait un manquement suffisamment grave justifiant la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur «  

Prise d’acte de la rupture et absence de reconnaissance par l’employeur de la qualification du salarié

Le salarié a toujours intérêt à contester sa qualification retenue par son employeur, si il estime que celle-ci n’est pas conforme à son poste et à sa convention collective.

En outre, si aucun accord n’est possible entre les deux parties, le salarié qui n’a pas bénéficié, depuis plusieurs années, de la classification à laquelle il pouvait prétendre et la rémunération y afférente peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

La Cour de Cassation vient de confirmer cette position par deux arrêts de sa chambre sociale du 13 octobre 2011 N° de pourvoi: 09-71574 et N° de pourvoi: 09-71702.

La prise d’acte de rupture par le salarié aux torts d’un employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Des risques de travailler pendant son arrêt maladie

  • (mis à jour le 28/10/13)

Le salarié qui travaille pendant son arrêt maladie risque de perdre le bénéfice de ses indemnités journalières.

Peut-il également perdre son emploi?

La Cour de cassation, chambre sociale, 12 octobre 2011 N° de pourvoi: 10-16649 répond à cette question par un attendu de principe: « que l’inobservation par le salarié de ses obligations à l’égard de la sécurité sociale ne peut justifier un licenciement et que l’exercice d’une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt ; que pour fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l’employeur ou à l’entreprise « .

Il faut retenir que le salarié qui travaille pendant son arrêt maladie ne peut être licencié pour ce motif que si, pendant cette période, il a concurrencé son employeur…

(confirmation : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 octobre 2013, 12-15.638, Inédit )

Du harcèlement sexuel de collègues

  • (mis à jour le 23/01/12)

La Cour de Cassation vient de rendre un arrêt délimitant le champ d’application du harcèlement sexuel .

Le harcèlement sexuel d’un collègue en dehors du temps de travail ou en dehors du lieu de travail constitue une faute sanctionnable par l’employeur.

En effet, dans son arrêt du 19 octobre 2011 N° de pourvoi: 09-72672 publié au bulletin, la Cour de Cassation retient que les propos à caractère sexuel et les attitudes déplacées d’un salarié à l’égard de personnes avec lesquelles l’intéressé était en contact en raison de son travail ne relèvent pas de sa vie personnelle même si lesdits propos et attitudes n’avaient pas lieu sur le temps et le lieu de travail.

En d’autres termes, le harcèlement sexuel d’un collègue lors d’une soirée en dehors du temps et du lieu de travail est sanctionnable dès lors que les seules relations existantes entre les parties résultaient du travail.

voir également sur cette question (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 11 janvier 2012 N° de pourvoi: 10-12930 Publié au bulletin Rejet )

Du vote fixant la rémunération du Gérant Majoritaire d’une SARL

La Cour de Cassation en sa chambre commerciale vient de rendre un arrêt en date du 4 octobre 2011 N° de pourvoi: 10-23398 Publié au bulletin rappelant les conditions de validité de fixation de la rémunération du gérant majoritaire.

1- Le gérant associé, fût-il majoritaire, peut prendre part au vote lors de la délibération fixant sa rémunération.

(confirmation de Cour de cassation, chambre commerciale 4 mai 2010 pourvoi N° 09-13205). 

2- la délibération litigieuse peut être annulée en cas d’abus de majorité.

Cependant l’associé lesé doit prouver en quoi la délibération ayant arrêté la rémunération litigieuse, avait été prise contrairement à l’intérêt social et dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité.

L’interdiction de mettre en danger autrui s’applique à l’employeur et au salarié.

  • (mis à jour le 20/10/11)

La Cour de Cassation, chambre sociale, 4 octobre 2011, n° 10-18.862 vient de rappeler que la mise en danger par un salarié de ses collègues peut constituer une faute grave justifiant un licenciement.

En l’espèce, un salarié, chauffeur scolaire a été licencié pour faute grave le 2 mai 2007 pour comportement irresponsable et mise en danger de l’intégrité physique d’autrui. 

Il avait introduit son chien, sur le lieu de travail, et à l’intérieur de son véhicule automobile.

Ce dernier s’était échappé et avait mordu une salariée qui sortait de l’entreprise.

La Cour de Cassation conclut que le licenciement pour faute grave est justifié car le salarié avait commis un manquement à son obligation de ne pas mettre en danger, dans l’enceinte de l’entreprise, d’autres membres du personnel.

Voilà posé un juste équilibre :

– l’employeur a une obligation de sécurité-résultat à l’égard de ses salariés

– le salarié ne doit pas mettre en danger ses collègues 

Abus d’internet et faute grave

  • (mis à jour le 20/10/11)

L’utilisation de l’internet de l’entreprise à des fins personnelles peut-elle justifier un licenciement pour faute grave ?

OUI, répond la Cour de Cassation dans un arrêt de sa chambre sociale du 21 septembre 2011 N° de pourvoi: 10-14869.

Les faits de cette affaire étaient les suivants :

Un salarié passsait des heures entières sur des sites de ventes de véhicules (intégra. fr. « miseauto. com …), de jeux de « hasard (ptg. fr.), de rencontres (amoureux. com, …) et « pornographiques (plugin-x. com., alien-sexe. shop3x, club-mateur. com, sexfulove. com, sa-sex. com, club-sexyloo. com, sexy avenue. com …),

Il avait même téléchargé et envoyé sur une de ses adresses personnelles des vidéos pornographiques.

Pour masquer ses visites sur la toile, il avait téléchargé sur Internet un logiciel « drivecleaner » qui effaçait les traces de ses connexions.

L’employeur finit par découvrir le pot aux roses et le licencia pour plusieurs fautes graves dont – « avoir passé pendant votre temps de travail des heures entières à consulter sur Internet des sites qui n’ont aucun caractère professionnel. » relevant une attitude non professionnelle.

Le salarié tenta de soutenir que l’employeur n’avait interdit ce type de connexions ni par son règlement intérieur, ni par l’installation de filtres sélectifs sur l’ordinateur, ou encore qu’il ne serait résulté de leur consultation aucune gêne dans l’organisation du travail ni aucun préjudice pour l’employeur. 

La Cour de Cassation confirme la position de la Cour d’Appel en rejetant l’argumentation du salarié et valide le licenciement pour faute grave par cet attendu :

« Mais attendu que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; 

Et attendu qu’ayant constaté que le tableau des permanences de M. X… et la liste des heures de connexion sur les différents sites internet de l’ordinateur de l’agence révélaient que les heures de consultation des sites étaient celles où celui-ci s’y trouvait seul, chargé de la permanence téléphonique et que les sites les plus nombreux étaient les sites  » d’activité sexuelle et de rencontres « , le dernier site étant celui destiné au téléchargement d’un logiciel permettant d’effacer les fichiers temporaires du disque dur, la cour d’appel a pu décider que de tels faits, qui constituaient à eux seuls des manquements graves du salarié à ses obligations découlant du contrat de travail, étaient constitutifs d’une faute grave. « 

Cette solution est à rapprocher de celle rendue par la Cour de Cassation en matière d’utilisation du téléphone.

Rappelons cependant qu’une charte informatique permet souvent d’éviter de tels excès de connexions.

 

Code du travail : La seule contrepartie obligatoire au travail de nuit doit être attribuée sous forme de repos compensateur

Tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit.

Une autre période de travail de nuit peut être fixée par une convention ou un accord collectif de branche étendu, un accord d’entreprise ou d’établissement. 

Cette période de substitution devra comprendre en tout état de cause l’intervalle compris entre 24 heures et 5 heures.

Contrairement aux idées reçues, le travail de nuit ne donne pas toujours lieu à une rémunération plus élevée.

En effet, la seule obligation légale est prévue par l’Article L3122-39 du code du travail en ces termes :

« Les travailleurs de nuit bénéficient de contreparties au titre des périodes de nuit pendant lesquelles ils sont employés sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale. »

Certains avaient cru pouvoir lire dans cet article du code du travail qu’une compensation financière pouvait être exigée en sus du repos compensateur même si aucune convention collective ne le prévoyait.

La Cour de cassation refuse cette interprétation du texte.

Elle retient dans une décision de sa chambre sociale du 28 septembre 2011 N° de pourvoi: 10-30536 , qu’en l’absence d’un accord collectif plus favorable, la seule contrepartie obligatoire au travail de nuit doit être attribuée sous forme de repos compensateur.

La non majoration des heures de nuit et le travail dissimulé

L’employeur peut-il être condamné pour travail dissimulé lorsqu’il a omis de majorer le taux des heures effectuées de nuit par son salarié, alors qu’un accord collectif prévoyait cette obligation ?

Cette question est importante car l’article L. 8223-1 du code du travail précise qu’en cas de travail dissimulé, le salarié a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire outre le rappel de salaire afférent.

La Cour de cassation, chambre sociale, par arrêt du 28 septembre 2011 N° de pourvoi: 10-20289 vient de répondre à cette question en ces termes : »

« Attendu que pour condamner l’employeur au paiement de cette indemnité, l’arrêt énonce par motifs propres et adoptés qu’il résulte du rapport d’expertise que les bulletins de paie du salarié n’indiquent pas d’heures de nuit ;

Qu’en statuant ainsi, sans vérifier comme il était soutenu si l’employeur avait bien mentionné sur les bulletins de paie la totalité des heures effectuées par l’intéressé en omettant simplement de les rémunérer comme heures de nuit, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. »

En d’autres termes, tant que les heures sont mentionnées sur le bulletin de paie même à un mauvais taux, il n’y a pas de travail dissimulé.