Le salarié a-t-il un droit de regard sur les choix de gestion de l’employeur ?
Cette question est importante car les choix de gestion peuvent impacter non seulement la pérennité des emplois salariés mais également entraîner des réorganisations engendrant des situations de mal être au travail voire de harcèlement moral.
Le salarié peut-il alors contester les choix de gestion de son employeur ?
La Cour de Cassation vient de rendre deux décisions qui permettent de comprendre que la question n’est pas aussi évidente qu’elle y parait. ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 mai 2014, 12-28.803 12-28.804 12-28.805 12-28.806 12-28.807, Inédit ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 mai 2014, 13-11.038, Inédit )
La Cour de Cassation ne permet un contrôle des choix de gestion que lorsqu’il y a légèreté blâmable de l’employeur ou atteinte à la santé du salarié au travers du harcèlement moral.
- Dans la première affaire du 21 mai 2014 , des salariés de la société Betafence France avaient été licenciés pour motif économique reposant sur une menace sur la compétitivité de l’entreprise .
Ils avaient saisi la juridiction prud’homale pour contester le motif économique invoqué par l’employeur en arguant d’une faute de gestion de l’employeur ayant conduit à cette restructuration.
Ils mettaient notamment en avant le fait que les résultats du groupe nécessitant la réorganisation étaient la conséquence d’une contrainte de remboursement liée à une cession par « LBO » et à des acquisitions réalisées depuis, ce qui relevait de choix de gestion.
La Cour d’Appel avait estimé que le licenciement économique des salariés n’était pas justifié, faute pour l’employeur d’avoir pu justifier de la pertinence de ses choix de gestion.
La Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel en ces termes :
« le juge ne peut se fonder, sauf légèreté blâmable de l’employeur, sur les choix de gestion de ce dernier pour apprécier le bien-fondé du licenciement« . ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 mai 2014, 12-28.803 12-28.804 12-28.805 12-28.806 12-28.807, Inédit)
- Dans une seconde affaire, un salarié se plaignait d’harcèlement moral en raison de la gestion de l’entreprise.
La Cour de Cassation a reconnu que les méthodes de gestion, dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles, notamment, de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d’altérer sa santé physique ou mentale, peuvent caractériser un harcèlement moral,(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 mai 2014, 13-11.038, Inédit)