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Inquiétant : Le délit de harcèlement sexuel français n’existe plus

Je vous laisse lire le communiqué de presse de ce jour du Conseil Constitutionnel :

Communiqué de presse – 2012-240 QPC Décision n° 2012-240 QPC 

| M. Gérard D. [Définition du délit de harcèlement sexuel] 

« Le Conseil constitutionnel a été saisi le 29 février 2012 par la Cour de cassation, dans les conditions prévues par l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Gérard D. Cette question était relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article 222-33 du code pénal. 

Le délit de harcèlement sexuel a été introduit dans le code pénal en 1992 et défini alors comme « le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ». La loi du 17 juillet 1998 a ajouté les « pressions graves » à la liste des actes au moyen des quels le harcèlement peut être commis. La loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a toutefois modifié cette définition pour élargir le champ de l’incrimination en supprimant toutes les précisions relatives aux actes par lesquels le harcèlement peut être constitué ainsi qu’à la circonstance relative à l’abus d’autorité. A la suite de ces lois successives, dans sa version soumise au Conseil constitutionnel, l’article 222-33 du CP disposait : « Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». 

Le Conseil constitutionnel a fait application de sa jurisprudence constante relative au principe de légalité des délits et des peines. Ce principe, qui résulte de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, implique que le législateur définisse les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis. En l’espèce l’article 222-33 du code pénal permet que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l’infraction soient suffisamment définis. Par suite, ces dispositions méconnaissaient le principe de légalité des délits et des peines. Le Conseil constitutionnel les a donc déclarées contraires à la Constitution. L’abrogation de l’article 222-33 du code pénal prend effet à compter de la publication de la décision du Conseil et est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date. « 

Quid des victimes à ce jour ? 

En droit du travail, fort heureusement, il reste le délit de harcèlement moral qui peut être invoqué.

L’infraction de harcèlement sexuel devrait renaitre de ses cendres, mieux définie…mais dans combien de temps ?

En attendant il faut rappeler qu’il existe toujours les articles L 1153-1 du Code du travail et suivants qui interdisent le harcèlement sexuel au travail.

 

Sanctionner le salarié harceleur

  • (mis à jour le 04/03/12)

En matière de harcèlement moral, l’employeur est tenu envers ses salariés d’uneobligation de sécurité de résultat.

Cela signifie qu’il doit protéger la victime de harcèlement mais égalementsanctionner le coupable de harcèlement.

Or pour sanctionner le présumé harceleur, l’employeur doit être certain que ce dernier s’est effectivement rendu coupable de harcèlement.

En effet, il ne peut pas former sa conviction uniquement sur les dénonciations de la présumée victime.

L’employeur doit détenir la preuve de l’existence du harcèlement.

La Cour de Cassation a été interrogée sur l’étendue de ladite preuve que doit apporter l’employeur.

Elle a jugé que l’employeur doit apporter la preuve non seulement de la matérialité des faits mais également démontrer que cela constitue du harcèlement (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 7 février 2012 N° de pourvoi: 10-17393 Publié au bulletin ).

La Cour de Cassation retient que l’article L.1154-1, qui facilitait la charge de la preuve du salarié harcelén’est pas applicable lorsque survient un litige relatif à la mise en cause d’un salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement moral.

Rappelons tout de même qu’en présence d’éléments de faits faisant présumer l’existence d’un harcèlement moral commis par un salarié à l’encontre d’un autre, l’employeur a l’obligation de prendre les mesures nécessaires à la cessation de ces agissements.

Il ressort donc de l’arrêt de la Cour de Cassation que lesdites mesures ne sont pas des sanctions du présumé harceleur tant qu’il existe un doute sur la réalité du harcèlement….

Du cumul des DI entre le licenciement sans cause réelle et sérieuse et le harcèlement moral

Il arrive que les faits retenus pour justifier un licenciement soient également constitutifs d’un harcèlement moral du salarié.

Le salarié a-t-il alors le droit à une double indemnisation ?

En toute logique la Cour de Cassation admet qu’il existe deux préjudices distinctsqui doivent donc donner lieu à deux indemnisations différentes (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 19 janvier 2012 N° de pourvoi: 10-30483)

Il faut retenir qu’il est tout à fait possible de solliciter des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ET de présenter aussi une demande distincte de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

 

harcèlement sexuel : la tolérance de l’employeur ne crée pas de droit

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Cela implique qu’il doit protéger les salariés de son entreprise, victimes de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail ou à l’occasion de celui-ci.

L’article L. 1153-1 du code du travail, rappelle que caractérisent un harcèlement sexuel, les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers.

La Cour de Cassation par arrêt de sa chambre sociale du 1 décembre 2011 N° de pourvoi: 10-18920 confirme que le fait que l’employeur n’ait pas sanctionné par le passé le salarié pour des faits identiques n’empêche pas le licenciement pour faute grave du harceleur.

L’attendu de l’arrêt est le suivant : »le salarié avait eu à l’égard de plusieurs salariées et en dépit de leurs remarques et protestations des attitudes et des propos déplacés dans le but manifeste d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, la cour d’appel a, quelle qu’ait pu être l’attitude antérieure de l’employeur, tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs,caractérisé un harcèlement sexuel « .

Du harcèlement sexuel de collègues

  • (mis à jour le 23/01/12)

La Cour de Cassation vient de rendre un arrêt délimitant le champ d’application du harcèlement sexuel .

Le harcèlement sexuel d’un collègue en dehors du temps de travail ou en dehors du lieu de travail constitue une faute sanctionnable par l’employeur.

En effet, dans son arrêt du 19 octobre 2011 N° de pourvoi: 09-72672 publié au bulletin, la Cour de Cassation retient que les propos à caractère sexuel et les attitudes déplacées d’un salarié à l’égard de personnes avec lesquelles l’intéressé était en contact en raison de son travail ne relèvent pas de sa vie personnelle même si lesdits propos et attitudes n’avaient pas lieu sur le temps et le lieu de travail.

En d’autres termes, le harcèlement sexuel d’un collègue lors d’une soirée en dehors du temps et du lieu de travail est sanctionnable dès lors que les seules relations existantes entre les parties résultaient du travail.

voir également sur cette question (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 11 janvier 2012 N° de pourvoi: 10-12930 Publié au bulletin Rejet )

l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés

La Cour de Cassation avait déjà eu l’occasion de dire que l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés (cass. soc. 10 novembre 2009, n° 07-42849; cass. soc. 23 mars 2011, n° 09-42666 FSPB). 

Elle vient de réaffirmer cette position dans un arrêt récent à propos d’un salarié exerçant plusieurs mandats représentatifs (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 29 juin 2011 N° de pourvoi: 10-14067 Publié au bulletin Cassation partielle ) 

 

la charge de la preuve de la discrimination

Lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination

Si c’est le cas, il appartient à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination .

La Cour de Cassation a estimé que la discrimination était avérée dans la mesure où : 

– le salarié s’était vu affecter un autre véhicule que celui qu’il conduisait habituellement, en raison de ses absences pour exercer ses mandats représentatifs, et ce jusqu’à l’intervention de l’inspecteur du travail ; 

– il n’avait bénéficié ni des frais de repas lors de ses journées de délégation, ni de diverses primes attachées à son exercice professionnel ; 

– son salaire moyen était le plus faible de tous les chauffeurs, à l’exception d’un autre ; 

– il n’avait pas eu d’entretien d’évaluation ; 

– il était l’un des seuls chauffeurs – exception faite de trois autres délégués syndicaux – à ne pas bénéficier d’un téléphone mobile. (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 29 juin 2011 N° de pourvoi: 10-15792 Publié au bulletin Cassation )

Des décisions judiciaires qui reconnaissent la discrimination !

mise à jour 19 mars  2015

DE LA RUPTURE DE L’EGALITE 

En droit du travail, la discrimination est le traitement injuste ou illégitime appliqué à un ou plusieurs salariés en raison notamment, de leur âge, origine, handicap, de leur nom, de leur sexe, de leur apparence physique, de leurs croyances religieuses ou de leur appartenance à un mouvement syndical ou politique. 

Il est aussi difficile d’obtenir des dommages et intérêts pour discrimination devant les juridictions de première instance (Conseil de Prud’hommes) que pour harcèlement moral .

Heureusement, la haute juridiction rend périodiquement des arrêts qui redonnent espoir aux victimes de DISCRIMINATION en allégeant la charge de la preuve. 

–> Cour de cassation chambre sociale 4 mai 2011 N° de pourvoi: 09-70702 

Dans cette affaire, le salarié, ayant une forte activité syndicale dans l’entreprise ( notamment membre du CHSCT) avait subi des changements de postes successifs et avait été écarté de certaines évaluations annuelles. 

La Cour d’Appel avait refusé de reconnaitre l’existence d’une discrimination. 

La Cour de Cassation casse sa décision  » Qu’en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants et sans rechercher si l’employeur établissait que l’omission de certaines évaluations annuelles était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; 

–> Cour de cassation chambre sociale 5 mai 2011 N° de pourvoi: 09-43175 

Un salarié se plaignait de discrimination salariale en raison de son appartenance syndicale. 

La Cour de Cassation, après avoir rappelé que  » la disparité de traitement s’apprécie au regard de salariés placés dans une situation comparable, ce qui n’implique pas l’identité des tâches accomplies par les salariés mis en comparaison  » constate : 

– que le salarié avait bénéficié d’une progression de carrière constante et régulière depuis son embauche en 1983 jusqu’en 1994 matérialisée par des promotions et augmentations de salaire individuelles et qu’à partir de cette dernière date, immédiatement postérieure à son engagement syndical, il n’avait plus bénéficié de la moindre augmentation individuelle jusqu’à un entretien individuel intervenu en octobre 2002 après un contrôle de l’inspecteur du travail et un rapport de celui-ci faisant état d’une possible discrimination syndicale. 

– que le salarié percevait une rémunération sensiblement inférieure à la moyenne de l’ensemble des salariés occupant le même poste de travail avec la même qualification et embauchés à la même époque, que selon un rapport de l’inspecteur du travail il avait perçu le plus faible salaire de base de sa catégorie de 2002 à 2007 et que l’écart s’était creusé pendant la même période et ce même après que l’intéressé ait accédé en 2006 au coefficient supérieur. 

Dans cette décision la Haute juridiction exclut que la différence de rémunération puisse résulter : 

– du fait pour le salarié d’avoir refusé de participer à des formations ou d’avoir été sanctionné d’une mise à pied en 2005 alors même que ces faits ne l’avaient pas empêché de faire l’objet d’appréciations positives en termes de compétence, d’attitude générale ou de disponibilité. 

– des absences injustifiées ou erreurs de calcul imputées à l’intéressé dans son travail. 

– des sanctions disciplinaires anciennes. 

Selon elle, ces éléments ne constituaient pas des éléments objectifs propres à justifier la faiblesse de sa rémunération. 

–> Cour de cassation chambre sociale 3 mai 2011 N° de pourvoi: 09-68297 

La haute juridiction statue par un attendu de principe :  » constitue une mesure discriminatoire l’attribution aux seuls salariés non grévistes d’une prime exceptionnelle ne correspondant pas à un surcroît de travail. »

Elle sanctionne les juges du fond qui avaient retenu que la prime était destinée à compenser les conditions de travail pénibles des salariés pendant le mouvement social liées notamment à la nervosité des usagers du service de transport assuré par l’employeur.

Selon elle, le Conseil de Prud’hommes n’avait pas caractérisé  » un surcroît de travail des salariés non grévistes ».

 –> Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 mars 2015, 13-23.521, Publié au bulletin

 De la discrimination en état de grossesse :

Dans cette affaire,  une salariée avait été engagée en 1986 en qualité de rédactrice stagiaire par la société Les Editions Y…, éditeur de magazines.

Elle avait  bénéficié de trois congés maternité de juillet 1997 à août 1998, de septembre 2001 à février 2003 et de mars à septembre 2005.

Son retour dans l’entreprise s’était mal passée et dès le mois d’octobre 2006.

Elle n’avait pas retrouvé son poste antérieur, et avait été  privée des avantages salariaux et de progression de carrière.

La Cour de Cassation se prononce très clairement : « le préjudice subi par la salariée au titre de la violation du principe d’égalité de traitement est pris en compte dans l’octroi de dommages-intérêts au titre de la discrimination à raison de l’état de grossesse ». 

DROIT DU TRAVAIL : le harcèlement moral non intentionnel

  • (mis à jour le 26/05/11)

La Cour de Cassation vient d’ajouter un nouveau chapitre à sa jurisprudence sur le harcèlement moral.

Par deux arrêts de sa chambre sociale du 5 mai 2011 N° de pourvoi: 09-69126 et du 4 mai 2011 N° de pourvoi: 09-42988 , elle vient de considérer que le harcèlement moral en droit du travail existe même sans intention de le réaliser.

 » le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel « . (confirmé parCour de cassation chambre sociale 18 mai 2011 N° de pourvoi: 10-30421

Cette solution diffère du droit pénal où l’intention sert à qualifier le délit.

La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation risque de ne pas être en accord avec cette solution…