Archives par mot-clé : heures supplémentaires

Du sort des heures supplémentaires réalisées par le salarié sans l’accord de l’employeur

  • (mis à jour le 21/11/12)

Payer les heures supplémentaires coûte cher à l’entreprise surtout lorsque le chef d’entreprise n’a pas les moyens de les rémunérer ou lorsque le salarié n’est pas suffisamment performant pour les rentabiliser.

Pour contourner la difficulté, les TPE et les PME ont développé dans les contrats de travail et dans des notes internes des clauses qui interdisent les heures supplémentaires ou les limitent à l’accord écrit et préalable de l’employeur.

La Cour de Cassation en sa chambre sociale le 6 avril 2011 N° de pourvoi: 10-14493 vient de rendre une décision qui confirme sa position pro-salariée quant aux heures supplémentaires.

Elle estime que même sans l’accord de l’employeur, les heures supplémentaires doivent être payées si elles ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.

Voilà un débat bien vaste ouvert aux juridictions de première instance qui devront apprécier au cas par cas, en cas de refus de l’employeur de payer les heures réalisées sans son accord, si le salarié pouvait, sans effectuer des heures supplémentaires, exécuter le travail mis à sa charge par l’employeur.

Reste la question de la charge de la preuve . 

–> Est ce au salarié de rapporter la preuve qu’il ne pouvait pas exécuter son travail sans effectuer d’heures supplémentaires ?

–> Ou est-ce à l’employeur de rapporter la preuve que le travail demandé pouvait être réalisé dans le temps de travail contractuellement prévu ?

( confirmation : Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 24 octobre 2012 N° de pourvoi: 11-30387 Non publié au bulletin Rejet)

 

CADRE DIRIGEANT : la convention collective peut exiger un document contractuel écrit en sus des conditions légales

  • (mis à jour le 16 juillet 2018)

La Cour de cassation en sa chambre sociale lors d’un arrêt du 13 janvier 2009 N° de pourvoi: 06-46208 publié au bulletin a rappelé la définition d’un CADRE DIRIGEANT au sens de l’article L 3111-2 du code du travail : 

« sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités àprendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement ; que les critères ainsi définis sont cumulatifs et que le juge doit vérifier précisément les conditions réelles d’emploi du salarié concerné, peu important que l’accord collectif applicable retienne pour la fonction occupée par le salarié la qualité de cadre dirigeant « . 

La qualification « CADRE DIRIGEANT » donnée par les parties dans le contrat de travail ou sur les fiches de paie est sans incidence sur celle retenue par la juridiction prud’homale. 

Le Juge doit examiner in concreto les fonctions des salariés (Cour de cassation chambre sociale 23 novembre 2010 N° de pourvoi: 09-41552 Cour de cassation chambre sociale 19 janvier 2012 N° de pourvoi: 10-21969 10-22942 ) 

Les juges ne peuvent retenir la qualité de CADRE DIRIGEANT qu’aux salariés qui cumulent les conditions suivantes : 

 des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, 

– être habilité à prendre des décisions de façon largement autonome 

– percevoir une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés pratiqués par l’entreprise ou son établissement. 

(voir Cour de cassation chambre sociale 31 mai 2011 N° de pourvoi: 10-10257) 

En outre, la Cour de Cassation en sa chambre sociale le 6 avril 2011 N° de pourvoi: 07-42935 retient que la convention collective peut rajouter une condition : l’obligation d’un document contractuel mentionnant les modalités d’exercice des responsabilités justifiant le forfait sans référence horaire.

Cette solution est constante. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 mai 2018, 16-25.557, Publié au bulletin)

Les conséquences de cette qualification de CADRE DIRIGEANT sont très importantes. 

Les CADRES DIRIGEANTS ne sont pas soumis à la législation de la durée de travail c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas prétendre au paiement d’heures supplémentaires même s’ils travaillent les week-ends et les jours fériés. 

Les CADRES DIRIGEANTS ne bénéficient que des dispositions relatives aux congés annuels , aux congés maternité ou pour événements familiaux, aux congés non rémunérés et au compte épargne -temps. 

 

De l’intérêt des mails pour prouver les heures supplémentaires !

  • (mis à jour le 22/01/15)

Les mails envoyés à différentes heures sont des moyens de preuve faciles à obtenir pour le salarié qui veut réclamer des heures supplémentaires. 

Quelle est la véritable force probante desdits mails? 

La Cour de Cassation confirme que les mails ou les courriels et/ les captures d’écrans sont des bons moyens pour étayer une demande d’heures supplémentaires. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 janvier 2015, 13-27.072, Inédit)

En effet,  les courriels et les captures d’écran produits par le salarié permettent de déterminer quelles  heures supplémentaires ont été réalisées par le salarié .

Etant observer que sur ces seuls éléments, l’employeur doit être en mesure de répondre sur le temps de travail réel du salarié en fournissant ses propres éléments,

Néanmoins, la Cour de Cassation apporte un bémol à sa jurisprudence très favorable aux salariés quant à la preuve des heures supplémentaires en limitant la portée desdits mails au regard du contenu du contrat de travail du salarié. 

La Cour de cassation, chambre sociale par arrêt du 22 mars 2011 N° de pourvoi: 09-43307 refuse de considérer que des mails adressés à certaines heures puissent prouver le temps de travail du salarié lorsque ce dernier avait été autorisé par son contrat de travail à modifier ses horaires. 

Elle conclut : « que la circonstance que le salarié ait envoyé des mails à 7 h 14 ou à 20 h n’était pas déterminante dans la mesure où il avait contractuellement la faculté de décaler ses horaires de présence, et relevé qu’il ne produisait aucun décompte précis établi au jour le jour de ses horaires de travail.  » 

Il est donc patent que les mails ne peuvent remplacer utilement un décompte d’heures ! 

 

DES ATTESTATIONS ne sont pas des décomptes d’heures valables !

  • (mis à jour le 01/04/11)

Mieux vaut un planning établi à la main par le salarié que des attestations de collègues pour prouver l’existence des heures supplémentaires.

C’est l’enseignement de l’arrêt de la Cour de cassation chambre sociale 16 mars 2011 N° de pourvoi: 09-71534 .

La Cour de Cassation vient d’approuver la Cour d’appel d’Agen qui avait jugé que des attestations ne constituaient pas des preuves suffisamment précises pour justifier une demande de paiement d’heures supplémentaires.

C’est un premier bémol à la jurisprudence très favorables aux salariés quant à la preuve des heures supplémentaires.

Pour une solution différente ( Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 14 décembre 2010 N° de pourvoi: 09-66475 )

 

Le défaut de paiement des salaires aux échéances = intérêts légaux + dommages et intérêts.

Un salarié n’avait pas été payé de l’intégralité de son salaire en raison d’un non respect par son employeur de sa classification réelle et de la grille de son salaire prévue par deux conventions collectives locales et nationales.

Il avait saisi prestement les juridictions de première instance qui avaient fait droit à sa demande au titre des intérêts de retard mais avaient également condamné son employeur à lui verser 1500 euros supplémentaires au titre de dommages et intérêts.

La Cour de cassation chambre sociale du 9 février 2011 N° de pourvoi: 09-42125 valide cette position par cet attendu :« la cour d’appel a exactement décidé que les intérêts de retard qu’elle a fait courir à compter de la réception par l’employeur de la convocation à l’audience de conciliation devant le conseil de prud’hommes ne réparaient pas le préjudice distinct consécutif, pour le salarié, au défaut de paiement des sommes dues à leurs dates d’échéance respectives qui étaient antérieures « 

les heures supplémentaires dans les salons de coiffure

  • (mis à jour le 30/05/11)

La Cour de Cassation dans une décision du 9 février 2011 n° de pourvoi: 09-40402 vient de faire le point sur les conséquences d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié pour non paiement des heures supplémentaires dans un salon de coiffure.

Le salarié avait présenté sa demande d’heures supplémentaires en produisant ses propres tableaux et des attestations les corroborant.

L’employeur avait produit des tableaux qui n’étaient pas probants, notamment parce qu’ils ne tenaient pas compte des heures effectuées le samedi, qui étaient avérées.

La juridiction conclut que les heures supplémentaires existent, faute pour l’employeur de rapporter la preuve contraire.

C’est une jurisprudence constante qui ne surprendra personne.

Quelles en sont les conséquences ?

La Cour de Cassation , comme la Cour d’Appel de Paris estime que les heures supplémentaires accomplies par le salarié non payées, constituent un manquement de l’employeur à ses obligations qui justifient que la rupture produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. (voir également Cour de cassation chambre sociale 16 mars 2011 N° de pourvoi: 08-42218 )

Le salarié pourra donc bénéficier :

– du rappel de salaires pour les heures supplémentaires effectuées ainsi que les congés payés afférents

– d’une indemnité de préavis

– d’une indemnité de congés payés sur préavis

– des dommages et intérêts pour perte de chance d’utiliser les droits qu’il a acquis au titre du droit individuel à la formation 

– d’une indemnité pour travail dissimulé (ou l’indemnité de licenciement si elle est plus importante)

– des dommages et intérêts pour licenciement abusif ou une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse selon son ancienneté et l’effectif de l’entreprise

Par contre, le salarié ne pourra pas bénéficier d’une indemnité pour irrégularité de la procédure, la Cour de Cassation spécifiant que cette indemnité en application de l’article L1235-2 du Code du Travail ne s’applique que dans le cadre du licenciement et non dans le cadre d’une prise d’acte.

temps de conservation des disques chronotachygraphes des véhicules conduits et droit du travail

  • (mis à jour le 22/10/15)

Combien de temps l’employeur doit-il conserver les disques chronotachygraphes des véhicules conduits par son salarié ?

Au regard du règlement européen 3821/85 (ses articles 14, paragraphe 2, du règlement CEE 3821/85, du 20 décembre 1985, 3, paragraphe 3, alinéas 2 et 3, du décret n° 96-1082 du 12 décembre 1996), l’employeur est tenu de conserver les disques de ses conducteurs pendant douze mois.

Mais au regard du droit du travail, c’est un délai de cinq ans qui doit être observé pour la conservation des preuves des salaires dus avant le 16 juin 2013.(L. 3171-4 et L. 3245-1 du code du travail et 2277 du code civil) et un délai de 3 ans pour les salaires postérieurs au 16 juin 2013

La Cour de Cassation par arrêt du 1er février 2011 n° de pourvoi: 08-44568 confirme la position qu’elle retient depuis de nombreuses années.

 » l’employeur doit être en mesure de produire les feuilles d’enregistrement, dans la limite de la prescription quinquennale, lorsqu’il existe une contestation sur le nombre d’heures effectuées par le salarié ».

Il n’y a donc aucun doute possible, les disques chronotachygraphes des véhicules conduits doivent être conservés pendant cinq ans par l’employeur pour les salaires antérieurs au 16 juin 2013 et trois ans pour les salaires postérieurs au 16 juin 2013..

 

De l’utilité de calculer l’indemnité de licenciement en cas de travail dissimulé

  • (mis à jour le 19/02/13)

L’article L. 8223-1 du code du travail précise qu’en cas de travail dissimulé, le salarié a droit en cas de rupture de son contrat de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En application des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, la Cour de Cassation admet que cette indemnité pour travail dissimulé se cumule avec :

  • l’indemnité de préavis
  • l’indemnité de congés payés
  • la demande de rappel d’heures supplémentaires ( Cour de Cassation Ch sociale 6 janvier 2006 n° de pourvoi: 03-44777)
  • les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
  • l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement
  • les dommages et intérêts pour violation de l’ordre des licenciements.
  • l’indemnisation du préjudice lié à la faute de l’employeur dans l’exécution de ses obligations. ( Cour de Cassation Ch social 14 avril 2010, n°08-43.124)

Par contre, et pendant plusieurs années , l’indemnité forfaitaire pour dissimulation d’emploi allouée au salarié licencié ne se cumulait pas avec l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement. (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 19 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-16093 Non publié au bulletin)

Cela signifiait que le salarié devait renoncer à son indemnité conventionnelle de licenciement si il voulait maintenir sa demande pour travail dissimulé?

La Cour de Cassation estimait que bien que le cumul était impossible « le salarié doit cependant bénéficier de la plus élevée de ces deux sommes »Cour de Cassation Ch social 10 novembre 2010 N° de pourvoi: 09-41351 ; Cour de cassation chambre sociale du 9 février 2011 n° de pourvoi: 09-40402 ; Cour de cassation chambre sociale 28 septembre 2011 N° de pourvoi: 10-20345Cour de cassation chambre sociale 23 novembre 2011 N° de pourvoi: 09-72134)

Revirement de Jurisprudence en février 2013 : l’indemnité pour travail dissimulé et de l’indemnité conventionnelle de licenciement peuvent se cumuler (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 février 2013, 11-23.738, Publié au bulletin N° de pourvoi 11-23738)

Extension du champ de l’infraction de dissimulation d’emploi salarié

La loi de finances de la Sécurité Sociale pour 2011, a élargi la qualification de dissimulation d’emploi salarié.

Désormais, la dissimulation d’emploi salarié, au sens de l’article L 8221-5 du Code du Travail est constituée dans trois cas : 

* lorsque l’employeur se soustrait intentionnellement à la remise d’un bulletin de paye à chacun de ses salariés comportant la réalité des heures effectivement réalisées,

* lorsque l’employeur se soustrait à l’accomplissement de la déclaration nominative préalable à l’embauche d’un salarié (D.U.E)

* lorsque l’employeur se soustrait intentionnellement à ses déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales assises sur ses salaires (BRC, DADS etc…) auprès des organismes de recouvrement.

Le comité européen des droits sociaux (CEDS) refuse de valider les forfaits jours

Le Comité dans ses conclusions 2010 à l’égard de la France vient de considérer que les rémunérations sous forme des forfaits jours de la France ne respectent pas la Charte Sociale Européenne et notamment : 

L’Article 2 – Droit à des conditions de travail équitables 

§1– fixer une durée raisonnable au travail journalier et hebdomadaire, la semaine de travail devant être progressivement réduite pour autant que l’augmentation de la productivité et les autres facteurs entrant en jeu le permettent; 

L’Article 4 – Droit à une rémunération équitable 

§2– reconnaître le droit des travailleurs à un taux de rémunération majoré pour les heures de travail supplémentaires, exception faite de certains cas particuliers; 

Voici les conclusions du CEDS sur cette question : 

La situation de la France n’est pas conforme à l’article 2§1 de la Charte révisée car la durée hebdomadaire de travail autorisée pour les cadres soumis au régime de forfait annuel en jours est excessive et les garanties juridiques offertes par le système de conventions collectives sont insuffisantes; 

La situation de la France n’est pas conforme à l’article 4§2 de la Charte révisée, au motif que les heures de travail effectuées par les salariés soumis au système de forfait en jours qui ne bénéficient, au titre de la flexibilité de la durée du travail, d’aucune majoration de rémunération, sont anormalement élevées. 

Est-ce la fin des forfaits jours heureux ?