Retard dans la délivrance des bulletins de salaire et harcèlement moral

  • (mis à jour le 18/04/13)

Il est fréquent de constater que, dans les dossiers de harcèlement moral, l’employeur est peu diligent pour remettre les bulletins de paie et / ou les attestations de salaire au salarié.

Pour autant, le retard mis par l’employeur dans la délivrance des bulletins de salaire ne permet pas à lui seul de présumer l’existence d’un harcèlement.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 mars 2013, 11-26.533, Inédit).

Il est important que le salarié établisse d’autres faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

Par contre, il est constant qu’en cas de remise tardive de ses bulletins de paie, le salarié a nécessairement un préjudice qui doit donner lieu à dommages et intérêts.

Réorganisation ou rétrogradation sauvage ?

Modifier l’organigramme de la société ou réorganiser les services pour évincer un salarié est une pratique courante.

Cette pratique est souvent utilisée lorsque le poste du salarié est important ou stratégique et que l’employeur souhaite convaincre le salarié de quitter l’entreprise.

Cette pratique est en fait une rétrogradation illicite mais souvent difficile à prouver pour le salarié sauf si la modification entraîne :

– une perte de salaire 

-et / ou une perte de responsabilité (ex : retirer des fonctions d’encadrement)

La Cour de Cassation vient de rappeler que lorsque la réorganisation du service opérée par l’employeur était de nature à affecter la rémunération variable du salarié sans qu’il justifie avoir assorti cette réorganisation d’une garantie du maintien du montant du salaire, elle était abusive. 

Elle a ainsi décidé que cette réorganisation emportait une modification du contrat de travail que l’employeur ne pouvait imposer, ce dont elle a déduit que la prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur par le salarié était justifiée. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 mars 2013, 11-27.715, Inédit )

Retirer les fonctions d’encadrement est une rétrogradation

  • (mis à jour le 18/04/13)

Voici un exemple de modification illicite du contrat de travail :

Une salariée avait été engagée le 1er mai 1999 en qualité de secrétaire attachée de direction.

Le 19 juillet 2005 elle s’est vu confier la responsabilité du secrétariat des conseils des sociétés du groupe Oseo.

A compter du 18 avril 2006 elle a été promue au grade de sous-directeur moyennant en dernier lieu, une rémunération mensuelle brute de 6 466 euros.

Le 25 avril 2008, il a été mis fin à ses fonctions de responsable du secrétariat des conseils et le 5 mai 2008, elle a été affectée à un poste de chargée de mission pour une durée de neuf mois au sein d’une des sociétés du groupe Oseo.

La salariée a saisi la juridiction prud’homale en sollicitant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur pour modification de son contrat de travail.

Elle a eu raison.

La Cour de cassation, en Chambre sociale, 13 mars 2013, 12-11.622, a considéré que le poste de chargée de mission auquel la salariée avait été affectée en mai 2008 ne comportait pas de fonctions d’encadrement.

En effet, la salariée recevait des consignes précises avec des contrôles réguliers et soutenus de son travail.

Il s’agissait d’une rétrogradation à un emploi ne correspondant pas à sa qualification antérieure, justifiant la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Pas de report systématique des congés payés en cas de maladie pour la France…..

  • (mis à jour 8/07/2016)

La Cour de Cassation fait de la résistance 

IMG_20140506_101304La Cour de Cassation refuse de suivre la position de la Cour de justice de l’union européenne qui avait estimé que lorsque le salarié était malade pendant ses congés,quelle que soit la maladie, il ne perdait pas ses droits à congés. 

Dans une décision de sa Chambre sociale, 13 mars 2013, 11-22.285, Publié au bulletin, la Cour de Cassation retient que le salarié ne pouvait prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés au titre d’une période de suspension du contrat de travail ne relevant pas de l’article L. 3141-5 du code du travail. 

En l’état donc il faut retenir : 

– en cas d’arrêt maladie pour maladie professionnelle ou accident de travail,les congés payés non pris sont reportables et indemnisables 

– en cas d’arrêt maladie simple, les congés payés non pris ne sont pas reportables et indemnisables. 

La Cour de Cassation refuse donc l’application directe de l’article 7 de la Directive Européenne qui impose pourtant : 

« Lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année prévue par le code du travail ou une convention collective en raison d’absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, 

les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail. » 

Il faut donc s’attendre soit à une condamnation de la France par les instances Européennes soit à une modification législative dans les mois à venir. 

La France a été condamnée par la juridiction administrative à indemniser un salarié sur ce fondement dès le mois d’avril 2016.

Le Conseil Constitutionnel saisi de l’application du droit du travail en prison

  • (mis à jour le 14/06/13)

Le Conseil de Prud’hommes de Paris a estimé le 8 février 2013 ( je vous joins la décision) que le droit du travail devait s’appliquer en prison malgré les dispositions légales françaises.

Pour ce faire, il a retenu que le droit français n’était pas conforme aux principes fondamentaux issus des normes internationales et notamment l’égalité de traitement et le principe de non discrimination.

Jgmt CPH PARIS 08/02/2013 n°11/15185

Le Conseil de Prud’hommes de METZ, a été également saisi par des détenus pour juger des conditions de leur travail en prison.

Une question prioritaire du constitutionnalité (QPC) a été posée par les détenus:

L’article 717-3 du code de procédure pénale, en ce qu’il dispose que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment aux droits garantis par les 5ème, 6ème, 7ème et 8ème alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ?

Les juges prud’homaux ont décidé de renvoyer cette QPC à la Cour de Cassation.

Cette dernière, estimant que la question avait un caractère sérieux, a décidé de s’en remettre à l’avis du Conseil Constitutionnel (Arrêt n° 698 du 20 mars 2013 (12-40.104) – Cour de cassation – Chambre sociale – ECLI:FR:CCASS:2013:SO00698 Arrêt n° 699 du 20 mars 2013 (12-40.105) – Cour de cassation – Chambre sociale – ECLI:FR:CCASS:2013:SO00699 ).

La décision doit être rendue dans un délai de trois mois…

à suivre.

Le 14 juin 2013 Conseil Constitutionnel a refusé d’invalidé les dispositions légalesL’article 717-3 du code de procédure pénale reste donc valable.

De la prise en compte par la Cour de Cassation de la surchage de travail et de l’épuisement professionnel

La surcharge de travail, même si elle n’est pas obligatoirement du harcèlement moral, peut avoir des conséquences graves sur la santé du salarié.

La forme la plus importante est l’épuisement professionnel communément appelé burn out.

Cela peut conduire le salarié à s’arrêter pendant plusieurs mois pour cause de dépression et dans certains cas à être déclaré inapte à son poste.

La Cour de Cassation estime que cet épuisement professionnelpeut être une faute de l’employeur qui n’a pas satisfait à son obligation de sécurité de résultat de préserver la santé de son salarié.

Les Juridictions doivent examiner la situation en regardant si le salarié n’avait pas été exposé à un stress permanent et prolongé à raison de l’existence d’une situation de surcharge de travail conduisant à un épuisement professionnel de nature à entraîner une dégradation de son état de santé susceptible de caractériser un lien entre la maladie du salarié et un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Si c’est le cas, l’employeur ne peut licencier le salarié pour absences prolongées et répétées perturbant l’organisation et le bon fonctionnement de l’entreprise(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 mars 2013, 11-22.082, Publié au bulletin)

En clair lorsque l’absence prolongée du salarié pour cause de maladie résulte d’un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat, ses conséquences sur le fonctionnement de l’entreprise ne peuvent être invoquées pour justifier un licenciement.

Une solution similaire a été retenue par la Cour de Cassation à propos d’un licenciement pour inaptitude résultant d’un burn out(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 septembre 2012, 11-14.742, Publié au bulletin)

La liberté de se vêtir au regard du principe de laïcité et du caractère privé ou public de l’employeur

La liberté de se vêtir à sa guise n’entre pas dans la catégorie des libertés fondamentales et l’employeur peut tout à fait estimer qu’une tenue vestimentaire estincompatible avec les fonctions et conditions de travail.

La violation du principe de laïcité instauré par l’article 1er de la Constitution permet-il de restreindre la liberté de se vêtir du salarié en refusant par exemple le port du voile ou de signes religieux ?

La Cour de Cassation répond par la négative pour les salariés des employeurs de droit privé tant qu’ils n’assurent pas une mission de service public.

La haute juridiction pour expliquer la distinction a rendu deux décisions.

Dans la première, elle tranche la situation qui avait été très médiatisée de la salariée éducatrice de jeunes enfants de la crèche Baby Lou qui avait été licenciée pour avoir refusé d’ôter son voile. ( Arrêt n° 536 du 19 mars 2013 (11-28.845 – Cour de cassation – Chambre sociale – ).

Pour mémoire, le règlement intérieur de la crêche interdisait le port du voile.

Il prévoyait une stipulation spécifique précisant que dans l’exercice du travail, le salarié devait respecter et garder la neutralité d’opinions politiques et confessionnelles au regard du public accueilli telle que mentionnée dans les statuts de l’association.

La Cour de Cassation considère que le licenciement de la salariée voilée est sans cause réelle et sérieuse car fondé sur un motif discriminatoire.

Voici l’attendu : « le règlement intérieur de l’association Baby Loup prévoit que « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées par Baby Loup, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche », ce dont il se déduisait que la clause du règlement intérieur, instaurant une restriction générale et imprécise, ne répondait pas aux exigences de l’article L. 1321-3 du code du travail et que le licenciement, prononcé pour un motif discriminatoire, était nul,sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres griefs visés à la lettre de licenciement. »

Elle retient donc que dans le secteur privé sans mission de service public, il n’est pas possible d’invoquer le principe de laïcité pour limiter la liberté de se vêtir du salarié.

Dans la seconde décision, elle a validé le règlement intérieur de la caisse primaire d’assurance maladie qui limitait la liberté de se vêtir au respect du principe de laïcité. 

Elle souligne que la restriction était nécessaire à la mise en oeuvre du principe de laïcité afin d’ assurer aux yeux des usagers la neutralité du service public. ((Arrêt n° 537 du 19 mars 2013 (12-11.690) – Cour de cassation – Chambre sociale ).

Il importait peu que la salariée travaille pour une personne morale de droit privé car cette dernière participait à une mission de service public.

Voici la motivation : 

« Mais attendu que la cour d’appel a retenu exactement que les principes de neutralité et de laïcité du service public sont applicables à l’ensemble des services publics, y compris lorsque ceux-ci sont assurés par des organismes de droit privé et que, si les dispositions du code du travail ont vocation à s’appliquer aux agents des caisses primaires d’assurance maladie, ces derniers sont toutefois soumis à des contraintes spécifiques résultant du fait qu’ils participent à une mission de service public, lesquelles leur interdisent notamment de manifester leurs croyances religieuses par des signes extérieurs, en particulier vestimentaires ;

Et attendu qu’ayant retenu que la salariée exerce ses fonctions dans un service public en raison de la nature de l’activité exercée par la caisse, qui consiste notamment à délivrer des prestations maladie aux assurés sociaux de la Seine-Saint-Denis, qu’elle travaille en particulier comme « technicienne de prestations maladie » dans un centre accueillant en moyenne six cent cinquante usagers par jour, peu important que la salariée soit ou non directement en contact avec le public, la cour d’appel a pu en déduire que la restriction instaurée par le règlement intérieur de la caisse était nécessaire à la mise en oeuvre du principe de laïcité de nature à assurer aux yeux des usagers la neutralité du service public . »

De l’atteinte à la liberté de circulation des délégués du personnel pendant leurs heures de délégation

L’article L. 2315-1 code du travail rappelle que l’employeur laisse aux délégués du personnel le temps nécessaire à l’exercice de leurs fonctions dans les limites d’une durée qui, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut excéder :

1° Dix heures par mois dans les entreprises de moins de cinquante salariés ;

2° Quinze heures par mois dans les entreprises d’au moins cinquante salariés.

L’employeur n’a pas à limiter les déplacements des Délégués du Personnel.

C’est le principe de la liberté de circulation des délégués du personnel pendant leurs heures de délégation.

La Cour de Cassation rappelle que constitue un délit le fait de :

–> demander aux délégués du personnel de communiquer les temps et les permanences prévus pour consulter le personnel en dehors du temps de travail sur les lieux mis à leur disposition, 

–> subordonner leurs déplacements à l’extérieur dans le temps de travail, à des ordres de missions de la Direction

–> procéder à la planification des heures de délégation des Délégués du personnel de manière unilatérale et sans concertation

(Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 5 mars 2013, 11-83.984, Publié au bulletin)

Absence de CE et délit d’entrave

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, la loi impose la mise en place d’un CE.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, ce n’est obligatoire que si une convention collective étendue impose aux entreprises de moins de 50 salariés de mettre en place un CE. 

C’est le cas de la convention collective nationale des centres sociaux qui prévoit la mise en place d’un conseil d’établissement à moins de 50 salariés.

Dans ces deux cas, si l’employeur ne le fait pas volontairement, il y a délit d’entrave.(Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 5 mars 2013, 11-83.984, Publié au bulletin).

L’employeur peut alors être cité devant le Tribunal Correctionnel pour avoir entravé le fonctionnement du comité d’entreprise en ne respectant pas les règles relatives à sa constitution.

Surfer au boulot c’est risqué !

  • (mis à jour le 25/03/13)

Une salariée s’était connectée pendant son temps de travail à de très nombreuses reprises à dessites extraprofessionnels tels que des sites de voyage ou de tourisme, de comparaison de prix, de marques de prêt-à-porter, de sorties et événements régionaux ainsi qu’à des réseaux sociaux et à un site de magasine féminin.

Elle a été licenciée pour faute grave.

La Cour de Cassation a relevé que ces connexions s’établissaient, exclusion faite de celles susceptibles de présenter un caractère professionnel, à plus de 10 000 sur la période du 15 au 28 décembre 2008 et du 8 janvier au 11 janvier 2009.

Elle a jugé que malgré l’absence de définition précise du poste de la salariée, une telle utilisation d’internet par celle-ci pendant son temps de travail présentait un caractère particulièrement abusif et constitutif d’une faute grave. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 février 2013, 11-27.372, Inédi).

Cette décision est à rapprocher de celle de la Cour d’Appel d’Orléans du 29 janvier 2013 n°11/03345 qui a validé le licenciement d’un salarié en retenant que ce dernier avait utilisé la messagerie professionnelle pour une partie non négligeable de son temps à des fins extérieures à son activité.