Inaptitude : l’obligation de reclassement doit être entreprise de manière loyale et sérieuse

  • (mis à jour le 17/06/16)

Voilà plusieurs mois que la Cour de Cassation sanctionne de plus en plus sérieusement les employeurs qui sont peu diligents quant au respect de leur obligation de reclassement à la suite d’un avis d’inaptitude.

La Haute Juridiction reprend systématiquement le même attendu de principe :  » l’avis d’inaptitude du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l’entreprise ne dispense pas l’employeur de rechercher une possibilité de reclassement au sein de l’entreprise et le cas échéant du groupe auquel celle-ci appartient, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail « .

Dans un arrêt de sa Chambre sociale du 1er février 2012 N° de pourvoi: 10-23500 , la Cour de Cassation rappelle que l’employeur doit respecter son obligation de manière loyale et sérieuse.

Ainsi, elle a retenu que la transmission par l’employeur sans réflexion sur la pénibilité ou l’adaptation du poste à l’ état de santé du salarié, des documents destinés à l’ensemble des salariés du groupene constituait pas des recherches loyales et sérieuses de reclassement.

De plus, la Cour de Cassation retient que l’employeur ne s’était pas interrogé sur la possibilité d’aménager un des postes ou le temps de travail de ce salarié.

voir également (Cass. soc. 5 décembre 2012, pourvoi n° 11-21849).

Notons que cette même obligation s’imposent aux administrations et à l’Etat.

Le Conseil d’Etat considère en effet (Conseil d’État, 4ème – 5ème chambres réunies, 30/05/2016, 387338, Publié au recueil Lebon)

Une cour administrative d’appel commet une erreur de droit en jugeant que l’employeur a satisfait à son obligation du seul fait qu’il a proposé à l’intéressé au moins un emploi compatible avec les préconisations du médecin du travail, alors qu’il lui appartenait d’apprécier si les postes proposés étaient, compte tenu des possibilités existant au sein de la société et du groupe ainsi que des motifs de refus avancés par le salarié, de nature à caractériser une recherche sérieuse de reclassement.

De la nature de la mise à pied immédiate

  • (mis à jour le 16/02/12)

Il existe deux mises à pied en droit du travail : la mise à pied conservatoire et la mise à pied disciplinaire

La mise à pied disciplinaire est une sanction .

La mise à pied conservatoire n’est pas une sanction mais une mesure prise en attente de la sanction (souvent un lienciement pour faute grave).

En l’absence de précision sur la nature de la mise à pied, il est dejurisprudence constante que la mise à pied est disciplinaire.

Que se passe-t-il si l’employeur a notifié oralement la mise à pied sans la qualifier puisquelques jours plus tard a adressé à son salarié une lettre de convocation à un entretien préalable au licenciement en précisant que la mise à pied était conservatoire ?

La Cour de cassation dans une chambre sociale du 1 décembre 2011 N° de pourvoi: 09-72958 répond en affirmant que la mise à pied initiale était présumée disciplinaire.

Cela implique que le salarié avait déjà été sanctionné pour les faits fautifs par la mise à pied initiale.

Il ne pouvait donc pas être licencié pour les mêmes faits.

Des forfaits jours de plus en plus fragiles

La remise en cause des forfaits jours ne cesse de progresser depuis que le comité européen des droits sociaux (CEDS) a refusé de valider les forfaits jours français en l’état.

En juin dernier, la Cour de Cassation a rappelé que le forfait jours ne pouvait être valable que si et seulement si il était réalisé dans le respect des accords collectifs qui assurent la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours.

Une nouvelle étape vient d’être franchie, la Cour de Cassation par arrêt de sa chambre sociale du 31 janvier 2012 N° de pourvoi: 10-19807 vient de considérer qu’un accord cadre peut assurer insuffisamment la protection du salarié et rendre invalide la convention de forfait jours.

Ainsi elle a jugé : 

– les stipulations non étendues de l’article 12 de l’accord cadre du 8 février 1999 sur l’organisation et la durée du travail dans l’industrie chimique, qui, dans le cas de forfait en jours, ne déterminent pas les modalités et les caractéristiques principales des conventions susceptibles d’être conclues mais renvoient à la convention écrite conclue avec le salarié concerné le soin de fixer les modalités de mise en oeuvre et de contrôle du nombre de jours travaillés ainsi que la nécessité d’un entretien annuel d’activité du cadre avec sa hiérarchieIMG_20140331_121229

– l’accord d’entreprise qui se borne à affirmer que les cadres soumis à un forfait en jours sont tenus de respecter la durée minimale de repos quotidien et hebdomadaire

ne sont pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours

La convention de forfait en jours, y faisant rapport est privée d’effet.

Le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires.

Taux d’intérêts en cas de condamnation judiciaire

mise à jour 15 juillet 2015

En application de l’article 1153-1 du Code Civil, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement.

Lorsque les décisions de Justice sont exécutoires, il y a tout intérêt à régler rapidement les condamnations car même si le taux d’intérêts de ces dernières années est faible, le code monétaire a prévu une majoration de l’intérêt pour les condamnations judiciaires pécuniaires.

En effet, en application de l’article L313-3 du code monétaire et financier le taux d’intérêts est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision.

Le taux de l’intérêt légal pour 2012 est fixé à 0,71 %.

Pour mémoire, je vous joins les taux des 10 années précédentes:

2015- mis à jour tous les 6 mois 

2014 0,04% 

2013 0,04%

2012 0,71% 

2011 0,38% 

2010 0,65% 

2009 3,79% 

2008 3,99% 

2007 2,95% 

2006 2,11%

2005 2,05%

2004 2,27%

2003 3,29% 

2002 4,26%

2001 4,26% 

2000 2,74% 

1999 3,47% 

1998 3,36%

1997 3,87% 

1996 6,65%

1995 5,82% 

1994 8,40% 

1993 10,4% 

1992 9,69% 

Enfin, je me permets également d’attirer l’attention de chacun sur l’utilité de solliciterl’anatocisme systématiquement devant les juridictions.

Incompatibilité du mandat de représentation du personnel avec la représentation de l’employeur

Le mandat de représentation du personnel exige que les salariés élus représentent effectivement les intérêts du personnel et non ceux de l’employeur.

Aussi ne peuvent être éligibles à un tel mandat les salariés qui:

– soit disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise

– soit représentent effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel 

Cette interdiction est la garantie d’une représentation juste et équitable des intérêts des salariés.

La Cour de cassation en sa chambre sociale, par arrêt du 25 janvier 2012 N° de pourvoi: 11-12954 vient de rappeler cette interdiction.

Dans cette affaire, un salarié responsable d’un établissement a été désigné membre du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) région Sud-Ouest existant au sein de l’Unité économique et sociale regroupant plusieurs entités.

Les entités composant l’unité économique et sociale avaient demandé l’annulation de cette désignation.

La Cour de Cassation leur donne raison en retenant que  » le salarié représentant l’employeur aux réunions des délégués du personnel de l’établissement qu’il dirigeait, ne pouvait pas représenter les salariés au CHSCT quand bien même le périmètre couvert par ce dernier eut été plus large que celui au sein duquel il représentait l’employeur. « 

Sur le non respect de la priorité de réembauche après un licenciement économique

En cas de licenciement économique, le salarié dispose d’une priorité de réembauche durant un délai d’un an à compter de la date de rupture de son contrat.

Cela signifie que l’employeur doit proposer au salarié tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. 

Pour bénéficier de cette priorité, le salarié doit en faire la demande par écrit au coursde ladite année.

Cependant ce n’est pas parce que le salarié en fait la demande qu’en pratique il bénéficiera des postes disponibles.

A qui appartient donc la preuve de l’absence de respect de la priorité de réembauche ?

La Cour de Cassation retient que c’est à l’employeur de rapporter la preuve du respect de ses obligations dès lors que le salarié peut justifier avoir adressé un courrier pour bénéficier de la priorité de réembauche.

(Cour de cassation chambre sociale 26 janvier 2012 N° de pourvoi: 10-23598 Non publié au bulletin Cassation partielle) 

En résumé dans les 12 mois suivant la fin du préavis:

Le salarié qui souhaite être réembauché doit adresser un courrier à son employeur réclamant cette priorité de réembauche et en conserver la preuve de l’envoi.

Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il a satisfait à son obligation

– soit en établissant qu’il a proposé les postes disponibles 

– soit en justifiant de l’absence de tels postes .

Une période d’essai d’un an est déraisonnable

La Cour de Cassation a rendu le 11 janvier 2012, une décision appliquant directement la convention internationale n° 158 . ( Cour de cassation chambre sociale 11 janvier 2012 N° de pourvoi: 10-17945 Publié au bulletin Cassation partielle).

Le délai d’un an pour une période d’essai est illicite.

Peu importe qu’il soit prévu par la convention collective.

Voici l’attendu de cet arrêt très commenté :

« qu’est déraisonnable, au regard de la finalité de la période d’essai et de l’exclusion des règles du licenciement durant cette période, une période d’essai dont la durée, renouvellement inclus, atteint un an ».

 

L’expert et le CHSCT

  • (mis à jour le 06/02/12)

L’Article L4614-12 du code du travail prévoit que le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un EXPERT agréé lorsqu’un risque grave, est constaté dans l’établissement.

La Cour de Cassation par un arrêt de sa chambre sociale 26 janvier 2012 N° de pourvoi: 10-12183 donne une illustration du Risque Grave.

En l’espèce, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la banque Hsbc du Groupe Cannes avait décidé de recourir à un expert agréé en vue d’analyser les conditions et charges de travail dans les agences du groupe.

Le CHSCT estimait qu’il y avait des risques graves justifiant une expertise

Il constatait en effet 

– l‘alourdissement de la charge de travail consécutif à des réductions d’effectifset à l’ouverture de nouvelles agences 

– les modifications profondes dans l’organisation du travail liées à la mise en place d’un nouveau système informatique

– les répercussions sur l’état de santé des salariés caractérisées par uneaugmentation sensible des absences au travail

– des situations de stress et des syndromes dépressifs qui avaient vivement alerté le médecin du travail

L’employeur s’opposait à cette expertise en arguant que d’autres expertises avaient déjà été diligentées à la demande du CHSCT. 

La Cour de Cassation en sa chambre sociale du 26 janvier 2012 N° de pourvoi: 10-12183 a donné raison au CHSCT en rappelant que le risque grave propre à justifier le recours à une expertise s’entend d’un risque identifié et actuel.

Il importe peu que d’autres expertises aient pu être menées dans la mesure où le risque grave existait toujours. 

Voir également sur le cas d’une fusion de deux services constituant un risque grave justifiant une expertise.(Cour de cassation chambre socialeAudience publique du jeudi 26 janvier 2012 N° de pourvoi: 10-20353)

Illicéité d’une clause de non concurrence différenciant l’indemnisation en fonction du mode de rupture du contrat de travail

  • (mis à jour le 06/02/12)

Il n’est pas possible de prévoir une clause de non concurrence qui différencie l’importance de l’indemnisation financière en fonction de la rupture du contrat de travail.

En d’autres termes la contrepartie financière de la clause de non concurrence doit êtreidentique que le salarié soit licencié, qu’il démissionne, qu’il bénéficie d’unerupture conventionnelle ou qu’il prenne acte de la rupture.

La Cour de cassation en sa chambre sociale par arrêt du 25 janvier 2012 ( N° de pourvoi: 10-11590 Publié au bulletin Cassation partielle) retient en effet l’illicéité d’une clause qui minorait la contrepartie financière en cas de démission .

Je laisse à votre sagacité la motivation de la Cour de Cassation : 

« Vu le principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle,ensemble l’article L. 1121-1 du code du travail ; 

Attendu que, pour diminuer la contrepartie financière de la clause de non-concurrence accordée à la salariée, l’arrêt énonce que la clause relative à l’indemnité de non-concurrence figurant dans le contrat de travail prévoit expressément qu’en cas de démission, l’indemnité sera réduite de moitié ; 

Qu’en statuant ainsi, alors que, le salarié lié par une clause de non-concurrence devant bénéficier d’une contrepartie financière, les parties ne pouvaient dissocier les conditions d’ouverture de l’obligation de non-concurrence de celles de son indemnisation, la cour d’appel, qui devait en déduire que la stipulation minorant en cas de démission la contrepartie financière était réputée non écrite, a violé le principe et le texte susvisés. «