Droit de critique post licenciement

Il s’agit d’une liberté fondamentale qui ne peut être limitée qu’en cas d’abus. 

Cet abus résulte souvent de la manière dont la critique est formulée.

En cas de faute lourde, le salarié peut être condamné à verser des dommages-intérêts envers son employeur.

Prouver la faute lourde est souvent difficile, car cela implique de rapporter la volonté de nuire du salarié et non simplement le préjudice subi par l’employeur.

En pratique, il est donc rare que le salarié, souvent licencié, soit condamné à verser des dommages et intérêts à son employeur lorsqu’il émet des critiques sur son entreprise. 

La Cour de Cassation vient cependant de rappeler que les régles sont différentes si le salarié émet des critiques après la fin du contrat de travail.(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 19 septembre 2012 N° de pourvoi: 10-21517 Non publié au bulletin Rejet)

Selon la jurisprudence de la haute juridiction, les critiques d’un ancien salariépeuvent donner lieu à versement de dommages et intérêts au profit de l’employeur sans avoir à établir l’existence d’une faute lourde.

Dans cette affaire, le salarié avait adressé trois lettres de critique de la gestion de l’entreprise à deux clients de la société après la fin de son contrat de travail.

Il sera condamné à indemniser le préjudice de la société, sur la simple démonstration de l’existence d’un dommage causé à l’entreprise.

Durée de la mise à pied conservatoire et délai restreint pour sanctionner la faute grave

  • (mis à jour le 11/04/22)

En cas de faute grave du salarié, la mise en oeuvre du licenciement disciplinaire du salarié doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur ait eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.

Cette notion de délai restreint fait l’objet d’illustrations jurisprudentielles.

Il reste cependant des cas où l’employeur peut avoir besoin de temps pour vérifier l’importance et la réalité de la faute du salarié.

Il prend alors souvent une décision de mise à pied conservatoire qui consiste à suspendre le contrat de travail d’un salarié, dans l’attente de son licenciement. 

Cette mesure est licite.

Elle sert à prévenir les situations de danger et de désordre que pourrait entraîner le maintien du salarié éventuellement fautif dans l’entreprise. 

Si la faute grave est avérée, cette mise à pied conservatoire ne sera pas rémunérée.

Il ne faut donc pas que cette mesure de mise à pied soit trop longue avant que la procédure de licenciement soit engagée.

La Cour de Cassation chambre sociale 13 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-16434 estime qu’une mise à pied conservatoire de treize jours est licite dès lors qu’elle était nécessaire.

Voici l »attendu : ‘qu’en relevant que la mise à pied, qualifiée de conservatoire, a été suivie treize jours après son prononcé de l’envoi d’une lettre de convocation à l’entretien préalable à un licenciement et que ce délai de treize jours est, dans l’intérêt même du salarié, un délai indispensable, compte tenu de la nécessité, pour l’employeur, de mener à bien les investigations sur les faits reprochés portant sur un détournement de fonds et de se déterminer sur la nécessité d’engager une procédure de licenciement pour faute grave, la cour d’appel a pu retenir que cette mise à pied de treize jours avait un caractère conservatoire ».

Attention cependant si le délai restreint est admis lorsqu’il faut une enquête, il n’est pas admis lorsqu’aucune investigation n’est nécessaire.

En effet dans ce cas:

–> LA MISE À PIED CONSERVATOIRE DOIT ÊTRE CONCOMMITTANTE À L’ENGAGEMENT DU LICENCIEMENT

–> Pour une illustration des délais admis en l’absence d’enquête,

La Cour de Cassation dans un arrêt du 14 avril 2021 donne une illustration d’un délai déraisonnable  de 7 jours calendaires entre la mise à pied conservatoire et la convocation à l’entretien préalable . (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 avril 2021, 20-12.920, Inédit)

Par arrêt du 30 octobre 2013, la Cour de Cassation a  refusé la qualification de mise à pied conservatoire à une mise à pied pour laquelle une procédure de licenciement n’avait été engagée que six jours plus tard sans justifier d’aucun motif à ce délai.

Une nuance est cependant apportée par la Cour de Cassation quand le salarié est absent de l’entreprise.

La Cour de cassation considère également que, « le fait pour l’employeur de laisser s’écouler un délai entre la révélation des faits et l’engagement de la procédure de licenciement ne retire pas à la faute son caractère de gravité, dès lors que le salarié, dont le contrat de travail est suspendu, est absent de l’entreprise ». ( Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-20.872)

Quand la tolérance de l’employeur empêche la qualification de faute grave

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

Lorsque l’employeur a connaissance des faits, et a toléré pendant un certain temps la situation, la Cour de Cassation est moins enclin à reconnaître l’existence d’une faute grave. (voir notamment sur la consultation des sites pornographiques en violation du règlement intérieur : Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 10 mai 2012 N° de pourvoi: 11-11060 ; sur l’utilisation du carburant à des fins personnelles : la Cour d’Appel d’ANGERS, dans une décision de sa Chambre sociale du 24 janvier 2012, RG : 10/00279) 

Dans une affaire récente, la Haute juridiction a eu à connaître de la situation d’un salarié travaillant en milieu hospitalier et qui n’avait pas ses vaccins à jour.

La Cour de Cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 13 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-25642 Non publié au bulletin Cassation a refusé de considérer qu’il s’agissait d’une faute grave justifiant un licenciement dans la mesure où l’employeur avait renouvelé le contrat d’accompagnement dans l’emploi et proposé un changement de poste en connaissance de cause.

Attention cependant : la tolérance de l’employeur n’est pas toujours exclusive de la faute grave .

En effet, La Cour de Cassation par arrêt de sa chambre sociale du 1 décembre 2011 N° de pourvoi: 10-18920 n’a pas la même position en matière de harcèlement sexuel . 

Elle estime que le fait que l’employeur n’ait pas sanctionné par le passé le salarié pour des faits identiques n’empêche pas le licenciement pour faute grave du harceleur.

Retraite et convention collective SYNTEC

IMG_20140331_130251mise à jour 26 avril 2022

La convention collective SYNTEC est souvent très mal connue des salariés et ceux -ci ignorent ce qu’elle prévoit pour la retraite.

 Voici une petite synthèse qui, je l’espère, pourra être utile à clarifier les dispositions conventionnelles applicables :

  • Mise à la retraite sur demande de l’employeur

 La mise à la retraite par l’employeur est possible si le salarié respecte les conditions légales à condition de notifier cette demande à son salarié avec un préavis de 4 mois.

A partir de 70 ans 

L’employeur peut mettre le salarié à la retraite sans son accord.

A partir de 70 ans 

L’employeur peut mettre le salarié à la retraite si et seulement si  le salarié donne son accord et qu’il ait atteint l’âge pour obtenir une retraite à taux plein ( c’est à dire 67 ans pour ls salariés nés après 1955).

Dans le cas de la mise à la retraite par l’employeur, le salarié peut choisir entre l’indemnité légale de licenciement ou indemnité conventionnelle de départ à la retraite. ( selon le plus avantageux)

  • Départ à la retraite sur demande du salarié

 Le salarié peut de son côté également quitter volontairement l’entreprise, mais doit respecter un préavis d’un mois s‘il a entre 6 mois et 2 ans d’ancienneté et deux mois s’il a plus de 2 ans d’ancienneté.

  • Adhésion obligatoire à un régime de retraite complémentaire

 La convention collective prévoit l’adhésion obligatoire à un régime de retraite complémentaire. Il s’agit obligatoirement d’une adhésion à une caisse de retraite affiliée à l’ARCCO, ainsi que pour les cadres une institution de retraite affiliée à l’AGIRC.

  • Indemnité conventionnelle de départ à la retraite

 En cas de départ à la retraite, l’indemnité de départ à la retraite, lorsque le salarié a plus de 5 ans révolus, est égale à 1 mois, plus un 1/5ème de mois par année d’ancienneté supplémentaire à compter de la 6ème année.

attention

Il faut noter qu’un avenant n°46 en date du 16 juillet 2021 non étendu à ce jour et un avenant n°1 du 31 mars 2022 tous deux signés par les organisations patronales Syntec et CINOV ainsi que les organisations syndicales CFTC, CFDT et FO ont refondu la convention collective en faisant désormais que la mise à la retraite d’un salarié lui ouvre droit à une indemnité au moins égale à l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Il s’agit du nouvel article 4.6 de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils, sociétés de conseils.

Convocation irrégulière à l’entretien préalable au licenciement et absence du salarié à l’entretien

Le salarié absent lors de l’entretien préalable peut-il invoquer une irrégularité de forme dans la lettre de convocation ?

C’est la question qui a été posée à la Cour de Cassation qui a répondu favorablement.(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 13 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-17915)

Dans cette affaire une salariée de l’association Organisme de gestion de l’enseignement catholique Saint-Joseph avait été convoquée à l’entretien préalable au licenciement.

La lettre de convocation précisait que l’entretien devait se tenir « en présence de M. Y…, vice-président de l’OGEC ».

La salariée avait fait le choix de ne pas se déplacer à cet entretien et avait par la suite dénoncé les supposées irrégularités de forme en indiquant qu’elle ne connaissait pas la véritable qualité de Monsieur Y.

Rappelons que l’entretien préalable ne peut se tenir en présence de personnes extérieures à l’entreprise.

La Cour de Cassation reconnaît à la salariée absente à l’entretien, le droit de soulever cette irrégularité de forme.

Si l’employeur ne rapporte pas la preuve que Monsieur Y était un membre du personnel de l’entreprise, alors l’irrégularité de forme doit être sanctionnée.

licenciement économique et co-employeurs

Lorsque la qualité de co-employeurs est reconnue, tous les co-employeurs sont redevables de l’obligation de reclassement à l’égard des salariés licenciés.

Il importe peu :

– que le licenciement pour motif économique soit décidé et prononcé par l’un des co-employeurs mettant fin au contrat de travail

– que la qualité de co-employeur n’ait été reconnue qu’après les licenciements, dès lors que cette situation existait au moment de leur mise en oeuvre 

Chacun des co-employeurs doit en supporter les conséquences, notamment au regard de l’obligation de reclassement.

Si aucune recherche de reclassement n’a été effectuée dans l’ensemble du groupe ou si cette recherche est insuffisante avant la notification des licenciements, sans qu’il soit justifié d’une impossibilité, chacun des co-employeurs doit indemniser les salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse . ( affaire Métaleurop- Recylex Cour de cassation 

chambre sociale Audience publique du mercredi 12 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-12351 11-12352 11-12353 11-12354 11-12355 11-12356 11-12357 11-12358 11-12359 11-12360 11-12361 11-12362 11-12363 11-12364 11-12365 11-12366 11-12367 11-12368 11-12369 11-12370 11-12371 11-12372 11-12373 11-12376 11-12377 11-12378 11-12379 11-12380 11-12381 11-12382 11-12383 11-12384 11-12385 11-12386 11-12387 11-12388 11-12389 11-12390 11-12391 11-12392 11-12393 11-12394 11-12395 11-12396 11-12397 11-12398 11-12399 11-12400 11-12401 11-12402 11-12403 11-12404 11-12405 11-12406 11-12410 11-12411 11-12412 11-12413 11-12414 11-12415 11-12416 11-12417 11-12418 11-12419 11-12420 11-12421 11-12422 11-12423 11-12424 11-12425 11-12426 11-12427 11-12428 11-12429 11-12430 11-12431 11-12432 11-12433 11-12434 11-12435 11-12436 11-12437 11-12438 11-12439 et Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 12 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-12343 11-12344 11-12345 11-12346 11-12347 11-12348 11-12349 11-12350 )

Licenciement économique dans un groupe

  • (mis à jour le 21/09/12)

Quelle que soit l’entreprise, il n’est pas possible de procéder à des licenciements économiques sans avoir au préalable tenté de reclasser le ou les salariés.

L’article L 1233-4 du code du travail dispose en effet que : « le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient ». 

La jurisprudence considère que le périmètre à prendre en considération pour l’exécution de l’obligation de reclassement se comprend de l’ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu’elles appartiennent ou non à un même secteur d’activité.

La Cour de Cassation rajoute en effet par décision de sa chambre sociale rendue en audience publique le 12 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-30373 11-30378 qu’il importait peu qu’il n’y ait pas de lien capitalistique entre les sociétés du groupe.

Cette notion d’absence de lien capitalistique offre à la notion de groupe, une possibilité très importante d’extension….tout comme la notion de co-employeurs (souvent retenue dans les grands GROUPES.)

 

licenciement économique et baisse du chiffre d’affaires ou du bénéfice

En cette période de crise économique persistante, la tentation d’alléger la masse salariale est grande.

Pour autant, le licenciement économique doit rester une procédure d’exception et la Cour de Cassation veille à ce que les employeurs l’utilisent à bon escient.

Par décision de sa chambre sociale du 13 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-18480, la haute juridiction rappelle que ni la réalisation d’un chiffre d’affaires moindre, ni la baisse des bénéfices, ne suffisent à eux seuls à établir la réalité de difficultés économiques.

Rappelons cependant que la baisse d’activité notable peut permettre le licenciement économique d’un salarié mais uniquement si la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, énonce des faits précis et matériellement vérifiables et qui ont conduit à de réelles difficultés économiques.

Quand l’absence de distributions d’actions constitue une inégalité de traitement

  • (mis à jour le 28/09/12)

Le Conseil de Prud’hommes est compétent pour statuer sur l’attribution ou non d’actions à des salariés dès lors que ces derniers soulèvent une inégalité de traitement.

C’est l’enseignement de l’arrêt de Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 11 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-26045 Publié au bulletin Rejet .

Dans cet arrêt, un salarié avait été engagé par la société Alma Consulting Group le 1er décembre 2004 en qualité de conseiller aux affaires financières.

Son contrat de travail avait été transféré à la société Almanacc, appartenant au même groupe, en date du 1er janvier 2006.

Par lettre du 27 mars 2007, il avait pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur pour violation de l’égalité de traitement, le salarié soutenant avoir été privé de tout accès au capital du groupe Alma CG à la différence d’autres cadres.

Le Conseil de Prud’hommes s’était déclaré incompétent au profit du Tribunal de Commerce.

La Cour d’appel en chambre sociale s’était déclarée compétente.

La Cour de Cassation en sa chambre sociale confirme la position de la Cour d’Appel en insistant sur l’inégalité de traitement entre salariés, de la compétence exclusive de la chambre sociale.

Revirement de Jurisprudence sur la protection des salariés également conseillers prud’homaux

  • (mis à jour le 22/10/15)

La Cour de Cassation a longtemps considéré que la protection du conseiller prud’homal s’appliquait à compter de la proclamation des résultats des élections, peu important l’ignorance par l’employeur de l’existence du mandat.

Elle en déduisait que seule une fraude du salarié peut le priver de la protection attachée à son mandat, le manquement à son obligation de loyauté à l’égard de l’employeur ne pouvant avoir d’incidence que sur le montant de l’indemnisation due au titre de la violation de son statut protecteur. 

Cette jurisprudence n’est plus.

Le Conseil Constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité sur ce point et par décision n° 2012-242 QPC du 14 mai 2012 a considéré que la protection assurée au salarié par les dispositions contestées découle de l’exercice d’un mandat extérieur à l’entreprise ne saurait, sans porter une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle, permettre au salarié protégé de se prévaloir d’une telle protection dès lors qu’il est établi qu’il n’en a pas informé son employeur au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement.

La Cour de Cassation par arrêt de sa chambre sociale du 14 septembre 2012 (N° de pourvoi: 11-21307 Publié au bulletin Cassation) s’incline et retient :

Si l’existence du mandat de conseiller prud’homal n’avait pas été portée à la connaissance de l’employeur, il résultait que le salarié ne pouvait se prévaloir du statut protecteur attaché à ce mandat.

Cette information doit être renouvelée à chaque réélection du salarié en qualité de conseiller prud’homal. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 septembre 2015, 14-17.748, Publié au bulletin)