Quand le non paiement d’un mois de salaire justifie la prise d’acte de la rupture

Peut-on prendre acte de la rupture de son contrat de travail si l’employeur tarde à verser la rémunération ?

La Cour de Cassation dans un arrêt récent vient de répondre positivement. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 juillet 2022, 20-21.690, Inédit)

En l’espèce, un salarié, également titulaire d’un mandat social de gérant d’une filiale de la société de son employeur, avait pris acte de la rupture de son contrat de travail le 10 juin 2011, en raison du non-paiement de son salaire pour les mois de mars 2010, avril 2010 et mai 2011.

Après avoir rejeté les demandes de rappels de salaire pour les mois de mars et d’avril 2010, la cour d’appel avait considéré que le non-paiement du salaire du mois de mai 2011 justifiait la prise d’acte aux torts de l’employeur.

La Cour de cassation confirme la position de la Cour d’appel en ces termes :  » La cour d’appel, qui a constaté qu’à la date de la prise d’acte de la rupture, le 10 juin 2011, le salaire du mois de mai 2011 n’était pas payé et que ce manquement était imputable à l’employeur, a pu en déduire qu’il avait empêché la poursuite du contrat de travail.« (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 juillet 2022, 20-21.690, Inédit)

Cette décision repose sur une interprétation stricte de l’article L3242-1 du code du travail qui prévoit que «  Le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois« .

Faut-il pour autant prendre acte systématiquement de la rupture de son contrat de travail après un non-paiement de son salaire 10 jours après la fin du mois comme dans l’arrêt précité ?

Je ne pense pas.

En effet, la jurisprudence est fluctuante sur la question et les juges apprécient au cas par cas les situations.

Il ne faut pas oublier que le non-respect de ses obligations par l’employeur doit être suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail et que le manquement invoqué doit être imputable à l’employeur.

A titre d’exemple, il est possible de citer que le cas du paiement du salaire avec quelques jours de retard sur 2 mois consécutifs n’a pas été jugé suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat du travail. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 janvier 2020, 17-13.961, Inédit)

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation avait considéré : « certains des manquements de l’employeur n’étaient pas établis et que le retard dans le paiement des salaires des mois de mars et avril 2012 n’empêchait pas la poursuite de la relation de travail« .(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 janvier 2020, 17-13.961, Inédit)

En conclusion, cette pratique de la prise d’acte est très dangereuse car elle peut conduire à une requalification en démission. (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 26 septembre 2012 N° de pourvoi: 10-28242)

Néanmoins, dans certains cas, la prise d’acte est la seule solution pour le salarié qui ne peut se contenter de solliciter des dommages et intérêts.

De la désorganisation en raison d’un salarié absent pour maladie

Licencier un salarié en raison de son état de santé et sans inaptitude constatée par le médecin du travail est en principe illicite et discriminatoire.

Néanmoins, la jurisprudence admet la possibilité de licencier un salarié malade si la désorganisation de l’entreprise qui en résulte est impossible à pallier par un remplacement temporaire.

Mais de quelle désorganisation parle -t-on, celle de l’entreprise dans son intégralité ou celle du service auquel le salarié appartient?

En d’autres termes, si la lettre de licenciement mentionne la désorganisation du service auquel appartient le salarié, est-ce suffisant pour justifier le licenciement du salarié malade?

La Cour de Cassation a été interrogée sur cette question récemment. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 juillet 2022, 21-10.261, Inédit )

Elle a tranché conformément à une jurisprudence constante et protectrice du salarié malade : la lettre de licenciement qui mentionne juste la désorganisation d’un service est insuffisante.

L’employeur doit démontrer la désorganisation de l’entreprise, et pas seulement du service auquel appartient le salarié.

Si la lettre de licenciement mentionne uniquement la perturbation d’un service, l’employeur doit alors démontrer que le service en question a un caractère « essentiel » désorganisant l’ensemble de l’entreprise. ( Cour de Cassation Chambre sociale 17 novembre 2021, n° 20-14848 FSPB)

Syntec : Quand l’accord d’entreprise déroge à la convention collective sur le PMSS de la modalité 2 de l’accord du 22 juin 1999

Il est constant que l’accord d’entreprise sur le temps de travail peut déroger à l’accord de branche sur le temps de travail mais que se passe -t-il lorsque cela impacte le salaire?

En effet, pour mémoire dans la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils, sociétés de conseils dite SYNTEC, c’est l’accord du 22 juin 1999 qui traite des modalités du temps de travail en instaurant 3 modalités dont deux d’entre elles sont reliées à un salaire minimum :

✅la modalité 2 qui est un forfait d’heures et qui implique que :

  • le personnel est autorisé à dépasser l’horaire habituel dans la limite de 10 % avec un nombre de jours annuels maximum de 218 jours ;
  • le personnel bénéficie d’une rémunération annuelle au moins égale à 115 % du minimum conventionnel de sa catégorie et au plafond de la sécurité sociale.

✅la modalité 3 qui est un forfait jours et qui implique que :

  • le personnel travaille un nombre de jours annuels maximum de 218 jours sans décompte du temps de travail en heures;
  • le personnel soit rémunéré au moins 120% du minimum conventionnel de sa catégorie.

♻️ La Cour de Cassation a été saisie d’une situation intéressante bien qu’antérieure à 2008, celle d’un accord de branche prévoyant que les salariés pouvaient bénéficier de la modalité 2 pendant toute la durée de leur contrat à la condition qu’il perçoive le PMSS en vigueur le premier jour de l’affectation dans la catégorie visée. (Cour de Cassation soc. 22 juin 2022, n° 21-10621 FSB)

En l’espèce, le salarié avait été engagé en qualité d’ingénieur de réalisation le 17 juillet 1998. Il avait été promu au poste de chargé de projet, niveau 2.2, coefficient 130, par un avenant à son contrat de travail daté du 21 mars 2012. À cette occasion, il avait signé une convention de forfait en heures comme prévu par l’accord collectif d’entreprise du 30 juin 2008.

Le salarié a saisi le conseil de prud’hommes afin que la convention de forfait en heures lui soit déclarée inopposable et que lui soit alloué un rappel de salaire au titre notamment des heures supplémentaires.

La Cour d’appel saisie de cette situation avait condamné l’employeur au paiement d’heures supplémentaires car elle avait exclut l’application de l’accord d’entreprise l’estimant moins favorable que l’accord de branche.

Son appréciation s’était donc portée sur le caractère plus ou moins favorable entre deux accords collectifs, en retenant que l’accord d’entreprise ajoutait une condition restrictive, tenant à l’applicabilité dans le temps de ce critère de rémunération plancher (le PMSS), qui n’est pas expressément posée par l’accord de branche.

De plus, la Cour d’appel ajoutait que, plus généralement, l’intégration des salariés à la modalité RM (modalité réalisation de missions ou modalité 2) emporte des conséquences dérogatoires au droit commun de la durée légale du travail en ce qu’elle autorise la conclusion d’une convention de forfait hebdomadaire et que l’intérêt du salarié commande de faire une stricte application des possibilités de dérogation à la durée légale du travail, en sorte que favoriser le maintien de la convention de forfait en dépit de la constatation, après l’admission du salarié dans la catégorie rémunération, de l’infériorité de sa rémunération par rapport au PASS serait contraire à l’intérêt du salarié.

Elle en déduit que, contrairement à ce que prétend l’employeur, ne serait-ce qu’en ajoutant au texte de l’accord de branche une condition restrictive qui n’y figure pas, l’accord d’entreprise du 30 juin 2008 apparaît moins favorable aux salariés que l’accord de niveau supérieur, ce dont il résulte que l’application de sa clause 3.2.2 susvisée, qui précise que la condition tenant à une rémunération au moins équivalente au PASS s’apprécie au moment de l’affectation dans la modalité RM, doit être écartée.

La Cour de Cassation n’est pas de cet avis. (Cour de Cassation soc. 22 juin 2022, n° 21-10621 FSB)

Elle retient que la Cour n’avait pas expliquer en quoi la définition par l’accord d’entreprise des conditions d’éligibilité au forfait en heures, dérogeant aux règles de calcul de droit commun de la durée du travail, et de leur maintien dans le temps était globalement moins favorable qu’un décompte de la durée du travail selon les règles de droit commun.

Cette décision est intéressante car elle permet à la Cour de cassation de se prononcer sur le concours des dispositions conventionnelles en montrant que le réel problème n’est pas au niveau des conventions d’entreprise ou de branche mais en comparaison par rapport au salaire minimum garanti par la branche pour 35H.

D’ailleurs sur ce point, les blocs de constitutionnalité permettent clairement aujourd’hui à l’accord d’entreprise de déroger à la branche sur le temps de travail mais pas sur le salaire minimum.

Il sera intéressant de suivre ce que décidera la Cour d’appel de renvoi sur cette question.

Le Harcèlement moral dans le sport

Le scandale révélé par le journal L’EQUIPE au Bureau du comité de l’organisation de coupe de Rugby 2023 montre que le harcèlement moral à l’instar du harcèlement sexuel n’épargne pas le monde du sport.😡
🚩C’est même une lapalissade !

➡️Le journal L’EQUIPE décrit des méthodes managériales d’un autre temps privilégiant insultes, humiliations, climat de terreur, mise à l’écart et peur de parler.
➡️Au moins 6 salariés seraient concernés sur 70 personnes avec des conséquences graves sur leur état de santé tels que dépression et burn out.

📢 C’est inacceptable! 📢

Le Ministre du travail semble avoir saisi enfin aujourd’hui l’inspection du travail.

Il était temps mais c’est insuffisant !

📣Les salariés doivent savoir que le harcèlement moral est un délit grave et qu’ils peuvent obtenir une juste indemnisation de leur préjudice soit devant le Tribunal Correctionnel soit devant le Conseil de Prud’hommes.

📞Nous, les professionnels du droit, avocats, accompagnés des médecins du travail, des IRPP, des inspections du travail et des psychologues, sommes là pour que cessent ces comportements.

↪️Accompagner le salarié c’est l’aider à rassembler les preuves des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et l’aider à saisir la justice.

↪️Mais c’est aussi expliquer au salarié que c’est à l’employeur de démontrer que lesdits faits décrits par le salarié et vécus comme du harcèlement, ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement mais sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

💢 Dans la situation décrite par le journal L’Equipe au Bureau du comité de l’organisation de coupe de Rugby 2023, je vois mal quelles justifications pourraient être valablement soulevées.

En tout état de cause, le juge devra aussi regarder les mesures prises par l’employeur pour faire cesser le harcèlement.

Syntec et forfaits jours : le caractère impératif des 2 entretiens annuels sur l’articulation entre la vie professionnelle et personnelle

Mis à jour le 21 juin 2024 Conformément aux dispositions de l’article L 3121-46 du Code du travail, l’employeur est tenu d’organiser un entretien annuel individuel avec chaque salarié soumis au forfait jours dans l’entreprise afin de vérifier la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise et l’articulation entre la vie professionnelle et personnelle.

L’employeur ne peut en aucun cas déroger à cet entretien  comme l’a affirmé la Cour de Cassation (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 mars 2014, 12-29.141, Publié au bulletin).

La convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils, sociétés de conseils dite SYNTEC est allée bien au-delà des prescriptions légales.

Pour les salariés en forfait jours, elle prévoyait un minimum de deux entretiens individuels annuels portant sur la charge de travail qualifiés d’obligatoires (accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail – art. 4.8.3 modifié par l’avenant le 1er avril 2014 à l’accord du 22juin 1999).

–> Ce n’est plus le cas depuis que l’avenant n°2 du 13 décembre 2022 a modifié l’accord du 22 juin 1999 comme suit :

Ainsi , l’article 4.8.3 du chapitre II de l’accord de branche du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail est rédigé comme suit :
« 4.8.3. Entretien individuel
« Afin de se conformer aux dispositions légales et de veiller à la santé et à la sécurité des salariés, l’employeur convoque au minimum une (1) fois par an le salarié, ainsi qu’en cas de difficulté inhabituelle, à un entretien individuel spécifique.
Au cours de cet entretien sont évoquées la charge individuelle de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie privée et, enfin, la rémunération du salarié. Lors de cet entretien, le salarié et son employeur font le bilan des modalités d’organisation du travail du salarié, de la durée des trajets professionnels, de sa charge individuelle de travail, de l’amplitude des journées de travail, de l’état des jours non travaillés pris et non pris à la date des entretiens et l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Une liste indicative des éléments devant être abordés lors de cet entretien est également transmise au salarié.
Au regard des constats effectués, le salarié et son responsable hiérarchique arrêtent ensemble les mesures de prévention et de règlement des difficultés (lissage sur une plus grande période, répartition de la charge, etc.). Les solutions et mesures sont alors consignées dans le compte rendu de cet entretien annuel. Le salarié et le responsable hiérarchique examinent si possible également à l’occasion de cet entretien la charge de travail prévisible sur la période à venir et les adaptations éventuellement nécessaires en termes d’organisation du travail. »

  • La jusprudence ci-dessous est donc devenu obsolète.

La Cour d’Appel de Versailles a rappelé que l’employeur ne peut se dédouaner de son obligation d’organiser ces deux entretiens sous le prétexte d’un refus du salarié de se rendre à un entretien de ce type. (Cour D’appel de Versailles 17ème chambre du 15 juin 2022 n° 19/03932)

Dans cette affaire,  l’employeur n’établissait pas avoir organisé les deux entretiens annuels prévus en 2014, 2015 et 2016.

En 2017, la supérieure du salarié avait fait part à son Directeur général de sa difficulté à mettre en œuvre l’entretien du salarié qui voulait que celui-ci s’effectue par mail.

Néanmoins, aucune mise en demeure n’était adressé au salarié pour l’enjoindre de se rendre à l’entretien.

Aucun entretien n’a donc été réalisé du fait de l’employeur également en 2017.

La Cour d’Appel constate la carence de l’employeur en relevant « La circonstance que le salarié devait compléter un document individuel de suivi établi par la société afin de faire apparaître le nombre et la date des jours travaillés ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés, ne dispensait pas l’employeur de son obligation d’organiser des entretiens. »

La convention individuelle de forfait en jours était donc privée d’effet, de sorte que le salarié pouvait prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont il convenait de vérifier l’existence et le nombre.

Indemnité de préavis et licenciement du salarié malade pour absence prolongée ou répétée

Les absences répétées ou prolongées du salarié malade peuvent désorganiser l’entreprise et conduire l’employeur à licencier son salarié absent.

En principe dans ce cas, l’employeur ne rémunère pas le préavis du salarié, si le salarié n’est pas en mesure de l’exécuter en raison d’un arrêt maladie.

Cependant, cette solution peut être remise en cause si le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse. 

En effet, la Cour de cassation retient de manière constante que le licenciement du salarié, prononcé pour absence prolongée désorganisant l’entreprise et rendant nécessaire le remplacement définitif de l’intéressé,  dépourvu de cause réelle et sérieuse,  entraine la condamnation de l’employeur à verser une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.

L’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés correspondants sont dus au salarié et ce même si le salarié était en arrêt maladie au moment du préavis. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 novembre 2021, 20-14.848, Publié au bulletin , Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 mai 2022, 20-19.018, Inédit)

Des bonnes pratiques pour éviter le stress numérique

Curieusement alors que le droit à la déconnexion est entré officiellement dans le code du travail depuis 2017, les salariés n’ont jamais autant souffert des sur-sollicitations numériques que ces dernières années.

Le télétravail et la crise sanitaires sont, sans contestation possible, les premiers responsables du « stress numérique ».

Les salariés sont de plus en plus noyés sous le nombre d’emails reçus au cours d’une même journée, que ce soit des emails internes ou externes.

Outre la pollution numérique et le stress engendré, cette prolifération de mails paralyse certains services tant le nombre d’email reçus est exponentiel.

Pour mettre en place les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion,  les employeurs doivent mettre en place des systèmes de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale.

Plusieurs solutions sont possibles notamment:

  • Mettre en place des Pop -up instantanés lorsque le salarié souhaite envoyer un message à une heure ou un jour où il n’est pas sensé travailler ( tôt le matin, tard soir, les week-end)
  • Intégrer dans les signatures électroniques des messages indiquant que l’entreprise respecte l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et que les messages n’exigent pas de réponse immédiate.
  • Former les salariés sur les risques du stress numérique et les inciter à l’échange physique toutes les fois que cela est possible.
  • Limiter les emails pour les situations qui nécessitent de la réflexion et pas de la rapidité de réponse.
  • Développer les coffres forts numériques ou les dossiers partagés par projets ou clients, permettant au salarié de consulter les évolutions lorsqu’il doit travailler sur cette situation et non à chaque instant.
  • Interdire ou limiter les réunions pendant les pauses déjeuner

Plusieurs entreprises souvent des start-ups se spécialisent sur ce sujet pour changer les pratiques numériques en commençant par une analyse fine du stress numérique dans l’entreprise.

 

Quand le silence de l’employeur sur une demande de congés payés vaut acceptation

Il est incontestable que le salarié qui souhaite prendre un ou plusieurs congés payés doit faire une demande préalable auprès de son employeur.

Bien évidemment cette demande doit être acceptée par l’employeur, mais comment ?

Faut-il toujours un acte formel d’acceptation des congés payés posés ou l’accord peut-il être tacite ?

Cette question a été soumise à la Cour de Cassation en avril dernier. ( Cour de cassation, Chambre sociale, 6 avril 2022 – Formation restreinte hors RNSM/NA Pourvoi n° 20-22.055 )

Dans cette affaire, un salarié avait présenté oralement une demande d’une journée de congé pour le 27 juin 2016, à laquelle il n’avait pas obtenu de réponse.

Sans réponse de son employeur, il s’était absenté le 27 juin 2016.

Son employeur, mécontent, l’avait alors sanctionné d’un avertissement pour absence injustifiée.

Le salarié avait saisi alors le conseil de prud’hommes pour obtenir l’annulation de cette sanction en arguant qu’il avait estimé sa demande acceptée sur un principe, pourtant fort contestable en droit, « du silence qui vaudrait acceptation ».

De son côté, l’employeur justifie l’avertissement par l’impossibilité pour le salarié, sauf disposition conventionnelle ou usage contraire, de fixer lui-même les dates de ses congés sans avoir obtenu une autorisation préalable expresse de la direction.

Il soutenait également que cette absence avait causé « une réelle désorganisation dans le fonctionnement de l’entreprise et dans l’organisation du travail ».

La Cour de cassation, comme la Cour d’Appel, ont retenu la position du salarié.

Elle considère que l’employeur ne justifiait d’aucune consigne précise imposant au salarié d’obtenir un accord exprès préalable à la prise de congé.

En l’absence de refus de l’employeur, elle décide que le salarié a pu considérer que sa demande avait été acceptée.

Faut-il considérer que cette décision remet en cause la position classique de la Cour de cassation sur l’obligation pour le salarié d’obtenir l’autorisation préalable de l’employeur avant de s’absenter?

Je ne le pense pas.

Néanmoins, cette décision ouvre une brèche au salarié, celle de pouvoir démontrer que l’autorisation de prise des congés payés de l’employeur a été tacite.

Bien évidemment cela n’est possible qu’en l’absence de règle contraire applicable dans l’entreprise c’est-à-dire de l’obligation d’une validation expresse

De la surveillance du salarié en télétravail

Avec la multiplication du télétravail, les employeurs ont de plus en plus recours à des moyens de surveillance de leurs salariés à distance dont certains sont attentatoires aux libertés.

Pour mémoire, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a constaté en 2021 qu’au moins un salarié sur 5 a télétravaillé.

Or, il est tentant pour l’employeur d’exercer une surveillance de son salarié en télétravail par des moyens technologiques :

  • Enregistreur de frappe sur le clavier ;
  • Géolocalisation ;
  • Vidéosurveillance (par webcam).

Mais attention, ces méthodes de surveillance peuvent vite se révéler excessives voire abusives.

La surveillance au travail est ainsi devenue l’un des principaux motifs de plainte auprès de la CNIL qui précise dans son rapport annuel  2021 que plus de 83 % des plaintes reçues sur la surveillance des salariés concernent des dispositifs de vidéosurveillance au travail.

Il ne faut pas perdre de vue que l’employeur qui souhaite surveiller l’activité de son salarié doit utiliser des moyens proportionnés et qui ne portent pas une atteinte excessive au respect des droits et libertés du salarié, notamment le droit au respect de la vie privée (Code civil : article 9).

De plus, l’employeur doit informer le salarié sur les moyens qu’il utilise pour collecter des informations sur lui (Code du travail : L1222-4).

Sont interdits les dispositifs de surveillance constante tels que :

  • l’obligation d’activer sa caméra ou son micro tout au long de son temps de travail,
  • le partage permanent de l’écran,
  • ou les outils enregistreurs de frappe au clavier.

De plus, dans ses « Questions-Réponses » sur le télétravail, la CNIL rappelle que lorsqu’il n’est pas possible de flouter l’arrière-plan, l’employeur ne peut pas exiger d’un salarié qu’il active sa caméra en permanence à l’occasion d’une réunion en visioconférence sauf dans des cas particuliers comme un entretien RH ou une rencontre avec des clients extérieurs.

Indemnisation prud’homale et préjudice résultant la majoration de l’impôt sur le revenu

Le préjudice de majoration de l’impôt sur le revenu résultant d’une condamnation indemnitaire de l’employeur n’est pas indemnisable par ce dernier.

En d’autres termes , les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l’indemnisation de la victime.

C’est ce qu’il faut retenir d’une décision 6 avril 2022 de la Cour de cassation en sa chambre sociale (Pourvoi n° 20-22.918).

Dans cette affaire, un salarié avait été engagé à compter du 1er octobre 2001 en qualité de conducteur routier.

Il occupait en dernier lieu un poste de magasinier cariste, titulaire de différents mandats et avait été licencié le 19 novembre 2013.

A l’issue de recours devant les juridictions administratives, il avait obtenu l’annulation de la décision d’autorisation de licenciement, et a été réintégré.

Son employeur a été condamné à lui payer une indemnité correspondant à la totalité du préjudice, tant matériel que moral, subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration.

Le 6 février 2017, il avait saisi la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir diverses sommes concernant la période entre son licenciement et sa réintégration, notamment une somme à titre de dommages-intérêts pour majoration d’impôt sur le revenu.

La Cour d’appel lui avait donné raison en retenant que le salarié avait justifié, par la production de ses avis d’imposition 2015, 2016 et 2017 et de simulations pour ces mêmes années, qu’il avait subi un surcoût d’impôt de 2.136 euros.

Or, ce surcoût était la conséquence du versement par l’employeur de l’indemnisation ayant pesé sur une seule et même année d’imposition (2017, pour les revenus 2016), alors que cette somme, s’il n’y avait pas eu éviction, aurait été étalée sur les années concernées, n’entraînant pas de surcoût d’impôt.

La Cour d’appel estimait donc que le préjudice du salarié était directement en lien avec le versement de l’indemnisation de l’éviction fautive et avait condamné l’employeur à indemniser le  préjudice de majoration d’impôt.

La Cour de Cassation prend une position contraire et retient :

« Les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l’indemnisation de la victime. »

(Cour de Cassation Chambre sociale 6 avril 2022 n°20-22.918)

Avocat à la Cour D'appel de Paris – droit du travail et droit des affaires – Expert SYNTEC- BETIC-CINOV