Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

RJ : Reprise d’entreprise par un plan de cession et garantie d’emploi

Les salariés ne le savent pas toujours, mais lorsque leur entreprise – en redressement judiciaire – a été rachetée à la barre du Tribunal de commerce par une autre entité, ils ont le droit de se prévaloir des engagements pris à cette occasion par le repreneur.

Un arrêt de la Cour de Cassation du 12 novembre 2015 me permet d’en donner une illustration. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 novembre 2015, 14-16.489 14-16.567 14-16.814, Inédit)

IMG_20140506_101148Dans cette affaire, la société VELCOREX avait présenté une offre de reprise de l’entreprise en redressement judiciaire DMC en proposant la reprise de 118 salariés, pour lesquels elle présentait une garantie d’emploi de 2 années.

Le jugement du Tribunal de commerce de PARIS avait, en date du 13 août 2008, arrêté le plan de cession de l’entreprise DMC en faveur de la société SAIC VELCOREX CONCORD qui devait constituer avec la société UCPMI et la société KOHINOOR, une entité juridique pour la reprise.

Dans son jugement, le Tribunal avait ordonné le transfert de 118 contrats de travail, autorisé le licenciement de 91 autres salariés et enfin pris acte de « l’engagement des repreneurs de ne procéder à aucun licenciement économique pendant la durée de deux ans à courir de la cession des actifs repris ».

Par la suite,  la société SAIC VELCOREX CONCORD était placée en redressement judiciaire le 27 janvier 2010, puis en liquidation judiciaire le 31 mars 2010.

L’ensemble du personnel était licencié pour motif économique le 14 avril 2010 (18 juin 2010 pour les salariés protégés), après l’élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi par la société UCPMI.

La Cour de Cassation confirme deux choses importantes :

La société qui reprend les engagements de la société proposant à la barre la reprise de la société est tenue de garantir l’emploi aux salariés.

En effet, l’offre de cession qui comporte l’engagement de ne procéder à aucun licenciement économique pendant deux années, a été souscrite par la société UCPMI qui s’est substituée à la société SAIC VELCOREX CONCORD donc cette dernière était tenue de l’exécution de cet engagement.

– Les dommages et intérêts alloués à un salarié en cas de violation par l’employeur d’une clause de garantie d’emploi sont équivalents aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme de cette période.

Toutes les démarches administratives ne sont pas possibles par voie électronique en droit du travail

Depuis novembre 2014, tout usager du service public, dès lors qu’il s’est identifié auprès d’une autorité administrative, peut adresser par voie électronique à celle-ci une demande, une déclaration, un document ou une information, ou lui répondre par la même voie (Ordonnance n° 2014-1330 du 6 novembre 2014 relative au droit des usagers de saisir l’administration par voie électronique – Article 3).

Attention en droit du travail, il existe plusieurs exceptions rappelées par le décret du 5 novembre 2015 (Décret n° 2015-1422 du 5 novembre 2015 relatif aux exceptions à l’application du droit des usagers de saisir l’administration par voie électronique).

Ces exceptions sont limitées dans le temps :

DÉMARCHE ADMINISTRATIVE BASE LÉGALE DATE D’ÉCHÉANCE
Déclaration de détachement, par les entreprises étrangères, de travailleurs en France L. 1262-5 ou R. 1263-3 et suivants du code du travail 07/11/2016
Dépôt des dossiers de candidatures des organisations patronales pour reconnaissance de leur représentativité L. 2152-5 du code du travail et R. 2152-12 et suivants 07/11/2016
Déclaration des ruptures conventionnelles de contrats à durée indéterminée L. 1237-14 du code du travail 07/11/2017
Transmission des procès-verbaux d’élections professionnelles D. 2122-7 du code du travail
D. 412-3 du code du travail applicable à Mayotte
07/11/2017
Dépôt des accords d’entreprise L. 2261-1 du code du travail
L. 132-10 du code du travail applicable à Mayotte
Article 71 de la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant du ministère de la France d’outre-mer
07/11/2017
Dépôt des candidatures de conseiller prud’hommes L. 1441-22 du code du travail
Articles 184 et 185 de la loi n° 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant du ministère de la France d’outre-mer
07/11/2017

 

 

Solde tout compte et le délai de dénonciation

mis à jour le 16 mars 2018

Lorsque le contrat de travail est rompu, l’employeur doit remettre au salarié plusieurs documents dont le  solde tout compte.

IMG_20140923_122333Le solde de tout compte est établi par l’employeur.

Il fait l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Le salarié  donne reçu à son employeur de ce document.

Mais ce solde de tout compte n’empêche pas de contester la rupture du contrat de travail ni le montant des sommes contenues.

Concernant le montant des sommes perçues,  le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature,

En principe, après l’écoulement de ce délai de 6 mois, le recours du salarié quant aux sommes portées sur le reçu du solde de tout compte n’est plus possible.

C’est pourquoi, nous conseillons généralement à nos clients de ne signer le solde tout compte qu’avec la mention » sous réserve de la vérification de mes droits ».

Attention, cependant, l’employeur n’a pas l’obligation de mentionner sur le reçu pour solde de tout compte le délai de six mois pour le dénoncer. ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 novembre 2015, 14-10.657, Publié au bulletin)

Au-delà de ces 6 mois, des actions judiciaires restent possibles mais en principe le solde tout compte signé est libératoire pour l’employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.

***

Enfin, il faut noter qu’il faut se placer à la date à laquelle l’employeur reçoit sa convocation à l’audience devant le conseil de prud’hommes pour vérifier le respect du délai de 6 mois permettant de dénoncer le reçu pour solde de tout compte et non pas à la date de la saisine de la juridiction par le salarié.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 mars 2018, 16-13194, Publié au bulletin FSPB)

Conséquence de l’absence de visite médicale de reprise

IMG_20140923_122626A la suite d’un arrêt de travail  résultant :

  • d’un congé de maternité,
  • ou d’une absence pour cause de maladie professionnelle (peu importe sa durée),
  • ou d’ une absence d’au moins 30 jours pour cause d’accident du travail,
  • ou d’une absence d’au moins 30 jours pour cause de maladie ou accident d’origine non professionnelle.

le salarié doit passer une visite médicale de reprise et cette visite doit être faite à l’initiative de l’employeur.

Néanmoins, cela implique que l’employeur soit informé d’une part de la date d’expiration de l’arrêt de travail du salarié et d’autre part que le salarié ait manifesté sa volonté de reprendre son emploi.

Ainsi, la Cour de Cassation a rappelé dans un arrêt récent que si le salarié avait cessé d’envoyer des arrêts de travail, n’avait pas répondu aux demandes de l’employeur de justifier de son absence et qu’il ne rapportait pas la preuve qu’il s’était mis à la disposition de celui-ci, l’employeur n’avait pas de raison de mettre en place la visite médicale de reprise. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 mai 2015, 13-23.606, Inédit)

Or, tant que  la visite médicale n’a pas eu lieu, le contrat de travail est suspendu .

La Cour de Cassation vient de confirmer cette position en refusant de condamner un employeur à un rappel de salaires bien que la visite médicale de reprise n’ait pas eu lieu. En effet, le salarié n’avait pas informé son employeur de la fin de son arrêt de  travail. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 octobre 2015, 14-10.573, Inédit)

 

 

Plafond de la sécurité sociale depuis 2015

mis à jour 3 janvier 2018

Vous trouverez,ci-joint, les plafonds de la sécurité sociale depuis 2015 à ce jour.

Plafond de la sécurité sociale 2015

Pour les rémunérations ou gains versés à compter du 1er janvier et jusqu’au 31 décembre 2015les valeurs mensuelle et journalière du plafond de la sécurité sociale mentionnées à l’article D. 242-17 du code de la sécurité sociale sont les suivantes :

  • 38 040 euros en valeur annuelle (contre 37 548 euros en 2014),
  • 3 170 euros en valeur mensuelle (contre 3 129 euros en 2014),
  • 174 euros en valeur journalière (contre 172 euros en 2014).

Plafond de la sécurité sociale 2016

  • 38 616 € en valeur annuelle ;
  • 3 218 € en valeur mensuelle ;
  • 177 € en valeur journalière  ;

Plafond de la sécurité sociale 2017

  • 39 228 € en valeur annuelle ;
  • 3 269 € en valeur mensuelle ;
  • 180 € en valeur journalière  ;

Plafond de la sécurité sociale 2018

  • 39 732 € en valeur annuelle (contre 39 228 € en 2017) ;
  • 3 311 € en valeur mensuelle (contre 3 269 € en 2017) ;
  • 182 € en valeur journalière (contre 180 € en 2017) ;.

SYNTEC : le forfait d’heures (modalité 2) et le plafond de la sécurité sociale

IMG_20140331_130251.2Mise à jour 26 avril 2022

De nombreux ingénieurs et cadres dépendant de la convention collective Syntec ont un contrat de travail visant la modalité 2 de l’accord cadre du 22 juin 1999, c’est à dire qu’ils sont soumis à un forfait de temps de travail de 38h30 par semaine sur 218 jours annuels (article 3 de l’accord).

Hormis le fait que le salarié croit souvent à tort être en forfait jours et ne pas devoir décompter son temps de travail,  ce forfait d’heures repose sur une condition d’éligibilité : les ingénieurs ou cadres doivent percevoir au moins un salaire égal au plafond de la sécurité sociale.

Or, en pratique, de nombreux salariés se voient appliquer la modalité 2 de l’accord cadre sans pour autant percevoir le salaire minimum et je suis régulièrement sollicitée sur cette question.

La Cour de Cassation de Cassation vient de rendre une décision claire sur l’inopposabilité de cette modalité 2 aux salariés ne percevant pas le plafond de la sécurité sociale. (Arrêt n° 1834 du 4 novembre 2015 14-25.745 ; 14-25.751 FS-P+B+R+I – Cour de cassation – Chambre sociale)

Désormais, il est clair que le salarié qui ne perçoit pas le montant du plafond de la sécurité sociale ne peut être soumis au forfait d’heures et peut prétendre à un rappel de salaire pour les heures supplémentaires au-delà de 35 heures.

Voici l’attendu de principe de l’arrêt :

« Mais attendu d’abord, qu’aux termes de l’article 3 chapitre II de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, lequel instaure une convention de forfait en heures sur une base hebdomadaire pour les salariés relevant des modalités 2 réalisations de missions, lesdites modalités s’appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète, et que tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale ; qu’il en résulte que seuls les ingénieurs et cadres dont la rémunération est au moins égale au plafond de la sécurité sociale relèvent des modalités 2 réalisations de mission ;

Attendu, ensuite, que lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention collective, ces clauses s’appliquent au contrat de travail, sauf stipulations plus favorables et que le salarié ne peut renoncer aux droits qu’il tient de la convention collective « 

Pour ceux qui se posent la question de la possibilité de réclamer le Plafond de la sécurité sociale, vous pouvez lire mon article: http://carole-vercheyre-grard.fr/syntec-forfait-dheures-modalite-2-exemple-de-condamnation-a-verser-le-plafond-de-la-securite-sociale/

De plus, il faut rappeler que la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l’action en paiement d’un rappel de salaire fondée sur l’invalidité d’une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale prévue par l’article L. 3245-1 du code du travail.

Impossible de justifier un licenciement par le courrier de l’avocat du salarié

C’es une pratique constante des avocats intervenant en droit du travail d’écrire à l’employeur pour porter les réclamations du salarié qui ne sont pas entendues afin de trouver une solution amiable aux désaccords.

1517434_763736577007469_2988569837078343196_nCe n’est jamais de gaieté de cœur que le salarié pousse la porte d’un cabinet d’avocats pour chercher de l’aide face au mutisme de son employeur ou à son incompréhension.

Dans la grande majorité des cas, le salarié a longtemps réfléchi et a essayé de résoudre directement son problème avec l’employeur avant de prendre la décision coûteuse tant émotionnellement que financièrement de consulter un avocat.

La Cour de Cassation comprend la démarche du salarié et refuse que ce dernier soit sanctionné sur la base de la lettre de son conseil. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 octobre 2015, 14-17.624, Publié au bulletin)

Dans cet arrêt, elle retient que le licenciement d’un salarié ne peut pas être fondé sur le seul contenu d’une lettre rédigée et signée par le conseil du salarié.

Cette solution n’est que le prolongement du droit d’expression et du droit de saisir le juge .

Elle devrait rassurer ceux qui craignent des représailles pour avoir osé se plaindre de leurs conditions de travail auprès d’un avocat.

 

 

La faute lourde du salarié et l’intention de nuire

Mis à jour 03/03/2016

Licencier un salarié pour faute lourde doit rester une exception tant les conséquences pour le salarié sont importantes.

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La faute lourde est caractérisée par l’intention du salarié de nuire à l’employeur.

Elle s’illustre souvent dans des cas de concurrence déloyale du salarié en poste.

Mais cette intention existe -t-elle systématiquement  dans les cas de détournements de fonds de l’entreprise ?

La Cour de Cassation estime que non.

Elle retient que l’intention de nuire  implique la volonté du salarié de porter préjudice dans la commission du fait fautif. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 octobre 2015, 14-11.801, Publié au bulletin , Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 octobre 2015, 14-11.291, Publié au bulletin )

Il ne suffit donc pas que le salarié ait  commis un acte préjudiciable à l’entreprise…. il faut encore montrer qu’il avait la volonté de faire du tort à son employeur.

Dans les deux affaires précitées, il s’agissait de détournements d’argent appartenant à l’entreprise au bénéficie du salarié soit par le biais d’augmentations de salaire soit par le biais d’un soit-disant « prêt abusif ».

La faute lourde a été écartée par la Cour de Cassation, faute pour l’employeur d’avoir démontré la volonté de nuire du salarié.

 

La grève de la poste ne peut défavoriser le salarié convoqué à un entretien préalable

L’article L. 1232-2 du code du travail prévoit un  délai de 5 jours ouvrables entre la présentation de la lettre recommandée de convocation à l’entretien préalable au licenciement et la tenue dudit entretien.

Lorsqu’un mouvement de grève affecte le bureau de poste desservant le domicile du salarié, l’employeur doit vérifier que le salarié a bien bénéficié du délai de 5 jours entre la présentation effective  de la lettre de convocation à l’entretien préalable au licenciement et la tenue dudit entretien.

En d’autres mots, il importe peu que la grève soit indépendante de l’employeur,  l’entretien ne peut valablement se tenir que si et seulement si le délai de 5 jours a bien été respecté entre le moment où le salarié a été informé et la tenue de l’entretien.  (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 octobre 2015, 14-18.067, Inédit)

Prudence donc dans l’envoi des lettres recommandées avec accusé de réception!

L’employeur doit toujours vérifier avec le numéro du recommandé la bonne présentation de son courrier avant de finaliser le licenciement.

 

De l’amour ou du harcèlement sexuel au travail ?

Même si la France n’égale pas encore en la matière les Etats-Unis, les cabinets d’avocats voient fleurir de plus en plus de contentieux sur la drague sur le lieu de travail.

IMG00176-20100722-1704La Cour de Cassation tente de faire le tri entre les cas de harcèlement sexuel avérés et les déclarations d’amour incomprises.

La situation est d’autant plus compliquée quand l’amour au travail a été consommé par les deux salariés sans contrainte et qu’au fil du temps, un des partenaires ne souhaite pas poursuivre la relation.

L’arrêt de la Cour de Cassation du  23 septembre 2015, (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 septembre 2015, 14-17.143, Inédit) nous offre un bel exemple du mélange des genres.

Dans cette affaire,  une salariée avait reçu des messages d’amour de son supérieur hiérarchique avec lequel elle avait entretenu auparavant une liaison sentimentale .

La salariée licenciée pour faute grave contestait son licenciement, invoquant un harcèlement sexuel de la part de son supérieur.

Elle soutenait que les deux SMS que son supérieur lui avait adressés se référant aux temps « où elle le rendait heureux » et faisant état de la persistance de son sentiment amoureux étaient suffisants pour laisser présumer l’existence d’un harcèlement sexuel.

La Cour de Cassation refuse d’y voir autre chose qu’un sentiment amoureux dépourvu de harcèlement. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 septembre 2015, 14-17.143, Inédit)

Elle fait remarquer que les messages ne comportaient aucune menace ni aucune forme de contrainte quelconque destinée à obtenir des faveurs sexuelles manifestement librement consenties auparavant.

Les sentiments y étaient exprimés sans impudeur ou indélicatesse.

La Cour de cassation a considéré que l’existence de deux messages adressés à la salariée par son supérieur hiérarchique avec lequel elle avait entretenu une liaison, ne démontraient que la persistance nostalgique d’un attachement sentimental de la part de celui-ci. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 septembre 2015, 14-17.143, Inédit)

Dès lors, le comportement de son ancien amant ne pouvait être considéré comme constituant un harcèlement sexuel.