Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Contester une mise à la retraite d’office

L’employeur peut décider de la mise à la retraite d’office du salarié dans deux cas rappelés par l’article L 1237-5 du code du travail :

– soit lorsqu’il a atteint l’âge de la mise à la retraite (en général 67 ans pour les salariés nés après le 1er janvier 1955 ) et qu’il a été engagé par l’employeur avant cet âge .

– soit lorsque le salarié peut bénéficier d’une pension de vieillesse à taux plein au sens de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale .

IMG_20140923_122626Dans ce dernier cas, c’est à l’employeur qui décide de mettre à la retraite d’office son salarié de rapporter la preuve que ce dernier peut bénéficier d’une retraite à taux plein.

En effet, la Cour de Cassation rappelle que « il appartient à l’employeur, qui se prévaut de la possibilité donnée à l’entreprise de rompre le contrat de travail d’un salarié qui peut bénéficier d’une pension de vieillesse à taux plein de rapporter la preuve de ce que les conditions de sa mise à la retraite sont remplies, » (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 septembre 2014, 13-14.944, Inédit)

A défaut de pouvoir rapporter cette preuve, l’employeur risque de voir la mise à la retraite d’office requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Faut-il informer son employeur de sa mise en examen ?

Lorsque la mise en examen d’un salarié porte sur des faits en relation directe avec sa mission professionnelle, le salarié doit en informer l’employeur.

A contrario, lorsque les infractions dont dépendent la mise en examen n’ont aucune rapport avec l’activité professionnelle du salarié, il s’agit d’ un simple fait de la vie privée qui n’a pas à être porté à la connaissance de l’employeur.

IMG_20140923_122333Voilà en substance, la position récurrente de la Cour de Cassation , illustrée par un arrêt récent du 29 septembre dernier. Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 septembre 2014, 13-13.661, Publié au bulletin)

Dans cette affaire, une salariée, médecin conseil  auprès d’une compagnie d’assurance avait été mise en examen du chef d’escroquerie en bande organisée notamment pour des faits intéressant le paiement des prestations de la sécurité sociale.

Elle n’en avait pas informé son employeur.

Apprenant par voie de presse la mise en examen, son employeur l’avait licenciée pour violation de l’obligation de loyauté.

La Cour de Cassation lui donne raison en estimant que la présomption d’innocence ne fait pas obstacle au devoir de loyauté entre le salarié et son employeur, lorsque l’infraction visée à un rapport avec l’activité professionnelle.

Voici les attendus de la décision judiciaire :

« Mais attendu que la dissimulation par le salarié d’un fait en rapport avec ses activités professionnelles et les obligations qui en résultent peut constituer un manquement à la loyauté à laquelle il est tenu envers son employeur, dès lors qu’il est de nature à avoir une incidence sur l’exercice des fonctions ;

Et attendu que la cour d’appel, qui n’a pas fondé sa décision sur la seule mise en examen de la salariée, laquelle bénéficiait de la présomption d’innocence, mais a retenu que ce fait avait été caché à l’employeur alors qu’il était en rapport avec les fonctions professionnelles de la salariée et de nature à en affecter le bon exercice, a ainsi caractérisé un manquement de l’intéressée à ses obligations professionnelles ; »

 

Rupture conventionnelle et Accident du travail

Mise à jour 30 décembre 2015

La rupture conventionnelle est possible lorsque le contrat de travail est suspendu à la suite d’un accident de travail. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 septembre 2014, 13-16.297, Publié au bulletin).

L’attendu de la Cour de Cassation est clair :

« sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, non invoqués en l’espèce, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle ».

La haute juridiction estime donc que l’article L. 1226-9 du code du travail  ne vise que les situations de rupture unilatérale du contrat et ne ferme pas la porte à la rupture conventionnelle.

Pourquoi pas !

Voilà qui devrait ouvrir de nouvelles perspectives aux salariés et employeurs qui veulent se séparer dans des conditions plus souples et surtout qui ne veulent pas attendre la décision d’inaptitude ou d’aptitude du médecin du travail  pour mettre un terme à la relation contractuelle.

Rappelons que la Cour de Cassation avait déjà pris une décision qui préfigurait cette solution lorsqu’elle avait accepté le principe de la rupture conventionnelle en cas d’inaptitude partielle.

Confirmation de cette solution (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 décembre 2015, 13-27.212, Publié au bulletin) 

 

Droit d’Alerte du Délégué du Personnel

Le délégué du personnel (DP) a le devoir de protéger les salariés des abus de l’employeur ou de ses subordonnés.

Le code du travail lui offre la possibilité d’agir par la voie d’un droit d’alerte prévu à l’article L2313-2.

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Lorsqu’un délégué du personnel constate,

notamment par l’intermédiaire d’un salarié, qu’il existe une 

atteinte aux droits des personnes, 

à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur. 

Cette atteinte peut notamment résulter de toute mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.

L’employeur doit alors faire une enquête avec le délégué et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.

Si l’employeur refuse de mener cette enquête, le délégué du personnel ( DP) a le droit de saisir le conseil des prud’hommes (le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue selon la forme des référés ).

Dans ce cas, la seule obligation du délégué du personnel est d’informer les salariés concernés de son action judiciaire.

Si le ou les salariés concernés ne manifestent aucune opposition la procédure engagée par le Délégué du Personnel est parfaitement valable.  (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 septembre 2014, 13-14.970, Inédit)

Le juge pourra ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d’une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor.

 

 

 

Distributeurs : un espoir dans la rémunération du temps réel de travail

Ils sont nombreux ceux qui choisissent de devenir distributeurs de journaux ou de prospectus pour arrondir leur fin de mois.

Ils dépendent de dispositions conventionnelles créant un statut national spécifique pour les distributeurs et mettant en place notamment une quantification prédéterminée de l’ensemble des tâches accomplies par les distributeurs.

En clair : ils sont payés en fonction de leur tournée avec une durée de travail préfixe.

Cette manière de préfixer la durée de la tournée et la rémunération afférente rend en pratique difficile de réclamer des heures supplémentaires.

Mais ce n’est pas impossible !

La Cour de Cassation vient de rendre une décision courageuse en retenant que ces salariés peuvent, comme tous les autres salariés, prouver que le temps de travail qu’ils ont réalisé est supérieur à celui précompté en produisant des décomptes.

Ainsi, elle estime que la quantification préalable des missions confiées et accomplies, reprise dans les feuilles de route par l’employeur, ne prive pas le salarié- distributeur de son droit au paiement d’heures supplémentaires. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 septembre 2014, 13-10.367, Publié au bulletin)

 

Le pouvoir d’appréciation de l’ordre des licenciements économiques par le Juge

Lors de licenciements économiques de plusieurs salariés sur les mêmes postes, l’employeur doit établir un ordre des licenciements.

IMG_20140923_122626Cet ordre doit tenir compte de plusieurs critères précis  et inclure notamment ceux fixés par l’article  L 1233-5 du code du travail. L’employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères prévus audit article.

Parmi ces critères figurent les qualités professionnelles du salarié appréciées par catégorie.

Le juge judiciaire ne peut se substituer à l’employeur dans sa capacité à apprécier les compétences de son salarié.

Cela signifie notamment que le juge ne peut, pour la mise en oeuvre de l’ordre des licenciements, substituer son appréciation des qualités professionnelles du salarié à celle de l’employeur, (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 septembre 2014, 12-16.991, Publié au bulletin)

Quelles sont les recours du salarié qui estime que son employeur n’a pas fait une correcte appréciation de ses qualités professionnelles?

La Cour de Cassation estime que le juge a la possibilité  de vérifier que l’appréciation portée sur les aptitudes professionnelles du salarié ne procède pas d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 septembre 2014, 12-16.991, Publié au bulletin)

Dans l’affaire précitée, la Cour de Cassation a ainsi considéré que l’appréciation par l’employeur des qualités professionnelles de la salariée avait été faussée par sa volonté d’éviter le licenciement d’un salarié moins ancien, en raison du coût de ce licenciement pour l’entreprise, caractérisant ainsi un détournement de pouvoir.

Licenciement économique : impact des difficultés du groupe

Lorsqu’un salarié est licencié pour motif économique et qu’il appartient à un groupe, il est nécessaire pour apprécier la validité du licenciement de regarder :

– la réalité des difficultés économiques au sein de l’entreprise,

– les possibilités de reclassement au sein du groupe.

Cette recherche de reclassement est obligatoire même si les autres sociétés du groupe sont déficitaires.

La  Cour de Cassation vient de le rappeler (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 septembre 2014, 13-17.693, Inédit)

Ainsi ce n’est pas parce que l’employeur invoque les difficultés économiques des autres sociétés du groupe pour justifier le caractère économique du licenciement que l’absence de poste disponible est rapportée.

L’employeur doit également rapporter la preuve qu’il a recherché le reclassement parmi toutes les entreprises du groupe (même celles en difficultés)  dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettait d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

A défaut l’employeur manque à son obligation de reclassement et le licenciement sera sans cause réelle et sérieuse.

Conséquence d’un retard de 8 jours dans la remise de l’attestation pôle emploi

Mis à jour le  28 mai 2021

Lors de la rupture du contrat de travail, l’employeur a l’obligation de remettre au salarié  immédiatement une attestation destinée à l’assurance chômage plus communément appelée : attestation pôle emploi.

IMG_20140923_122328La Cour de Cassation sanctionne les employeurs qui remettent tardivement ladite attestation au salarié en octroyant des dommages et intérêts à ces derniers.

Mais que faut-il entendre par envoi tardif ?

La Cour de Cassation vient de nous donner une illustration dans un arrêt  du 17 septembre 2014 (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 septembre 2014, 13-18.850, Inédit)

Remettre au salarié son attestation pôle emploi avec 8 jours de retard constitue une remise tardive.

Dans cette affaire, la Cour d’Appel avait cru pouvoir rejeter la demande du salarié en paiement de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat, en retenant que l’attestation destinée à Pôle emploi a été remise après corrections huit jours après la fin du préavis.

Elle avait estimé  qu’il s’agissait d’un faible retard et que le salarié n’apportait pas la preuve du préjudice qui en est résulté pour lui ;

La Cour de Cassation refuse l’interprétation de la Cour d’Appel en ces termes :  
« Qu’en statuant ainsi, alors que la remise tardive de ces documents au salarié entraîne nécessairement un préjudice qui doit être réparé par les juges du fond, la cour d’appel a violé les textes susvisés « 

En résumé :

la remise de l’attestation pôle emploi doit être immédiate dès que le salarié n’appartient plus au personnel de l’entreprise

un retard dans la remise entraîne forcément un préjudice au salarié

Par contre, il est indéniable que les juges n’apprécieront pas de la même manière le préjudice pour un retard de 8 jours et un retard de plusieurs mois ….

attention ; un arrêt du 13 avril 2016, le préjudice du salarié n’est plus soumis à une présomption irréfragable  mais doit être prouvé. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 avril 2016, 14-28.293, Publié au bulletin)

 

Le travail de nuit et le commerce alimentaire

Le travail de nuit est une exception.

IMG_20140506_101427Il est donc en principe illégal de faire travailler de nuit ses salariés sauf dans des cas très strictement délimités par la loi.

La Cour de Cassation en sa chambre criminelle estime que l’activité de commerce alimentaire n’exige pas, pour l’accomplir, de recourir au travail de nuit. (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 2 septembre 2014, 13-83.304, Inédit, N° de pourvoi 13-83304)

Il n’y a donc aucun justificatif légal au travail de nuit dans le domaine du commerce alimentaire.

L’employeur qui contrevient à cette règle commet une infraction pénale.

Pour mémoire, le code du travail délimite strictement les cas où le travail de nuit peut être licite.

L’article  L3122-32 du code du travail rappelle que le recours au travail de nuit doit :

prendre en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs,

– Et, être justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.

De plus,  le travail de nuit doit avoir été préalablement autorisé par une convention ou un accord collectif de branche étendu, ou d’entreprise, ou d’établissement (ou, à défaut d’accord, sur autorisation de l’inspecteur du travail).

 

Le temps de trajet entre deux rendez-vous professionnels = du temps de travail

Le temps de trajet professionnel entre le domicile d’un client et celui d’un autre client, au cours d’une même journée, constitue un temps de travail effectif et non un temps de pause.

La Cour de Cassation vient de le rappeler par une décision de sa Chambre criminelle, 2 septembre 2014, 13-80.665, Publiée au bulletin .

Elle justifie sa position en rappelant que les salariés ne sont pas soustraits, au cours de ces trajets, à l’autorité du chef d’entreprise.

Lesdits temps de trajet inter clientèle doivent être rémunérés normalement.

Dans l’affaire précitée, la Cour de Cassation a :

– non seulement rappelé la nécessité de payer les heures effectuées

mais a également

– considéré que le non paiement desdites heures constituait le délit de travail dissimulé.

Il faut cependant rappeler que cette règle ne s’applique pas au temps de trajet pour se rendre du domicile du salarié au lieu de travail, peu importe que le lieu de travail soit le domicile d’un client.