Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Impossible de sanctionner une faute plus de deux mois après sa commission

L’article L.1332-4 du code du travail prévoit :

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

Ainsi, si l’employeur ne sanctionne pas le salarié dans le délai de 2 mois, il ne peut plus le faire par la suite.

La Cour d’Appel de Nouméa a fait une lecture très étrange de cette disposition légale.

Elle a estimé que certes la faute grave sur laquelle est fondée la procédure disciplinaire était prescrite mais que le licenciement pour cause réelle et sérieuse était légitime, car la faute existait tout de même.

Impossible, répond la Cour de Cassation . (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 mai 2013, 11-28.195, Inédit ).

La prescription des faits fautifs prive automatiquement le licenciement de cause.

De la nullité du licenciement en raison de l’état de santé et de la réintégration

L’article L. 1132-1 du code du travail rappelle qu’aucune personne ne peut être licenciée en raison de son état de santé et que tout licenciement prononcé dans ces conditions est nul.

Le salarié peut prétendre à une réintégration dans l’entreprise.

De plus, il a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et la réintégration,peu important qu’il ait ou non reçu des salaires ou revenus de remplacement pendant cette période. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 mai 2013, 11-28.734, Publié au bulletin ).

Si malgré la condamnation à réintégration, l’employeur refuse de réintégrer le salariéce dernier peut ressaisir le juge pour demander la résiliation du contrat aux torts de l’employeur.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 mai 2013, 11-28.734, Publié au bulletin) 

Requalifier la demande de départ en retraite en une prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur

La demande de départ en retraite du salarié n’est pas toujours dénuée de lien avec l’attitude de l’employeur.

Par un arrêt de sa chambre sociale du 15 mai 2013, la haute juridiction retient la possibilité de requalifier un départ en retraite en prise d’acte de la rupture, lorsque le salarié avait de sérieux griefs à l’égard de son employeur.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 mai 2013, 11-26.784 11-26.930, Publié au bulletin) 

Dans cette affaire le salarié engagé le 1er janvier 1986 par la société Pressor en qualité de VRP, a notifié à son employeur le 26 décembre 2007 son départ à la retraite par une lettre énonçant des griefs envers ce dernier, notamment une modification unilatérale des taux de commissions depuis 2004.

Par la suite, il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de cette rupture en une prise d’acte de rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de demandes en paiement des indemnités de rupture et de divers rappels de salaire sur commissions et autres frais relatifs à l’exécution du contrat de travail.

La Cour de Cassation lui donne raison en appliquant le même raisonnement que pour la requalification de la démission équivoque.

Le départ à la retraite du salarié est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Ainsi, le salarié peut remettre en cause son départ en retraite si sa demande de départ en retraite est équivoque.

Dans ce cas, le juge peut l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’un départ volontaire à la retraite.

confirmation :  (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 mars 2014, 13-10.229 13-10.410, Inédit).

De la charge de la preuve du respect des onze heures de repos quotidien

Mis à jour 15/03/2022

L’union Européenne fixe des seuils de repos et des plafonds pour le temps de travail du salarié.(dir. 2003/88/CE du 4 novembre 2003, art. 3,4,5,6).

Le repos quotidien minimal de 11 heures consécutives par 24 heures fait partie de ces seuils.

Cette preuve incombe exclusivement à l’employeur. (Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 17 octobre 2012 N° de pourvoi: 10-17370 Publié au bulletin).

En effet, l’article L. 3171-4 du code du travail qui fixe la répartition de la charge de la preuve entre les salarié et employeur des heures de travail effectuées n’est pas applicable à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 mai 2013, 12-13.015, Inédit).

Il faut noter que le défaut de respect par l’employeur du repos quotidien de onze heures cause nécessairement un préjudice au salarié, dont le juge doit fixer la réparation(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 mai 2013, 12-13.015, Inédit, voire également Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 février 2015, 13-19.606, Inédit ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 février 2015, 13-19.605, Inédit ,.

De surcroît, ce défaut de respect des règles relatives au repos quotidien de onze heures caractérise une atteinte aux intérêts collectifs de la profession et peut donner lieu à l’allocation de dommages et intérêts aux syndicats. Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 mai 2013, 12-13.015, Inédit).

Il faut noter que  le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation. (Cour de Cassation chambre sociale 26 janvier 2022, Pourvoi n° 20-21.636 )

Le Juge a l’obligation de se procurer la convention collective applicable

IMG_20140331_121042La Cour de Cassation est rassurante …les juges ont l’obligation de se procurer les conventions collectives applicables au litige !!

Une évidence ?

Pas forcément pour la Cour d’Appel de Fort-de-France qui avait cru pouvoir rejeter une demande de rappel de salaire d’un salarié au motif que les dispositions conventionnelles applicables, bien que listées dans les pièces, ne figuraient pas au dossier.

Heureusement la Cour de Cassation rappelle : « Lorsqu’une partie invoque une convention collective précise, il incombe au juge de se procurer ce texte qui contient la règle de droit éventuellement applicable au litige, au besoin en invitant les parties à lui en faire parvenir un exemplaire. » (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 mai 2013, 12-15.047, Inédit ).

Dommage que la Cour de Cassation doive rappeler des règles basiques !

Signer une rupture conventionnelle dans une situation conflictuelle

  • (mis à jour le 21/01/14)

La Cour de Cassation a tranché !

L’existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’interdit pas la signature d’une rupture conventionnelle.

Mais la validité de ladite rupture conventionnelle est subordonnée à la preuve d’un consentement libre et éclairé des deux parties.

Or la validité du consentement est plus facilement contestable lorsqu’il existe un différend entre les parties.

La Cour de Cassation vient en effet de juger par un arrêt de principe que : « si l’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail, la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties « . (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 23 mai 2013, 12-13.865, Publié au bulletin ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 janvier 2014, 12-23.942, Publié au bulletin )

La prudence dans l’utilisation de ce mode de rupture est donc vivement conseillée en cas de conflit latent ou ouvert entre les parties.

Dématérialisation de l’attestation de salaire servant au calcul des indemnités journalières

Le Décret du 28 mars 2013 a fixé des modalités de mise en oeuvre de la déclaration sociale nominative dont certaines s’appliquent dès le 1er juillet 2013.

Actuellement et jusqu’au 1er juillet 2013, le salarié doit adresser à la Caisse d’assurance maladie, l‘attestation de salaire papier établie par l’employeur.

C’est cette attestation qui lui permet de percevoir ses indemnités journalières.

A ce titre, il convient de noter que la remise non conforme par l’employeur d’attestations de salaire suscite un lourd contentieux devant les juridictions prud’homales.

A compter du 1er juillet 2013, cette attestation devra être adressée sous forme électronique par l’employeur.

Ce n’est que dans l’hypothèse où l’employeur ne peut pas l’adresser sous forme électronique que le salarié aura l’obligation de remettre à la Caisse primaire d’assurance maladie un document papier dûment rempli par son employeur.

Attention, il faut noter que dès le 1er juillet prochain, l’employeur sera subrogé de plein droit dans les droits aux indemnités journalières de son salarié, qu’il maintienne en totalité le salaire de l’intéressé ou simplement en partie pendant la période de maladie.

Cette subrogation bien sûr ne s’appliquera qu’à la condition que le salaire maintenu au cours de cette période soit au moins égal au montant des indemnités dues pour la même période.

(Voir CSS – art R.323-10 et R.323-11 modifiés par le décret n°2013-266 du 28 mars 2013 – art.8 : JO, 30 mars)

De l’obligation de formation du salarié en contrat d’apprentissage

Le contrat d’apprentissage est un contrat aidé qui permet à l’employeur de bénéficier d’un apprenti salarié dont les coûts sont moindres mais en contrepartie de cette rémunération faible, il doit absolument lui dispenser la formation professionnelle nécessaire.

Le contrat d’apprentissage doit donc permettre la formation d’un apprenti.

La Cour de Cassation est très sévère sur cette obligation à la charge de l’employeur.

Si l’apprenti n’est pas formé, alors elle considère que le contrat d’apprentissage a été détourné de son objet et elle requalifie le contrat de travail en contrat à durée indéterminée.

Dans une affaire devant la Chambre sociale du 12 février 2013 – n° 11-27.525, la Cour de Cassation a jugé de la situation d’un apprenti qui avait conclu avec une entreprise un contrat d’apprentissage au vu de la préparation d’un baccalauréat professionnel « Maintenance des systèmes mécaniques automatisés ».

Le salarié a saisi le Juge pour obtenir la requalification de son contrat en CDIen soutenant qu’il effectuait les mêmes tâches que les autres salariés à temps complet sans avoir la même rémunération et surtout sans avoir jamais bénéficié d’aucune formation dans l’entreprise.

La Cour de Cassation lui donne raison, elle retient que l‘apprenti qui devait réaliser le même travail que les autres salariés n’était pas en situation d’apprentissage mais qu’il exerçait des fonctions à part entière et qu’il était dans l’impossibilité matérielle de recevoir une formation professionnelle sérieuse et adéquate.

Si cette solution n’est pas novatrice, il est utile de la rappeler régulièrement afin que les droits de chacun soient respectés et équilibrés.

Signer une rupture conventionnelle, après avoir engagé une action en résiliation judiciaire

A priori, il paraît inique d’engager une résiliation judiciaire d’une part et d‘autre part de signer une rupture conventionnelle postérieurement.

C’est pourtant face à cette situation que la Cour de Cassation a rendu une décision le 10 avril 2013. (Cour de Cass. – Ch. Sociale 10 avril 2013, n° 11-15.651)

Dans cette affaire, un salarié s’estimant victime de harcèlement moral avait dans un premier temps saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat.

En cours de procédure, ledit salarié, visiblement usé par le harcèlement avait signé une rupture conventionnelle qui avait été homologuée par l’Administration.

De surcroit, le salarié, mal conseillé n’avait pas contesté immédiatement la signature de la rupture conventionnelle.

Mauvais choix ! 

La cour de Cassation considère que le salarié ne pouvait maintenir sa demande de résiliation judiciaire faute d’avoir soulevé dans le délai d’un an la nullité de la rupture conventionnelle signée.(Cour de Cass. – Ch. Sociale 10 avril 2013, n° 11-15.651)

Du terme du CDD conclu pour le remplacement d’un salarié absent

Très souvent lorsqu’un salarié est en congé maternité ou parental, l’employeur choisit d’établir pour son remplaçant ponctuel un contrat à durée déterminée sans terme précis mais limité à la durée de l’absence dudit salarié.

Il faut être prudent avec ce type de contrat à durée déterminée. 

En effet, il peut arriver que la durée de l’absence totale du salarié titulaire soit bien supérieure au congé maternité ou parental envisagé.

L’arrêt du 10 avril 2013 rendu par la Cour de Cassation en sa chambre Sociale, nous en donne un exemple. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 avril 2013, 12-13.282, Inédit )

Dans cette affaire, un employeur avait conclu un CDD pour remplacer une salariée partie en congé parental.

Le contrat prévoyait qu’il pouvait se poursuivre en tout état de cause jusqu’au retour de la salariée de son congé parental d’éducation.

La salariée absente, a sollicité un congé sabbatique au terme de son congé parental d’éducation, et n’est pas revenue au travail entre le congé parental et le congé sabbatique.

La Cour de Cassation considère qu’en aucun cas l’employeur ne pouvait mettre fin au contrat à durée déterminée à la fin du congé parental et qu’il devait attendre la fin du congé sabbatique.

Il faut donc être prudent dans la rédaction des contrats à durée déterminée et prévoir des termes précis, quitte à procéder à des prolongations de contrats en cas de nécessité.