Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

De l’interdiction de modifier le salaire ( variable ou non) sans l’accord du salarié

mis à jour  30 juin 2016

Le mode de rémunération contractuel d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord.

Le fait que l’employeur démontre que le nouveau mode de rémunération est plus avantageux pour le salarié ne change absolument pas l’application de la règle(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 31 octobre 2012 Non publié au bulletin Cassation N° de pourvoi: 11-18886 ;(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 juin 2016, 15-10.116, Inédit)

Cette solution n’est pas nouvelle. 

Elle permet au salarié soit de prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur soit de solliciter la résolution judiciaire au tort de l’employeur.

La Cour de Cassation a rappelé cette solution récemment à propos du taux horaire contractuel.

Attention, il arrive fréquemment que le contrat de travail prévoit une rémunération variable d’un montant annuel fixe en cas d’atteinte d’objectifs déterminés unilatéralement par l’employeur dans le cadre de plans annuels de rémunération variable. 

Dans ce cas, la Cour de Cassation considére ( chambre sociale arrêt du 2 mars 2011 n° 08-44977) , que lorsque le salarié a accepté que la détermination des objectifs conditionne sa rémunération variable et qu’il a également accepté que la fixation de ses objectifs soit unilatéralement définie par l’employeur, le salarié n’a pas besoin de donner son accord lors de la modification des objectifs par son employeur 

 

Dispense de préavis de l’employeur : le préavis doit être obligatoirement payé même en cas d’arrêt maladie

L’employeur qui dispense le salarié d’exécuter son préavis doit le rémunérer, même si salarié n’était pas à même de l’effectuer en raison de son état de santé.

Il importe peu que le salarié soit en arrêt maladie non professionnel et perçoive les indemnités journalières de sécurité sociale.

L’employeur était tenu de verser, sans déduction des indemnités journalières de la sécurité sociale, l’indemnité compensatrice de préavis. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 31 octobre 2012, 11-12.810, Publié au bulletin N° de pourvoi 11-12810).

Charge de la preuve et imputabilité des congés payés non pris

contrat de professionnalisation et exclusion de la formation

Le contrat de professionnalisation est un contrat écrit souvent à durée déterminée.

Le jeune bénéficiant de ce contrat travaille dans l’entreprise et se forme dans une école en alternance.

Lorsque les parties sont liées par un tel contrat, la rupture avant l’échéance du terme ne peut intervenir que dans trois cas :

– accord des parties

– faute grave

– force majeure

La Cour de Cassation a été interrogée sur les conséquences de l’exclusion de l’école de formation du jeune.

Le patron peut-il rompre le contrat de travail ?

Non répond la Cour de Cassation.

Cela ne justifie pas la rupture du contrat de professionnalisation pour force majeure. ( Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 31 octobre 2012 N° de pourvoi: 11-21734 Publié au bulletin Cassation )

Contrat emplois d’avenir

Les emplois d’avenir sont nés 

Après la décision du Conseil constitutionnel favorable (décision 2012-656 DC du 24 octobre 2012), la loi relative aux emplois d’avenir a en effet, été publiée au Journal Officiel.( LOI n° 2012-1189 du 26 octobre 2012 portant création des emplois d’avenir )

Elle entre en vigueur le 1er novembre 2012.

Ces emplois qui s’inscrivent dans le cadre du contrat unique d’insertion, permettent à certains employeurs de bénéficier d’une aide de l’État lorsqu’ils embauchent un jeune sans qualification ou peu qualifié et qu’ils s’engagent à lui dispenser des actions de formation.

Le dispositif vise en priorité le secteur non marchand, mais les entreprises privées peuvent y recourir sous certaines conditions.

Attention cependant un certain nombre de points doivent encore être précisés par décret. (notamment les conditions d’éligibilité des entreprises privées, le niveau de qualification des jeunes embauchés ou encore le montant de l’aide) 

Licenciement économique : l’obligation de reclassement et les sous traitants

L’article L 1233-4 du code du travail rappelle que : « le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir (…)que lorsque le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient ».

La jurisprudence considère que le périmètre à prendre en considération pour l’exécution de l’obligation de reclassement se comprend de l’ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu’elles appartiennent ou non à un même secteur d’activité.

La Cour de Cassation a récemment rajouté qu’il importait peu qu’il n’y ait pas de lien capitalistique entre les sociétés du groupe( Cour de Cassation chambre sociale rendue en audience publique le 12 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-30373 11-30378)

Faut-il pour autant en déduire que l’obligation de reclassement doit s’étendre aux sous traitants de l’entreprise ou du groupe ?

Non.

La Haute Juridiction n’étend pas l’obligation de reclassement aux sous traitants si ces derniers n’appartiennent pas au Groupe(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mardi 23 octobre 2012 N° de pourvoi: 11-15530 Publié au bulletin).

Voici la motivation de la Cour de Cassation : 

«  Vu l’article L. 1233-4 du code du travail ;

Attendu que, pour reconnaître le salarié créancier de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel, après avoir constaté qu’il n’existait pas de possibilité de reclassement dans l’entreprise et dans le groupe auquel elle appartenait, a retenu que les démarches effectuées à cette fin auprès de sociétés sous-traitantes étaient insuffisantes, en raison des informations contenues dans les lettres qui leur étaient adressées ; 

Qu’en statuant comme elle l’a fait, sans qu’il résulte de ses constatations que les entreprises sous-traitantes appartenaient au même groupe que l’employeur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;« 

 

Fumer au travail : cause réelle mais pas sérieuse de licenciement

  • (mis à jour le 30/10/12)

La Cour de Cassation l’a déjà dit, fumer sur son lieu de travail n’est pas suffisant pour licencier son salarié.

Elle confirme sa position. ( Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 17 octobre 2012 N° de pourvoi: 11-21075 Non publié au bulletin)

Elle estime même que si le salarié laissait fumer les salariés placés sous sa responsabilité cela n’est pas suffisant pour justifier un licenciement.

La situation pour les employeurs devient donc particulièrement compliquée:

– d’une part, le code de la santé publique les oblige à faire respecter l’interdiction de fumer dans les locaux de l’entreprise.

– d’autre part, la Cour de Cassation considère que le salarié ne peut pas être sanctionné par un licenciement si il fume régulièrement dans les locaux et laisse fumer ses collaborateurs.

Je continue de penser que la jurisprudence de la Cour de Cassation, pourrait conduire les employeurs à une discrimination à l’embauche entre les salariés fumeurs et non fumeurs…

 

Quand l’employeur remet en cause une transaction

  • (mis à jour le 30/10/12)

Conclure une transaction avec son salarié avant de prononcer son licenciement est une pratique dangereuse.

En effet, le salarié pourra toujours invoquer la NULLITE d’une transaction résultant de ce qu’elle a été conclue avant la notification du licenciement.

Cependant l’employeur ne peut pas se prévaloir de cette nullité.

En effet, il s’agit d’une nullité relative instituée dans l’intérêt du salarié et ne peut dès lors être invoquée par l’employeur.

L’employeur n’est cependant pas démuni de toute action si le salarié ne demande pas la nullité de la transaction mais refuse d’exécuter les obligations en découlant.

La Cour de cassation en sa chambre sociale par arrêt du 17 octobre 2012 N° de pourvoi: 11-10910 rappelle que l’employeur peut toujours solliciter la RESOLUTION JUDICIAIRE de la transaction aux torts du salarié. 

Cela lui permettra d’obtenir restitution des sommes versées à titre indemnitaire.

Dans cette affaire, l’employeur faisait valoir que le salarié avait usé de prétextes fallacieux pour se prétendre libéré des obligations résultant du protocole transactionnel.

La Cour de Cassation estime que cet argumentaire pouvait justifier la résolution judiciaire du protocole transactionnel aux torts du salarié. 

Il faut donc retenir de cette décision que le salarié ne peut se dispenser d’exécuter les obligations nées d’un protocole transactionnel dont il n’entend pas demander la nullité.

 

Temps de travail : l’employeur doit pouvoir prouver qu’il respecte la directive européenne

  • (mis à jour le 15/03/2022)

L’union Européenne protége la santé du salarié en fixant des seuils de repos et des plafonds pour le temps de travail du salarié.(dir. 2003/88/CE du 4 novembre 2003, art. 3,4,5,6) ;

Elle fixe

– la durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures, heures supplémentaires comprises 

– le temps de pause obligatoire après 6 heures de travail 

– le repos quotidien minimal de 11 heures consécutives par 24 heures 

– le repos hebdomadaire minimal de 24 heures sans interruption durant chaque période de sept jours de travail 

La Cour de Cassation vient de préciser que c’est exclusivement à l’employeur de rapporter la preuve que ces garanties minimales sont respectées.(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 17 octobre 2012 N° de pourvoi: 10-17370 Publié au bulletin ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 février 2015, 13-19.606, Inédit ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 février 2015, 13-19.605, Inédit , ).

Il n’y a donc aucun partage de la charge de la preuve.

Il faut noter que  le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation. (Cour de Cassation chambre sociale 26 janvier 2022, Pourvoi n° 20-21.636 )

Comme en matière de congés payés, l’employeur doit prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement leur droit à repos et pauses.

L’article L 3171-4 du Code du travail ne s’applique pas aux seuils et plafonds fixés par la directive européenne mais continue à s’appliquer aux heures supplémentaires.

 

Il n’y a pas de droit acquis à l’exécution d’heures supplémentaires ou d’astreinte sauf engagement de l’employeur

Les heures supplémentaires et les astreintes réalisées doivent être payées.

Attention cependant,le salarié ne peut pas obliger son employeur à lui faire faire des heures supplémentaires ou des astreintes non prévues contractuellement….

La Cour de Cassation par deux arrêts de sa chambre sociale en date du 10 octobre 2012 vient de rendre deux attendus de principe sur cette question :

– il n’existe pas de droit acquis à l’exécution d’heures supplémentaires sauf engagement de l’employeur vis à vis du salarié à lui en assurer l’exécution d’un certain nombre ( N° de pourvoi: 11-10455 Publié au bulletin Cassation partielle ).

– il n’existe pas de droit acquis à l’exécution d’astreintes, sauf engagement de l’employeur vis à vis du salarié à en assurer l’exécution d’un certain nombre (N° de pourvoi: 11-10454 Publié au bulletin Cassation partielle )

Dans ces deux arrêts la haute juridiction admet toutefois que l’abus de l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction peut ouvrir droit à indemnisation.

Il appartiendra alors au salarié de rapporter la preuve de l’abus de son employeur dans ce refus de lui faire réaliser des heures supplémentaires ou des astreintes .

Rappelons toutefois que, même sans l’accord de l’employeur, les heures supplémentaires doivent être payées si elles ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié. ( Cour de Cassation en sa chambre sociale le 6 avril 2011 N° de pourvoi: 10-14493)

Il va falloir concilier ces jurisprudences….