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L’annulation du retrait du permis de conduire et le licenciement intervenu sur ce motif

L’annulation du retrait de permis du salarié peut avoir des effets pervers pour l’employeur.

Voici une illustration dans un arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 décembre 2012, 12-13.522, Inédit.

Dans cette affaire, Le salarié avait été engagé à compter du 4 juillet 2005 par la société ID construction (la société) en qualité d’ingénieur technico-commercial.

Son contrat de travail prévoyait que le salarié serait amené à effectuer des déplacements professionnels et que pour l’exécution de son activité professionnelle ainsi que pour ses besoins personnels, une voiture de service serait mise à sa disposition.

Le 16 décembre 2008, Le salarié a informé son employeur de l’annulation de son permis de conduire à la suite de la perte totale de ses points et du fait qu’il restituerait son permis de conduire à la préfecture, le 17 décembre 2008, pour une durée de six mois.

C’est dans ces conditions que le salarié avait été licencié le 20 janvier 2009, la société indiquant ne pouvoir continuer à employer un ingénieur technico-commercial qui ne pouvait plus se déplacer chez ses clients ni venir de son domicile en Indre-et-Loire au siège social de la société en Loir-et-Cher.

Le salarié a contesté le retrait de son permis devant le Tribunal Administratifet a saisi la juridiction prud’homale de demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.

Le Tribunal administratif a, par jugement du 10 décembre 2009, annulé des décisions de retrait de points et confirmé la validité de son permis de conduire.

La Cour D’appel et la Cour de Cassation ont été obligées de considérer que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, puisque le permis était sensé n’avoir jamais été retiré.

L’argumentaire juridique des juridictions sociales s’appuie sur le principe de séparation des pouvoirs garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, règle selon laquelle l’annulation d’une décision administrative a un effet rétroactif qui ne peut être remis en cause par le juge judiciaire.

 

Fumer au travail : cause réelle mais pas sérieuse de licenciement

  • (mis à jour le 30/10/12)

La Cour de Cassation l’a déjà dit, fumer sur son lieu de travail n’est pas suffisant pour licencier son salarié.

Elle confirme sa position. ( Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 17 octobre 2012 N° de pourvoi: 11-21075 Non publié au bulletin)

Elle estime même que si le salarié laissait fumer les salariés placés sous sa responsabilité cela n’est pas suffisant pour justifier un licenciement.

La situation pour les employeurs devient donc particulièrement compliquée:

– d’une part, le code de la santé publique les oblige à faire respecter l’interdiction de fumer dans les locaux de l’entreprise.

– d’autre part, la Cour de Cassation considère que le salarié ne peut pas être sanctionné par un licenciement si il fume régulièrement dans les locaux et laisse fumer ses collaborateurs.

Je continue de penser que la jurisprudence de la Cour de Cassation, pourrait conduire les employeurs à une discrimination à l’embauche entre les salariés fumeurs et non fumeurs…

 

Quand le salarié met en cause la moralité de son supérieur

  • (mis à jour le 22/10/12)

Adresser un courrier électronique à son supérieur en remettant en cause la moralité de ce dernier pour lui imputer l’échec d’une ou plusieurs ventes est un abus de sa liberté d’expression.

C’est en tout cas la position que la Cour de Cassation a retenu dans l’arrêt rendu par sa chambre sociale dans un arrêt du 10 octobre 2012 N° de pourvoi: 11-18985.

C’est donc une nouvelle illustration des dangers des messageries électroniques et des mails d’humeur..

Dans cette affaire un salarié avait tenu à l’égard de son supérieur hiérarchique des propos constitutifs de dénigrement, en lui imputant l’échec d’une vente en raison de son comportement cavalier envers la compagne d’un client.

Toute vérité n’est pas bonne à dire même en des termes choisis.…surtout lorsqu’il s’agit de badinerie !!

 

Droit de critique post licenciement

Il s’agit d’une liberté fondamentale qui ne peut être limitée qu’en cas d’abus. 

Cet abus résulte souvent de la manière dont la critique est formulée.

En cas de faute lourde, le salarié peut être condamné à verser des dommages-intérêts envers son employeur.

Prouver la faute lourde est souvent difficile, car cela implique de rapporter la volonté de nuire du salarié et non simplement le préjudice subi par l’employeur.

En pratique, il est donc rare que le salarié, souvent licencié, soit condamné à verser des dommages et intérêts à son employeur lorsqu’il émet des critiques sur son entreprise. 

La Cour de Cassation vient cependant de rappeler que les régles sont différentes si le salarié émet des critiques après la fin du contrat de travail.(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 19 septembre 2012 N° de pourvoi: 10-21517 Non publié au bulletin Rejet)

Selon la jurisprudence de la haute juridiction, les critiques d’un ancien salariépeuvent donner lieu à versement de dommages et intérêts au profit de l’employeur sans avoir à établir l’existence d’une faute lourde.

Dans cette affaire, le salarié avait adressé trois lettres de critique de la gestion de l’entreprise à deux clients de la société après la fin de son contrat de travail.

Il sera condamné à indemniser le préjudice de la société, sur la simple démonstration de l’existence d’un dommage causé à l’entreprise.

Durée de la mise à pied conservatoire et délai restreint pour sanctionner la faute grave

  • (mis à jour le 11/04/22)

En cas de faute grave du salarié, la mise en oeuvre du licenciement disciplinaire du salarié doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur ait eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.

Cette notion de délai restreint fait l’objet d’illustrations jurisprudentielles.

Il reste cependant des cas où l’employeur peut avoir besoin de temps pour vérifier l’importance et la réalité de la faute du salarié.

Il prend alors souvent une décision de mise à pied conservatoire qui consiste à suspendre le contrat de travail d’un salarié, dans l’attente de son licenciement. 

Cette mesure est licite.

Elle sert à prévenir les situations de danger et de désordre que pourrait entraîner le maintien du salarié éventuellement fautif dans l’entreprise. 

Si la faute grave est avérée, cette mise à pied conservatoire ne sera pas rémunérée.

Il ne faut donc pas que cette mesure de mise à pied soit trop longue avant que la procédure de licenciement soit engagée.

La Cour de Cassation chambre sociale 13 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-16434 estime qu’une mise à pied conservatoire de treize jours est licite dès lors qu’elle était nécessaire.

Voici l »attendu : ‘qu’en relevant que la mise à pied, qualifiée de conservatoire, a été suivie treize jours après son prononcé de l’envoi d’une lettre de convocation à l’entretien préalable à un licenciement et que ce délai de treize jours est, dans l’intérêt même du salarié, un délai indispensable, compte tenu de la nécessité, pour l’employeur, de mener à bien les investigations sur les faits reprochés portant sur un détournement de fonds et de se déterminer sur la nécessité d’engager une procédure de licenciement pour faute grave, la cour d’appel a pu retenir que cette mise à pied de treize jours avait un caractère conservatoire ».

Attention cependant si le délai restreint est admis lorsqu’il faut une enquête, il n’est pas admis lorsqu’aucune investigation n’est nécessaire.

En effet dans ce cas:

–> LA MISE À PIED CONSERVATOIRE DOIT ÊTRE CONCOMMITTANTE À L’ENGAGEMENT DU LICENCIEMENT

–> Pour une illustration des délais admis en l’absence d’enquête,

La Cour de Cassation dans un arrêt du 14 avril 2021 donne une illustration d’un délai déraisonnable  de 7 jours calendaires entre la mise à pied conservatoire et la convocation à l’entretien préalable . (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 avril 2021, 20-12.920, Inédit)

Par arrêt du 30 octobre 2013, la Cour de Cassation a  refusé la qualification de mise à pied conservatoire à une mise à pied pour laquelle une procédure de licenciement n’avait été engagée que six jours plus tard sans justifier d’aucun motif à ce délai.

Une nuance est cependant apportée par la Cour de Cassation quand le salarié est absent de l’entreprise.

La Cour de cassation considère également que, « le fait pour l’employeur de laisser s’écouler un délai entre la révélation des faits et l’engagement de la procédure de licenciement ne retire pas à la faute son caractère de gravité, dès lors que le salarié, dont le contrat de travail est suspendu, est absent de l’entreprise ». ( Cass. soc., 9 mars 2022, n° 20-20.872)

La critique en entreprise

  • (mis à jour le 09/04/13)

Que celui qui critique y mette les formes !

C’est ce qu’il faut retenir des derniers arrêts de la Cour de Cassation rendus à propos de la liberté d’expression du salarié !

La Cour de cassation rappelle :

– qu’utiliser un ton agressif et méprisant constitue un abus du droit de critique(Cour de cassation 

chambre sociale Audience publique du mercredi 11 juillet 2012 N° de pourvoi: 11-23486 Non publié au bulletin Cassation partielle , Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 mars 2013, 11-26.001, Inédit )

– tenir des propos injurieuxdiffamatoires ou excessifs constitue un abus de la liberté d’expression (Cour de cassation 

chambre sociale Audience publique du mercredi 11 juillet 2012 N° de pourvoi: 11-22225 Non publié au bulletin Cassation partielle)

Rappelons que ces décisions s’appuient très souvent sur des mails ou courriers d’humeur du salarié….

De l’entretien préalable au licenciement et de l’exposé des griefs

Au cours de l’ entretien préalable au licenciement l’employeur est tenu d’indiquer le ou les motifs du licenciement envisagé et de recueillir les explications du salarié (article L.1235-2du Code du travail).

Cet entretien a pour objet d’instaurer une discussion contradictoire entre le salarié et son employeur sur des motifs allégués à l’appui de la décision envisagée.

A l’issue de l’entretien préalable et après un délai de réflexion, l’employeur soit maintiendra son intention de licencier , soit renoncera à celle-ci ou encore fera le choix d’une sanction disciplinaire moins lourde.

Le respect de cette obligation légale est impératif.

La Cour de Cassation considère que le défaut d’indication au salarié d’un seul grief lors de l’entretien préalable au licenciement caractérise une irrégularité de forme.(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 11 juillet 2012 N° de pourvoi: 11-17827 Non publié au bulletin Rejet )

Il faut tout de même noter que cela n’empêche pas le juge de considérer que ce grief constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement dès lors qu’il est mentionné dans la lettre de licenciement.

Procédure de licenciement : attention la convention collective peut prévoir des garanties procédurales supplémentaires

Il n’y a pas une procédure de licenciement mais plusieurs procédures de licenciement existantes.

Certes, le code du travail permet de dissocier les différences entre les procédures de licenciements économiques, disciplinaires, collectifs ou individuels.

Mais beaucoup oublient que la convention collective peut rajouter des garanties procédurales en faveur du salarié.

Ces dernières constituent une garantie de fond de la procédure de licenciement dont le non-respect rend abusive la mesure disciplinaire prise en sa violation.

Le salarié doit impérativement en être informé.( Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 27 juin 2012 N° de pourvoi: 11-14036 Publié au bulletin Cassation)

A défaut, la Cour de Cassation considère qu’il s’agit d’un vice de fond et que dès lors le licenciement prononcé dans ces conditions est sans cause réelle et sérieuse.

Liberté d’expression : les critiques du salarié sur la politique de gestion de l’entreprise

  • (mis à jour le 31/08/12)

Le salarié a le droit d’exprimer son opinion dans l’entreprise et en dehors de celle-ci.

Il s’agit d’une liberté fondamentale qui ne peut être limitée qu’en cas d’abus.

Ce droit est garanti par deux articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.

L’article 10 rappelle que : « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. » 

L’article 11 expose que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». 

Il ne faut cependant pas abuser de cette liberté pour tenir des propos excessifs, injurieux et diffamatoires.

Il s’agit d’une appréciation au cas par cas des juridictions.

Pour un exemple de critiques sévères sans abus, vous pouvez consulter l’arrêt de la Cour de Cassation chambre sociale du 20 juin 2012 N° de pourvoi: 11-17362. Dans cet arrêt la Cour de Cassation a admis que le salarié pouvait critiquer la gestion de l’entreprise.

Pour un exemple de critiques avec abus Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 11 juillet 2012 

N° de pourvoi: 11-23486 Non publié au bulletin Cassation partielle. Dans cette décision, la haute juridiction a admis la faute grave du salarié dans la critique de la gestion de l’entreprise.

Interdiction de tendre des pièges aux salariés pour prouver leurs indélicatesses

La factrice aux doigts bleus 

Voilà une histoire qui pourrait faire l’objet d’une nouvelle littéraire. 

Une salariée travaillait à la Poste en qualité de factrice. 

La Poste avait reçu de nombreuses plaintes concernant des lettres ouvertes dans le centre dont dépendait la salariée. 

Elle avait alors décidé d’introduire des lettres dites  » festives  » dans la tournée de sa salariée. 

Ces lettres avait la particularité de diffuser une encre bleue si elles étaient ouvertes. 

La factrice indélicate n’avait pas résisté à la tentation d’ouvrir une desdites lettres qui l’intriguait. 

Elle fut démasquée par ses mains maculées de l’encre bleue contenue dans la lettre festive. 

Bien évidemment, elle n’eut pas d’autre choix que de reconnaître les faits lui étant reprochés, expliquant avoir  » fait une bêtise  » et avoir »ouvert la lettre » en présentant  » ses plus plates excuses « . 

Elle avait été licenciée pour faute grave. 

Estimant cette sanction injuste, elle a saisi les juridictions compétentes. 

Manifestement, elle a eu raison de contester sa sanction. 

La Cour de Cassation a estimé que si l’employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en oeuvre un dispositif de contrôle clandestin et à ce titre déloyal.(Cour de cassation 

chambre sociale Audience publique du mercredi 4 juillet 2012 N° de pourvoi: 11-30266 Publié au bulletin Cassation ) 

Ainsi l’utilisation de lettres piégées à l’insu du personnel constitue un stratagème rendant illicite le moyen de preuve obtenu !