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L’abandon de poste est une faute et non une démission

La démission ne se présume pas.

Cette règle est d’interprétation stricte par la Cour de Cassation.

En l’absence de démission écrite du salarié, l’employeur doit licencier le salarié pour abandon de poste.

Il n’y a aucune autre solution possible car il n’existe pas en faveur de l’employeur une prise d’acte de la rupture aux torts du salarié.

Voici une solution ultra classique réaffirmée par la Cour de Cassation le 23 mars 2011 N° de pourvoi: 09-42122 : « l’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail ou qui le considère comme rompu du fait du salarié doit mettre en oeuvre la procédure de licenciement « 

Précision sur la prescription de la faute en droit du travail

ou l’élasticité de la prescription de l’article L 1332-4 du code du travail 

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance (Article L1332-4 du code du travail) 

Cela signifie que l’employeur ne peut engager une procédure de licenciement envers un salarié, que dans un délai maximum de deux mois après avoir eu connaissance de la faute commise par ce dernier. 

Il faut préciser que le fait d’engager une procédure de licenciement commence par l’envoi de la convocation à l’entretien préalable

La Jurisprudence a rappelé qu’il fallait entendre par  » connaissance par l’employeur des faits fautifs », une connaissance complète des fautes commises par le salarié. 

La Cour de Cassation en sa chambre sociale 16 mars 2011 N° de pourvoi: 09-70567précise : « une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés » 

En l’espèce un salarié avait proféré des menaces contre les biens de l’employeur, qui avaient été rapportées à ce dernier. 

L’employeur ne connaissait pas précisément la teneur et l’ampleur des menaces proférées par son salarié mais avait tout de même déposé une plainte auprès du procureur de la république. 

Après l’audition des différents salariés rapportant exactement les propos tenus par le salarié, leur contexte et les personnes visées par ces menaces, l’employeur avait appris que son salarié avait également proféré des menaces précises contre l’intégrité physique des dirigeants de l’entreprise. 

La Cour de Cassation estime que c’est uniquement lorsque l’employeur a eu connaissance de l’intégralité des menaces que le délai de prescription avait commencé à courir

Cela permet de valider une procédure de licenciement qui semblait indispensable en l’espèce. 

On peut tout de même s’interroger sur le bien fondé juridique de cette décision . 

N’aurait-il pas été plus simple de différencier les deux fautes ? 

– celle tenant aux menaces sur les biens matériels de l’entreprise qui était clairement prescrite 

– celle tenant aux menaces sur l’intégrité physique des dirigeants qui ne l’était pas 

DROIT DU TRAVAIL : L’excès de vitesse n’est pas toujours une faute grave !

  • (mis à jour le 13/05/11)

Les tolérances de l’excès de vitesse

La Cour de cassation en sa chambre sociale par arrêt en date du 16 mars 2011 N° de pourvoi: 09-41178 a invalidé le licenciement d’un conducteur routier qui avait été licencié pour faute grave, notamment pour excès de vitesse du camion qu’il conduisait. 

Après examen des disques chronotachygraphes, la Cour d’Appel, avait constaté que les excès de vitesse étaient de très courtes durées et très rares. 

En effet, si le salarié avait atteint les 100 km/ h sur des portions de route à 90km/h, ce n’est que très rarement et de manière extrêmement brève, le reste du disque étant plafonné à 90 km/ h et même souvent en dessous . 

La Cour d’appel a également constaté que le salarié n’avait jamais été précédemment sanctionné pour un dépassement de vitesse. 

La Cour d’Appel avait dès lors considéré que le licenciement n’était pas fondé. 

Fort heureusement, la Cour de Cassation confirme la solution de la Cour d’Appel de Paris en ces termes : 

« Mais attendu qu’ayant relevé que le salarié n’avait jamais été sanctionné pour un dépassement de vitesse et qu’il résultait des disques chronotachygraphes que ce n’est que très rarement et de manière extrêmement brève qu’il avait pu dépasser la vitesse autorisée, la cour d’appel a pu en déduire que ce comportement ne constituait pas une faute grave et, exerçant le pouvoir qu’elle tient de l’article L. 1235-1 du code du travail, décider que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse« .

Rappelons cependant que si le chauffeur poids lourds s’était comporté en véritable chauffard confondant les routes départementales avec un circuit automobile, les juridictions n’auraient pas manqué de valider le licenciement .

Les témoignages reposant sur des écoutes téléphoniques illicites ne constituent pas une preuve en droit du travail

Attention revirement depuis le 22 décembre 2023, cette preuve est admise voir l’article ICI.

Avant l’arrêt du 22 décembre 2023, voici la position retenue ci dessous

Dans un arrêt rendu le 7 janvier 2011 (pourvois n° X. 09-14.316 et n° D. 09-14.667),l’assemblée plénière de la Cour de cassation a réaffirmé qu’une juridiction civile ne peut fonder sa décision sur des enregistrements de conversations téléphoniques opérés à l’insu de l’auteur des propos. 

La Cour de Cassation en sa chambre sociale par décision du 16 mars 2011, N° de pourvoi: 09-43204, vient de faire une exacte application de ce principe en droit du travail en retenant que l’employeur ne peut justifier le licenciement de son salarié en s’appuyant sur un témoignage reposant sur des écoutes téléphoniques illicites. 

En l’espèce, l’employeur justifiait le licenciement pour faute grave de son salarié, Directeur d’une Agence Bancaire, par le témoignage d’un tiers ayant entendu une conversation téléphonique entre le salarié et une cliente de la Banque. 

La Cour de Cassation valide la décision de la Cour d’Appel qui avait écarté ce témoignage en rappelant : 

« L’enregistrement d’une conversation téléphonique privée à l’insu de l’auteur des propos invoqués est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue « . 

Le témoignage d’un tiers à l’entreprise ayant entendu à l’insu du salarié une conversation téléphonique entre ce salarié et son interlocuteur avait été obtenu de manière déloyale, la Cour d’Appel a décidé à bon droit qu’il devait être écarté des débats 

Cette motivation protectrice des droits de l’homme doit être entièrement approuvée. 

Suspicion de vol et fouille sur le lieu de travail

  • (mis à jour le 25/03/11)

Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. (Article L1121-1du code du travail). 

La fouille des effets personnels d’un salarié est une restriction aux droits et libertés individuelles de celui -ci. 

Elle doit rester une exception et être justifiée : 

– soit pour des raisons de sécurité collective : elle peut être prévue à titre préventif si l’activité de l’entreprise le justifie pour des raisons de sécurité collective, 

– soit pour permettre la recherche d’objets volés 

La fouille liée à la recherche d’objets volés ne peut être effectuée que dans les conditions prévues par le Code de procédure pénale, c’est-à-dire notamment par un officier de police judiciaire. 

Par exception, la C our de Cassation a rappelé dans quelles circonstances un employeur, lui-même, est en droit de contrôler le sac de son salarié.(Cour de cassation chambre sociale 11 février 2009 N° de pourvoi: 07-42068 Publié au bulletin

L’employeur doit sauf circonstances exceptionnelles 

– obtenir l’accord de son salarié 

– l’avoir averti de son droit de s’opposer au contrôle et d’exiger la présence d’un témoin 

– procéder au contrôle dans des conditions préservant la dignité et l’intimité des personnes 

A défaut d’accord du salarié, le contrôle de son sac ne peut être réalisé que par un officier de police judiciaire. 

Le réglement intérieur peut rappeler les circonstances du contrôle et prévoir des modalités particulières plus protectrices des droits du salarié. 

Dans ce cas, l’employeur doit impérativement respecter les conditions prévues par le règlement intérieur. 

La Cour de Cassation en sa chambre sociale sanctionne par décision du 11 mars 2011 N° de pourvoi: 09-68546 un licenciement pour vol reposant sur un contrôle de sac du salarié sans respect des conditions particulières du règlement intérieurpour la vérification des objets transportés et la fouille des personnes . 

Un fait de la vie personnelle occasionnant un trouble dans l’entreprise peut ne pas justifier un licenciement disciplinaire

  • (mis à jour le 09/05/11)

L’affaire de l’ancien directeur adjoint de Radio France Internationale. 

Cour de cassation 

chambre sociale 

Audience publique du mercredi 9 mars 2011 

N° de pourvoi: 09-42150 

En 2004, l’ancien directeur adjoint de RFI, lors de la promotion de son ouvrage :  » le mur de Sharon  » avait suscité une tempête médiatique mémorable. 

Les médias lui avaient imputé, entre autres, cette phrase  » Israël État raciste dans son fonctionnement » et quelques florilèges. 

Il a toujours nié avoir tenu lesdits propos et avait tenté de faire valoir son innocence en transférant au sein de RFI les mails de soutien qu’il recevait. 

RFI, ayant assez peu le goût du scandale, avait licencié son directeur adjoint le 9 décembre 2004 pour faute grave. 

La lettre de licenciement évoquait d’une part, des troubles engendrés par des messages personnels transférés par courrier électronique et par un article publié dans le journal Libération et, d’autre part, pour une faute grave au regard des réunions et propos tenus les 18, 20 et 21 octobre 2004, l’envoi d’un courriel le 21 octobre 2004 et la présence du salarié dans les locaux de la radio le 2 novembre 2004. 

La Cour d’Appel de Paris, le 6 mars 2009, avait jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse en fondant sa décision sur plusieurs points : 

  • La transmission par le salarié des messages de soutien reçus, au temps et lieu de son travail, sur le réseau électronique

interne de l’entreprise ne sauraient constituer un trouble objectif imputable au salarié. Cette notion étant réservée aux faits commis par un salarié dans sa vie personnelle, en dehors de sa sphère professionnelle 

– qu’au demeurant, le prétendu trouble consécutif à cette transmission n’est nullement caractérisé par la société RFI dans la lettre de licenciement et n’est pas davantage identifié ni démontré dans le cadre de la présente procédure ; 

  • – Il n’y a aucune certitude sur le fait que le salarié ait bien tenu les propos  » noyau de juifs communautaires  » qui lui sont imputés dans le Journal LIBERATION , « la paternité comme la portée des propos effectivement tenus par M. X… sont demeurées totalement indéfinies, au stade d’un débat polémique stérile et incertaine,« 

– et de surcroit la société RFI ne démontre pas l’existence d’une quelconque perturbation affectant le fonctionnement et l’activité de RFI ; 

  • La société RFI n’apportait aucune preuve des soit disant fautes graves dans la diffusion par le salarié le 21 octobre 2004, à l’intérieur de l’entreprise, du texte de sa réponse adressée à LIBERATION, en vertu de son droit de réponse, dans la présence du salarié dans les locaux de l’entreprise, ni dans ses propos tenus.

La Cour de Cassation en sa chambre sociale, par décision du 9 mars 2011 N° de pourvoi: 09-42150, confirme la position de la Cour d’Appel et ne distingue pas entre les faits invoqués. 

Elle constate que le licenciement est prononcé pour faute grave or « ‘un fait de la vie personnelle occasionnant un trouble dans l’entreprise ne peut justifier un licenciement disciplinaire » . 

En outre, dans sa décision du 9 mars 2011, la Cour de Cassation explique que les faits qualifiés de faute grave à savoir  » le reproche fait au salarié, comme constitutif d’une faute grave, d’avoir entrepris de relancer la polémique consécutive à la parution d’un article de presse rapportant des propos dont il contestait la teneur », n’était pas établi . 

C’est une position qu’elle avait déjà retenu dans une décision de la Chambre sociale du 25 octobre 2000 N° de pourvoi: 98-44022, dans laquelle elle avait jugé que les faits commis par un salarié qui ne sont pas en rapport avec son activité salariée ne peuvent constituer une faute et donc un licenciement disciplinaire

La Cour de cassation en sa chambre sociale en date du 14 septembre 2010 N° de pourvoi: 09-65675 a précisé que si, en principe, il ne peut être procédé à un licenciement pour un fait tiré de la vie privée du salarié, il en va autrement lorsque le comportement de celui-ci a créé un trouble caractérisé au sein de l’entreprise . 

Encore faut-il prouver l’existence de ce trouble ! 

La Cour de Cassation en sa chambre sociale par arrêt du 28 avril 2011 N° de pourvoi: 09-67037 vient de confirmer que » si la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe pas particulièrement à l’une ou à l’autre partie, il appartient cependant à l’employeur, lorsqu’il allègue un trouble objectif causé à l’entreprise par un fait de la vie privée du salarié, d’établir la réalité de ce trouble. » 

 

les heures supplémentaires dans les salons de coiffure

  • (mis à jour le 30/05/11)

La Cour de Cassation dans une décision du 9 février 2011 n° de pourvoi: 09-40402 vient de faire le point sur les conséquences d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié pour non paiement des heures supplémentaires dans un salon de coiffure.

Le salarié avait présenté sa demande d’heures supplémentaires en produisant ses propres tableaux et des attestations les corroborant.

L’employeur avait produit des tableaux qui n’étaient pas probants, notamment parce qu’ils ne tenaient pas compte des heures effectuées le samedi, qui étaient avérées.

La juridiction conclut que les heures supplémentaires existent, faute pour l’employeur de rapporter la preuve contraire.

C’est une jurisprudence constante qui ne surprendra personne.

Quelles en sont les conséquences ?

La Cour de Cassation , comme la Cour d’Appel de Paris estime que les heures supplémentaires accomplies par le salarié non payées, constituent un manquement de l’employeur à ses obligations qui justifient que la rupture produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. (voir également Cour de cassation chambre sociale 16 mars 2011 N° de pourvoi: 08-42218 )

Le salarié pourra donc bénéficier :

– du rappel de salaires pour les heures supplémentaires effectuées ainsi que les congés payés afférents

– d’une indemnité de préavis

– d’une indemnité de congés payés sur préavis

– des dommages et intérêts pour perte de chance d’utiliser les droits qu’il a acquis au titre du droit individuel à la formation 

– d’une indemnité pour travail dissimulé (ou l’indemnité de licenciement si elle est plus importante)

– des dommages et intérêts pour licenciement abusif ou une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse selon son ancienneté et l’effectif de l’entreprise

Par contre, le salarié ne pourra pas bénéficier d’une indemnité pour irrégularité de la procédure, la Cour de Cassation spécifiant que cette indemnité en application de l’article L1235-2 du Code du Travail ne s’applique que dans le cadre du licenciement et non dans le cadre d’une prise d’acte.

les messageries informatiques d’entreprise : causes réelles et sérieuses de licenciement

  • (mis à jour le 20/04/11)

La Cour de Cassation vient de rendre trois décisions en date du 2 février 2011 

quant à la nature des courriels émis par les salariés sur leurs temps et lieux de travail. 

  • Dans les deux premières affaires n° de pourvoi 09-72449 et n° 09-72450 à la suite d’un audit de l’ordinateur d’un salarié, l’employeur avait pris connaissance d’un courriel de son salarié adressé à une autre salariée de l’entreprise. Ce courriel avait comme objet « info » et mettait en cause son supérieur en critiquant vivement l’entreprise.

Le salarié a été licencié pour faute grave, aux motifs de divers manquements professionnels et de son comportement agressif et irrespectueux à l’égard de son supérieur hiérarchique et de l’échange à ce sujet de courriels provocateurs avec cette autre salariée de l’entreprise, également licenciée à cette occasion. 

Les deux salariés ont alors saisi la juridiction prud’homale d’une demande de paiement de diverses indemnités au titre de leur licenciement qu’ils estimaient injustifié. 

La Cour d’appel de Paris le 20 octobre 2009 avait cru pouvoir faire droit à leur demande et condamner l’employeur au paiement d’indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour atteinte à la vie privée. 

L’arrêt énonçait que : « le contenu du courriel envoyé ainsi que sa réponse apparaissaient en relation avec l’entourage du salarié, ces échanges ne revêtaient pas un caractère professionnel, s’agissant d’une conversation totalement privée dont la liberté de ton et les outrances éventuelles relevaient uniquement de la vie personnelle et intime à laquelle le salarié a droit même sur son lieu de travail, les propos tenus, destinés à rester entre les deux interlocuteurs et non pas à être diffusés, ne pouvant avoir pour effet de nuire à l’entreprise et ne pouvant être admis comme preuve d’un grief« . 

La Cour de Cassation censure cette position et juge dans les deux affaires que « le courriel litigieux était en rapport avec l’activité professionnelle du salarié, ce dont il ressortait qu’il ne revêtait pas un caractère privé et pouvait être retenu au soutien d’une procédure disciplinaire » 

  • Dans une troisième affaire n° de pourvoi: 09-72313 un salarié avait adressé à sa compagne et malencontreusement à d’autres salariés de l’entreprise , un courriel dans lequel il indiquait « pour l’acompte ils m’ont dit qu’ils ne donnent pas aux CDD, quel connard ! je vais prendre l’après-midi » . Un des autres salariés avait immédiatement informé l’employeur qui avait engagé une procédure de licenciement pour faute grave à l’encontre de son salarié injurieux.

Le salarié a saisi la juridiction prud’homale en faisant valoir qu’il avait droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée et au secret des correspondances. 

Dans un arrêt confirmant la position de la Cour D’appel de Colmar, la Cour de Cassation rejette fermement la position du salarié: 

« Mais attendu, d’abord, que la cour d’appel, qui, sans avoir à entrer dans le détail de l’argumentation des parties, a relevé que le courriel litigieux avait été malencontreusement transmis par le salarié en copie à une salariée de l’entreprise, a constaté que l’employeur en avait eu connaissance par le fait même de l’intéressé ; 

Attendu, ensuite, que le message, envoyé par le salarié aux temps et lieu du travail, qui était en rapport avec son activité professionnelle, ne revêtait pas un caractère privé et pouvait être retenu au soutien d’une procédure disciplinaire à son encontr e ; 

Attendu, enfin, que la cour d’appel, qui a relevé que le salarié avait ainsi insulté son employeur et annoncé son absence non autorisée alors même qu’il venait de faire l’objet d’une mise à pied disciplinaire pour des absences injustifiées, a pu, sans avoir à effectuer une autre recherche, retenir que le comportement du salarié justifiait la rupture immédiate de son contrat ; 

Ces trois décisions posent une position de principe claire : 

Le message, envoyé par le salarié aux temps et lieu du travail, qui est en rapport avec son activité professionnelle, ne revêt pas un caractère privé et peut être retenu au soutien d’une procédure disciplinaire. 

Cette solution devrait rassurer les employeurs sur leurs possibilités de contrôler les velléités de rebellion parfois injurieuses de leurs salariés via le réseau informatique de l’entreprise. 

Les salariés, quant à eux devront être vigilants et prendre soin de n’émettre leurs « saines » critiques qu’en dehors du temps et lieu de travail …et même …..en dehors de la toile dont les destinataires ne sont pas toujours ceux initialement envisagés. 

Pour aller plus loin sur ce sujet , vous pouvez lire ma chronique  » Du secret des correspondances électroniques en droit du travail » Jurisprudence Sociale Lamy n°295, bimensuel du 10 mars 2011 

 

De l’utilité d’une charte informatique dans l’entreprise pour lutter contre le stockage d’images pornographiques

  • (mis à jour le 20/04/11)

ou l’affaire Coca Cola 

Un salarié travaillant chez Coca Cola, en qualité de commercial depuis plus de quinze années, conservait des fichiers pornographiques particulièrement vulgaires et dégradants sur son ordinateur portable à usage professionnel mis à sa disposition par l’employeur 

Il a été découvert sur le disque dur 480 fichiers rassemblant de multiples documents, aux formats les plus variés (films, diaporamas, fichiers audio, photos…) de nature : 

– érotique : publicité Aubade, calendrier Pirelli, photos de femmes dénudées…, 

– pornographique : photos de fellations, de sodomie, de partouzes, d’actes sexuels dans des positions multiples…, 

– sexiste : diaporamas mettant en cause les capacités intellectuelles de certaines catégories de femmes (les blondes) ou présentant leurs aptitudes professionnelles comme étant proportionnelles à leur tour de poitrine…, 

– malsaine : film d’une autopsie, photos de difformités humaines (femmes obèses montrées nues), images sadomasochistes (positions humiliantes), images zoophiles, photos urologiques (femmes menottées déféquant sur elles-mêmes…), – 

– pédo-pornographique : 3 photos sont particulièrement dérangeantes 

Face à cette situation, la société COCA COLA décida de se passer des services de ce sinistre individu en le licenciant pour faute grave. 

Le salarié contesta son licenciement arguant que le seul fait de ne pas avoir supprimé sur l’ordinateur portable qui lui avait été confié les messages tendancieux que lui auraient envoyés ses collègues de travail ne constituait pas une faute, dès lors qu’il n’a nullement été établi que ce stockage aurait perturbé d’une quelconque manière le fonctionnement du système informatique de la Société ou de son réseau intranet, ni qu’en agissant de la sorte, le salarié aurait entaché la réputation ou l’honneur de son employeur auprès des tiers. 

La Cour de Cassation par décision du 15 décembre 2010, dans son infinie sagesse refusa de faire droit à la demande du salarié dans cet attendu : 

« la cour d’appel, qui a relevé que l’utilisation de sa messagerie pour la réception et l’envoi de documents à caractère pornographique et la conservation sur son disque dur d’un nombre conséquent de tels fichiers constituaient un manquement délibéré et répété du salarié à l’interdiction posée par la charte informatique mise en place dans l’entreprise et intégrée au règlement intérieur, a pu en déduire que ces agissements, susceptibles pour certains de revêtir une qualification pénale, étaient constitutifs d’une faute grave et justifiaient le licenciement immédiat de l’intéressé «  

En conclusion, le droit et la morale ont fait cause commune dans cette affaire. 

En droit, il faut retenir de cet arrêt plusieurs enseignements : 

 l’existence d’une charte informatique protège l’entreprise d’éventuels salariés qui polluent les ordinateurs avec des fichiers nauséabonds 

– le licenciement du salarié peut être valablement prononcé pour faute grave dans ce cas 

– les salariés doivent absolument être vigilants quant aux mails tendancieux qu’ils reçoivent de leurs collègues et ne pas stocker ceux-ci 

La même solution aurait-elle été retenue par la Cour de Cassation , si l’entreprise n’avait pas eu de charte informatique ? 

Cela est vraisemblable dans le cas d’espèce dans la mesure où il y avait de très nombreux fichiers et certains fichiers avaient manifestement un caractère délictueux. 

Par contre, en l’absence de charte informatique, la solution aurait pu être différente pour des fichiers pornographiques non délictueux. 

En effet, la Cour de Cassation le 8 décembre 2009 a déjà jugé que : 

la seule conservation sur son poste informatique de trois fichiers contenant des photos à caractère pornographique sans caractère délictueux ne constituait pas, en l’absence de constatation d’un usage abusif affectant son travail, un manquement du salarié aux obligations résultant de son contrat susceptible de justifier son licenciement. 

Licenciement et état de santé

L’article L. 1132-1 du code du travail rappelle qu’aucune personne ne peut être licenciée en raison de son état de santé et que tout licenciement prononcé dans ces conditions est nul.

Le salarié peut prétendre à une réintégration et à une indemnisation égale à la perte de son salaire entre la date du licenciement nul et celle de sa réintégration.

En réalité, il n’y a quasiment aucune lettre de licenciement qui viole littéralement ce principe.

Par contre, il n’est pas rare qu’un employeur agacé par les arrêts maladie de son salarié cherche un prétexte fallacieux ( notamment la multiplicité des absences ) pour rompre le contrat de travail.

Cette pratique est risquée et vient d’être de nouveau sanctionnée par la Cour de Cassation dans une décision du 16 décembre 2010.

Elle donne en effet raison à la cour d’appel de DOUAI en ces termes:

« Mais attendu qu’ayant rappelé qu’aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail aucune personne ne peut être licenciée en raison de son état de santé,, après avoir relevé que les absences pour maladie du salarié toutes justifiées par des arrêts de travail lui étaient systématiquement reprochées en elles-mêmes, soit par courriers réitérés soit lors de ses notations successives et qu’elles étaient encore visées dans la lettre de licenciement, a constaté, répondant aux conclusions prétendument délaissées, que ces absences pour raison de santé auxquelles la société pouvait aisément faire face constituaient en réalité la véritable cause du licenciement, ce qui le rendait nul, et en a justement déduit que le licenciement constituait un trouble manifestement illicite qu’il convenait de faire cesser en ordonnant la poursuite du contrat de travail « 

Le salarié a ainsi obtenu sa réintégration et une indemnisation pour la perte de son salaire entre la date du licenciement nul et celle de sa réintégration.