Archives par mot-clé : prise d’acte de la rupture

Prise d’acte de la rupture aux torts du salarié et modification du temps de travail

L’employeur ne peut pas, de son propre chef, diminuer la durée du temps de travail fixée contractuellement avec le salarié sans maintien de salaire. 

S’il le fait sans l’accord du salarié, le salarié peut prendre acte de la rupture aux torts de l’employeur.

En pratique, l’employeur qui souhaite modifier le contrat de travail de son salarié doit donc obtenir son accord préalable.

En cas de refus du salariél’employeur ne commet pas de faute, si il ne met pas en oeuvre la modification.

La Cour de Cassation précise en effet que lorsque la modification du contrat de travail proposée par l’employeur et refusée par la salariée n’a pas été mise en oeuvre, la prise d’acte de la rupture intervenue sur ce motif équivaut à une démission du salarié(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 mai 2012, N° de pourvoi: 10-21160)

Déplacement occasionnel imposé à un salarié en dehors de son secteur géographique habituel

Comment savoir si la mutation ou le déplacement imposé par l’employeur est licite?

Tout d’abord, il faut vérifier l’existence ou non d’une clause de mobilité dans le contrat de travail.

La clause de mobilité du contrat de travail n’est valable que si et seulement si elle :

– est acceptée par le salarié

– définit de façon précise sa zone géographique d’application et ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée. 

– ne porte pas atteinte au droit du salarié à une vie personnelle et familiale sauf si cette atteinte est justifiée par la tâche à accomplir et si elle est proportionnée au but recherché.

La Cour de Cassation invalide de nombreuses clauses de mobilités ne remplissant pas ces conditions cumulatives.

Récemment elle vient de juger qu’est nulle : une clause de mobilité prévoyant que le salarié s’engage à travailler sur les différents chantiers, présents et futurs, de son employeur au fur et à mesure des affectations qui lui seront données et qu’il effectuera tous les déplacements professionnels inhérents à son emploi, selon les instructions de son employeur. (Cour de cassation chambre sociale 3 mai 2012 N° de pourvoi: 11-10143 Non publié au bulletin Cassation partielle )

Dans la décision précitée la Cour de Cassation tranche une autre question : celle de la possibilité pour l’employeur d’imposer un déplacement occasionnel à son salarié.

La Haute juridiction précise que bien que la clause de mobilité du contrat de travail ne soit pas valable, l’employeur peut cependant sous certaines conditions imposer à son salarié un déplacement occasionnel. 

Dès lors l’affectation occasionnelle d’un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ou des limites prévues par une clause contractuelle de mobilité géographique peut ne pas constituer une modification de son contrat de travail.

Il n’en est ainsi que lorsque cette affectation:

– est motivée par l’intérêt de l’entreprise,

– qu’elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles,

– et que le salarié est informé préalablement dans un délai raisonnable ducaractère temporaire de l’affectation et de sa durée prévisible.

Ces conditions doivent être impérativement respectées. 

A défaut, l’employeur risque de voir le contrat résilié à ses torts comme dans l’arrêt précité qui retient la validité d’une prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur.(Cour de cassation chambre sociale 3 mai 2012 N° de pourvoi: 11-10143)

 

Cession d’entreprise : des conséquences de la suppression irrégulière d’une prime d’usage

Lorsque des primes sont versées à la suite d’un usage dans une entreprise, l’employeur peut toujours dénoncer cet usage.

Il doit alors respecter un délai suffisant de préavis pour dénoncer régulièrement ledit usage.

Le caractère suffisant du délai doit s’apprécier tant à l’égard des salariés auxquels l’avantage profite qu’à l’égard des institutions représentatives du personnel.

La Cour de Cassation vient de valider une prise d’acte de la rupture d’un contrat de travail aux torts de l’employeur qui avait dénoncé l’usage de versement de primes dans des conditions de délais insuffisantes(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du jeudi 3 mai 2012 N° de pourvoi: 10-20738).

En l’espèce, un salarié engagé le 3 juin 1980 en qualité de chauffeur routier par la société Ortolan, avait régulièrement perçu diverses primes à compter du 1er octobre 1995.

A la suite du rachat de cette société, le nouvel employeur la société Olano logistique viande, estimant que ces primes étaient illégales, a, par lettre du 9 mars 2007, dénoncé auprès des salariés avec effet au 31 mars 2007, l’usage en vertu duquel elles étaient payées.

Estimant irrégulière la dénonciation de l’usage, le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail.

Les juridictions lui ont donné raison en retenant que les primes litigieuses restaient dues à la suite de la dénonciation irrégulière de l’usage.

Dès lors, le non-paiement des primes était un manquement suffisamment grave pour fonder la prise d’acte de la rupture.

 

Bien choisir son argumentation pour remettre en cause une démission

Le salarié qui souhaite contester sa démission équivoque peut utiliser deux voies de contestation.

– soit contester son consentement pour obtenir une annulation de la rupture du contrat de travail

soit demander que la rupture soit requalifiée en une prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur

Attention : La Cour de Cassation estime que les deux moyens sont contradictoires et ne peuvent être soutenus l’un après l’autre.

( Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 7 mars 2012 N° de pourvoi: 09-73050 Publié au bulletin Cassation partielle ;confirmation de Cour de cassation chambre sociale 17 mars 2010 N° de pourvoi: 09-40465 Publié au bulletin

Cela signifie que le salarié qui demande l’annulation de sa démission parce qu’il n’avait pas conscience de l’étendue de la portée de son acte ( vice du consentement) ne peut pas dans un second temps demander au Juge de requalifier la démission en prise d’acte de la rupture.

C’est donc le principe de l’estoppel *appliqué au droit social .

contact: carole.vercheyre-grard@avocat-conseil.fr – 83 avenue FOCH 75116 Paris – tél 0144051996

(* principe de l’estoppel une partie ne peut se prévaloir d’une position contraire à celle qu’elle a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d’un tiers :Cour de cassation Assemblée plénière Audience publique du vendredi 27 février 2009 N° de pourvoi: 07-19841 Publié au bulletin Cassation

 

De la portée d’une demande de résiliation judiciaire présentée par le salarié après un licenciement

Le salarié ne peut prétendre solliciter la résiliation judiciaire de son contrat si son employeur a procédé à son licenciement.

En effet, la Cour de Cassation estime que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail engagée par le salarié postérieurement à l’envoi de la lettre de licenciement, date de la rupture du contrat de travail, est nécessairement sans objet.

Cependant cette procédure, si elle a été engagée, n’est pas dépourvue de tout intérêt car elle peut permettre au juge de retenir que le licenciement est infondé.

La Cour de cassation, chambre sociale, mercredi 7 mars 2012 N° de pourvoi: 10-17090expose en effet que le juge doit toutefois, pour apprécier le bien fondé du licenciement,prendre en considération les griefs qui étaient invoqués par le salarié dans sa demande de résiliation dès lors qu’ils sont de nature à avoir une influence sur cette appréciation.

Illicéité d’une clause de non concurrence différenciant l’indemnisation en fonction du mode de rupture du contrat de travail

  • (mis à jour le 06/02/12)

Il n’est pas possible de prévoir une clause de non concurrence qui différencie l’importance de l’indemnisation financière en fonction de la rupture du contrat de travail.

En d’autres termes la contrepartie financière de la clause de non concurrence doit êtreidentique que le salarié soit licencié, qu’il démissionne, qu’il bénéficie d’unerupture conventionnelle ou qu’il prenne acte de la rupture.

La Cour de cassation en sa chambre sociale par arrêt du 25 janvier 2012 ( N° de pourvoi: 10-11590 Publié au bulletin Cassation partielle) retient en effet l’illicéité d’une clause qui minorait la contrepartie financière en cas de démission .

Je laisse à votre sagacité la motivation de la Cour de Cassation : 

« Vu le principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle,ensemble l’article L. 1121-1 du code du travail ; 

Attendu que, pour diminuer la contrepartie financière de la clause de non-concurrence accordée à la salariée, l’arrêt énonce que la clause relative à l’indemnité de non-concurrence figurant dans le contrat de travail prévoit expressément qu’en cas de démission, l’indemnité sera réduite de moitié ; 

Qu’en statuant ainsi, alors que, le salarié lié par une clause de non-concurrence devant bénéficier d’une contrepartie financière, les parties ne pouvaient dissocier les conditions d’ouverture de l’obligation de non-concurrence de celles de son indemnisation, la cour d’appel, qui devait en déduire que la stipulation minorant en cas de démission la contrepartie financière était réputée non écrite, a violé le principe et le texte susvisés. « 

 

Inopposabilité au salarié de la clause de dédit formation quand la rupture du contrat de travail est imputable à l’employeur

La clause de dédit formation est celle par laquelle le salarié s’engage à rester pendant une certaine durée au service de son employeur en contrepartie de la formation qui lui était dispensée.

Lorsque les juridictions prud’homales estiment que la rupture du contrat de travail est intervenue aux torts de l’employeur, la clause de dédit formation est inapplicable.

La Cour de Cassation a été interrogée sur l’applicabilité de sa jurisprudence à la situation particulière d’une prise d’acte de la rupture.

Elle confirme sa position en rappelant que: « la prise d’acte de la rupture de la salariée produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ».(Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 11 janvier 2012 N° de pourvoi: 10-15481 Publié au bulletin Cassation partielle )

En conséquence, en cas de prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur la clause de dédit formation n’est pas opposable au salarié.

Résiliation judiciaire pour non fixation des objectifs

Il n’est pas rare que les objectifs annuels des salariés ne soient pas fixés alors que leur contrat prévoyait une prime sur objectifs.

Le salarié peut-il demander la résiliation de son contrat aux torts de l’employeur qui n’aurait pas fixé d’objectifs ?

la Cour de Cassation vient de trancher la question en retenant que l’absence de fixation des objectifs était une faute grave de l’employeur.

Dans cette affaire, le salarié avait été engagé le 5 novembre 1992 par la société Fournier en qualité de responsable du développement et de la commercialisation des nouveaux produits, devenu en 2005 chef de produit, moyennant une rémunération comportant des primes d’objectifs, 

Il n’avait perçu aucune prime de 2002 à 2006.

Il avait saisi la juridiction prud’homale de demandes aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de paiement d’indemnités.

Pour s’opposer à la résiliation à ses torts, l’employeur évoquait qu’il avait régularisé la situation pour l’essentiel et que le non-paiement du solde au titre de l’année 2002, représentait une somme modeste.

La Cour de Cassation par arrêt de sa chambre sociale du mercredi 9 novembre 2011 N° de pourvoi: 10-11658 condamne l’attitude de l’employeur et estime que « lorsque le contrat de travail prévoit que la rémunération variable dépend d’objectifs fixés annuellement par l’employeur, le défaut de fixation desdits objectifs constitue un manquement justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur ; » 

 

Prise d’acte de la rupture et absence de reconnaissance par l’employeur de la qualification du salarié

Le salarié a toujours intérêt à contester sa qualification retenue par son employeur, si il estime que celle-ci n’est pas conforme à son poste et à sa convention collective.

En outre, si aucun accord n’est possible entre les deux parties, le salarié qui n’a pas bénéficié, depuis plusieurs années, de la classification à laquelle il pouvait prétendre et la rémunération y afférente peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

La Cour de Cassation vient de confirmer cette position par deux arrêts de sa chambre sociale du 13 octobre 2011 N° de pourvoi: 09-71574 et N° de pourvoi: 09-71702.

La prise d’acte de rupture par le salarié aux torts d’un employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Prise d’acte de la rupture et calcul de l’ancienneté

  • (mis à jour le 11/10/11)

La prise d’acte de rupture par le salarié aux torts d’un employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cela signifie que le salarié est en droit de prétendre à : 

– une indemnité de préavis 

– une indemnité de congés payés sur préavis

– une indemnité de licenciement

– des dommages et intérêts pour perte de chance d’utiliser les droits qu’il a acquis au titre du droit individuel à la formation 

– des dommages et intérêts pour licenciement abusif ou une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse selon son ancienneté et l’effectif de l’entreprise.

Un problème se pose cependant en pratique pour calculer l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Faut-il retenir l’ancienneté à la date de la prise d’acte de la rupture par le salarié ou l’ancienneté acquise à la fin du préavis auquel le salarié pouvait prétendre?

La Cour de cassation,chambre sociale, par arrêt du 28 septembre 2011 N° de pourvoi: 09-67510 estime que la prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail de sorte que le salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis et que son ancienneté dans l’entreprise devait se calculer à la date de la rupture.

Particularisme de la prise d’acte de la rupture…