Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Des dangers d’une mise à pied informelle

La mise à pied qu’elle soit disciplinaire ou à titre conservatoire doit impérativement résulter d’un écrit signé de l’employeur .

Elle doit être soit remise en main propre soit adressée par lettre recommandée avec accusé de réception.

Aucune interdiction d’accès au lieu de travail du salarié ne peut être réalisée sans ce préalable.

La Cour de Cassation vient en effet dans un arrêt de sa chambre sociale du 21 septembre 2011 N° de pourvoi: 10-14927 de sanctionner un employeur pour avoir interdit l’accès au salarié de son lieu de travail avant notification d’une mise à pied.

Les attendus de l’arrêt sont édifiants : 

« la mesure de mise à pied conservatoire décidée par l’employeur n’avait pas encore été notifiée au salarié bien que celui-ci avait été empêché d’accéder à son lieu de travail dont les serrures avaient été changées et le digicode modifé par le nouveau responsable désigné qui lui avait ordonné de quitter l’entreprise ;

(…) l’employeur avait mis fin au contrat de travail en dehors de toute procédure régulière de sorte que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse « 

Il ne faut pas confondre vitesse et précipitaion !

 

Prise d’acte de la rupture et calcul de l’ancienneté

  • (mis à jour le 11/10/11)

La prise d’acte de rupture par le salarié aux torts d’un employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cela signifie que le salarié est en droit de prétendre à : 

– une indemnité de préavis 

– une indemnité de congés payés sur préavis

– une indemnité de licenciement

– des dommages et intérêts pour perte de chance d’utiliser les droits qu’il a acquis au titre du droit individuel à la formation 

– des dommages et intérêts pour licenciement abusif ou une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse selon son ancienneté et l’effectif de l’entreprise.

Un problème se pose cependant en pratique pour calculer l’indemnité conventionnelle de licenciement.

Faut-il retenir l’ancienneté à la date de la prise d’acte de la rupture par le salarié ou l’ancienneté acquise à la fin du préavis auquel le salarié pouvait prétendre?

La Cour de cassation,chambre sociale, par arrêt du 28 septembre 2011 N° de pourvoi: 09-67510 estime que la prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail de sorte que le salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis et que son ancienneté dans l’entreprise devait se calculer à la date de la rupture.

Particularisme de la prise d’acte de la rupture…

 

De la force probante des attestations des salariés en poste au profit de l’employeur.

  • (mis à jour le 04/10/11)

La Cour de Cassation a récemment été interrogée sur la validité des témoignages de salariés en poste, produits par l’employeur pour justifier la faute du salarié licencié.

Elle confirme dans son arrêt en chambre sociale 22 septembre 2011 N° de pourvoi: 10-18864 : 

– que la preuve est libre en matière prud’homale,

– que le juge prud’homal peut retenir des attestations établies par des salariés de l’entreprise pour établir la faute grave fondant un licenciement sans méconnaître le principe de l’égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Il faut tout de même ajouter que ces attestations doivent être soumises au principe du contradictoire c’est à dire :

– versées au débat,

– soumises à la discussion contradictoire des parties

Ces attestations doivent être établies dans les formes légales et être complétées par la photocopie de la pièce d’identité.

Si ces dernieres sont mensongères, il reste toujours le recours aux procédures pénales telles que Faux Témoignage ou Escroquerie au Jugement.

Procédure devant le Tribunal de Commerce : 35 euros à rajouter

  • (mis à jour le 04/10/11)

Si vous saisissez dès aujourd’hui le Tribunal de Commerce, il vous en coûtera 35 euros de plus qu’hier…( dispositions du décret du 28/09/2011 publié le 29/09/2011)

Petit rappel, au Tribunal de Commerce, nous avons déjà : les frais de placement, les frais d’huissier et éventuellement ceux d’avocats….

Dernières heures de gratuité de la saisine du CPH

  • (mis à jour le 03/10/11)

Nous vous avons conseillé de saisir le Conseil de Prud’hommes pendant le mois de septembre

Il vous reste encore quelques heures…

Lundi, il faudra payer 35 euros…

Voici les infos pratiques transmises par notre barreau :

« Pour faciliter la mise en oeuvre des dispositions du décret du 28/09/2011 publié le 29/09/2011 qui entrera en vigueur le 1er octobre, l’Ordre des Avocats de Paris a fait l’acquisition de timbres fiscaux dits « mobiles » qui seront en vente au BRA (Bureau de Règlement des Avocats), dans l’enceinte du Palais de Justice, dès lundi 3 octobre, à 9h00. »

concurrence déloyale du salarié en poste = faute lourde

  • (mis à jour le 03/03/16)

Il n’est pas très fréquent de lire des décisions où le salarié a été licencié pour faute lourde tant il est difficile de qualifier cette dernière.

En effet, la jurisprudence rappelle que la faute lourde est une faute d’une exceptionnelle gravité qui révèle l’intention de nuire du salarié.

Si la faute lourde était retenue, le salarié perdait non seulement tout droit à préavis, indemnité de licenciement mais également le bénéfice de ses congés payés acquis et non pris. (attention ce n’est plus le cas depuis la décision du Conseil Constitutionnel du 2 mars 2016)

La Cour de Cassation par arrêt de sa chambre sociale du 22 septembre 2011 N° de pourvoi: 10-15883 donne un exemple typique de faute lourde.

Dans cette affaire,un salarié avait, en toute connaissance de cause et en méconnaissance de clauses expresses de son contrat de travail et de son devoir de loyauté, exercé pendant deux ans une activité directement concurrente de celle de son employeur.

La Cour de Cassation en conclut que le comportement de l’intéressé caractérisait une intention de nuire à l’employeur et qu’il constituait une faute lourde .

le salarié mis en disponibilité a droit à sa prime sur objectifs.

Dans de nombreuses entreprises, il est fréquent que des cadres ( souvent des consultants)soient mis en disponibilité en attendant que l’entreprise leur confie une mission.

Or souvent lesdits consultants ont des salaires variables en fonction des objectifs atteints.

Si les consultants sont mis en disponibilité pendant plusieurs mois, cela rend en pratique impossible l’atteinte des objectifs... 

Un salarié trouvant cette situation injuste, a réclamé à son employeur sa prime sur objectifs en arguant qu’en raison de sa mise en disponibilité les objectifs étaient irréalisables.

La Cour de cassation en sa chambre sociale par arrêt du 22 septembre 2011 N° de pourvoi: 10-19050 lui donne entièrement raison par cet attendu :

 » l’employeur a l’obligation de fournir au salarié le travail convenu et que le salarié qui se tient à sa disposition pour exécuter sa prestation de travail a droit à sa rémunération, peu important que l’employeur ne lui fournisse pas de travail, »

L’absence de visite médicale et la Prise d’acte de la rupture

Attention les règles ont été modifiée en 2017.

La visite médicale d’embauche a été remplacée par la visite médicale d’information et de prévention.

–> avant 2017: la visite médicale d’embauche a entraîné la jurisprudence suivante

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise.

Ce sont les visites médicales qui en assurent l’effectivité.

La Cour de Cassation a déjà jugé que « le non-respect de l’obligation de l’employeur de faire passer une visite médicale d »embauche, dont la finalité préventive s’inscrit dans la cadre de son obligation de sécurité de résultat, cause nécessairement un préjudice au salarié, qu’il appartient au juge, saisi d’une demande en ce sens, de réparer. » ( arrêt du 5 octobre 2010 n°09-40913)

Elle vient de prendre une position encore plus ferme sur cette question dans une décision de sa chambre sociale du 22 septembre 2011 N° de pourvoi: 10-13568 en acceptant de reconnaître la validité d’une prise d’acte de rupture par le salarié aux torts d’un employeur qui avait cru pouvoir se passer des visites médicales d’embauche et de reprise.

L’employeur, qui s’abstient de faire passer des visites médicales, ne risque donc plus seulement une condamnation à des dommages et intérêts, mais la prise d’ acte de la rupture par son salarié .

N’oublions pas que dans ces conditions, la prise d’acte de la rupture produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse !

Le salarié pourra donc bénéficier :

– d’une indemnité de préavis

– d’une indemnité de congés payés sur préavis

– d’une indemnité de licenciement

– des dommages et intérêts pour perte de chance d’utiliser les droits qu’il a acquis au titre du droit individuel à la formation 

– des dommages et intérêts pour licenciement abusif ou une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse selon son ancienneté et l’effectif de l’entreprise.

Faire passer les visites médicales a désormais deux vertus : protéger la santé du salarié …mais également la santé financière de l’entreprise !

Utilisation du téléphone à des fins personnelles et faute grave

L’utilisation du téléphone à des fins personnelles peut-elle justifier un licenciement pour faute grave ?

La Cour de Cassation en sa chambre sociale vient de répondre positivement à cette question dans une décision du 22 septembre 2011 N° de pourvoi: 09-72876 .

Dans cette affaire, un salarié avait utilisé pendant ses heures de travail, le téléphone mis à sa disposition par l’entreprise pour contacter des plates-formes téléphoniques à caractère érotique.

L’employeur apportait la preuve :

– que cette situation avait perduré pendant plus d’un an 

– et que il avait sanctionné ces faits moins de deux mois avant que ils ne cessent.

La Cour de Cassation reconnait l’existence de la faute grave par un attendu de principe juridiquement fort intéressant sur le visa de l’article L. 1332-4 du code du travail :

« Attendu, cependant, que si aux termes de l’article susvisé, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération d’un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi ou s’est réitéré dans ce délai « .

C’est une jurisprudence classique mais qu’il n’est pas inutile de rappeler régulièrement.

La date d’ancienneté sur le bulletin de paie = preuve de l’ancienneté

Mis à jour 10 juin 2022

La date d’ancienneté figurant dans le bulletin de paie vaut présomption de reprise d’ancienneté sauf à l’employeur à rapporter la preuve contraire. ( Cass. soc. 11 mai 2022, n° 20-21362 D; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 septembre 2018, 17-11.181, Inédit)

La Cour de Cassation en sa chambre sociale avait déjà rendu la même solution dans un arrêt du 21 septembre 2011, arrêt fort intéressant (N° de pourvoi: 09-72054) quant au calcul de l’ancienneté d’un salarié.

Dans cette affaire un salarié avait travaillé dans une entreprise d’octobre 1989 à janvier 2001. 

Pendant un an il n’avait pas été salarié de l’entreprise.

En février 2002, il était de nouveau engagé par la même entreprise, qui avait changé de propriétaire.

Le nouveau propriétaire lui remit des bulletins de paie faisant état de son ancienneté depuis octobre 1989.

En 2007, l’employeur licencia le salarié et calcula son indemnité de licenciement sur la base d’une ancienneté de 5 années, correspondant à son contrat de travail en cours.

Il est sanctionné par la Cour de Cassation qui estime : « la date d’ancienneté figurant dans le bulletin de paie vaut présomption de reprise d’ancienneté sauf à l’employeur à rapporter la preuve contraire ».

Il s’agit bien évidemment d’une présomption simple mais il n’est pas aisé pour l’employeur de rapporter la preuve contraire.( c’est à dire rapporter la preuve qu’il n’a pas entendu reprendre l’ancienneté)

L’employeur doit donc être vigilant quant aux mentions des bulletins de paie qu’il fait réaliser par un prestataire extérieur…