SYNTEC et le Cadre Dirigeant

Mis à jour le 27 mars 2023

Ils sont nombreux les salariés dépendant de la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs , conseils et sociétés de conseils (dite syntec ) à  se voir appliquer dans le contrat de travail le statut de CADRE DIRIGEANT.

IMG_20140331_130251.2Ce n’est pas sans intérêt pour l’employeur…

En effet, les salariés qui sont considérés comme CADRE DIRIGEANT ne sont pas soumis à la législation de la durée de travail, en d’autres termes, ils ne doivent pas compter leur temps au service de l’entreprise. 

Les CADRES DIRIGEANTS ne bénéficient que des dispositions relatives aux congés annuels, aux congés maternité ou pour événements familiaux, aux congés non rémunérés et au compte épargne-temps.

Les salariés qui se voient attribuer un titre qu’ils estiment « honorifique » ne comprennent pas toujours que ce statut comporte plus de désavantages pour eux que s’ils ont le statut simple de CADRE.

C’est souvent après la rupture du contrat de travail qu’ils réalisent les conséquences de leur statut particulier.

La Cour de Cassation rappelle régulièrement que le statut de CADRE DIRIGEANT ne peut être retenu que si les critères posés par l’article L. 3111-2 du code du travail sont remplis soit :

des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps,

 – être habilité à prendre des décisions de façon largement autonome,

 – percevoir une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés pratiqués par l’entreprise ou son établissement.

Attention ces critères sont cumulatifs.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 1 mars 2023, 21-19.988, Inédit)

La Haute juridiction a  parfois ajouté une condition prétorienne la participation du salarié à la direction de l’entreprise. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 2 juillet 2014, 12-19.759, Publié au bulletin ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 mars 2015, 13-20.817, Inédit).

Décès du salarié licencié injustement pour faute grave

Le décès d’un salarié  après avoir été licencié injustement pour faute grave peut avoir des conséquences financières très lourdes pour l’entreprise.

Voici un cas d’espèce qui pourra intéresser certains héritiers ou ayant droits doublement meurtris par le décès d’un parent qui venait d’être licencié injustement pour faute grave.

Un salarié de la société Omnium gestion et financement (OGF), avait été licencié pour faute grave le 7 avril 2008.

IMG_20140506_101321Il était décédé le 19 avril suivant.

Ses ayants droit avaient saisi la juridiction prud’homale pour contester le licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes notamment de dommages-intérêts à la suite du refus de l’assureur de verser le capital décès au motif qu’il n’était plus présent dans l’entreprise au moment du décès.

La Haute juridiction  constatant le licenciement pour faute grave abusif a condamné l’employeur à verser de nombreux dommages et intérêts notamment le capital décès refusé par l’assurance aux ayants droits. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 avril 2015, 13-22.044, Publié au bulletin)

L’attendu expose : « Mais attendu qu’ayant, d’une part, constaté que l’employeur qui avait souscrit une assurance décès au bénéfice des ayants droit de ses salariés présents dans les effectifs de l’entreprise au moment de leur décès, avait licencié pour faute grave Thierry X…, décédé douze jours plus tard, et d’autre part, retenu que la faute grave n’était pas caractérisée de sorte que le salarié avait été privé du bénéfice du préavis et ainsi d’être présent dans les effectifs de l’entreprise à la date de son décès, la cour d’appel en a exactement déduit que l’employeur devait réparer le préjudice subi ».

Licenciement nul : effet du refus du salarié de réintégrer l’entreprise

Lorsque le salarié peut se prévaloir d’une cause de nullité du licenciement, il a le choix de solliciter soit sa réintégration soit une indemnisation.

IMG_20140506_101304Ce n’est pas à l’employeur de prendre la décision, seul le salarié décide de l’axe de sa demande.

Lorsque le salarié peut valablement refuser de revenir dans l’entreprise malgré la demande de l’employeur, il doit obtenir une indemnisation.

La Cour de Cassation rappelle en effet que le salarié dont le licenciement est nul peut refuser la réintégration proposée par l’employeur sans qu’il en résulte renonciation à se prévaloir de la nullité de la rupture. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 avril 2015, 13-24.182, Publié au bulletin)

Ainsi, le délégué du personnel qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis son éviction.

Attention, la Cour de Cassation vient de limiter le montant de cette indemnisation à 30 mois  lorsque la cause de nullité du licenciement est l’absence d’autorisation du licenciement du délégué du personnel. ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 avril 2015, 13-24.182, Publié au bulletin Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 avril 2015, 13-27.211, Publié au bulletin )

Voici l’attendu :

« le délégué du personnel qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection, dans la limite de deux ans, durée minimale légale de son mandat, augmentée de six mois  »

 

heures supplémentaires et travail dissimulé

Lorsque le salarié effectue de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées, il peut saisir le juge de plusieurs demandes : un rappel de salaire mais également des dommages et intérêts pour travail dissimulé.

 L’article L.8221-5 du Code du travail définit le travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :(…)

 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie…»

La Cour de Cassation rappelle régulièrement que le travail dissimulé est constitué d’un élément matériel (notamment la dissimulation d’heures réalisées payées ou leur non paiement) et également d’un élément intentionnel.

–> L’élément matériel est rapporté par tout moyen par le salarié.

–> L’élément intentionnel

La Cour de Cassation facilite la caractérisation de l’élément intentionnel lorsque l’employeur avait appelé la salariée à effectuer de multiples tâches sans procéder au moindre enregistrement de ses horaires effectués. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 février 2015, 13-17.900, Inédit)

La Cour de Cassation réaffirme ainsi que la charge de la preuve des heures de travail doit être partagée et que l’employeur qui refuse de noter le temps de travail est présumé le faire sciemment.

La qualification de travail dissimulé est très importante notamment en cas de rupture du contrat de travail.

En effet l’article L.8223-1 du même Code prévoit qu’« En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L.8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. »

 

Des copies informatiques du salarié

Le salarié  peut-il conserver une copie entière de son disque dur ?

Il est de jurisprudence constante que le salarié a le droit de conserver une copie des documents dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, si lesdits documents sont nécessaires à la défense de ses intérêts.

IMG00176-20100722-1704Il y a donc une limite à la copie du salarié: Le salarié doit prouver que les documents en cause étaient strictement nécessaires à l’exercice des droits de sa défense dans le litige qui l’opposait à son employeur à l’occasion de son licenciement. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 31 mars 2015, 13-24.410, Publié au bulletin)

Le salarié doit donc être prudent et savoir pourquoi il fait une copie des pièces..

En pratique ce n’est pas toujours possible.

Le salarié n’a pas toujours le temps de faire une sélection des pièces et fichiers dont il a besoin dans le cas d’une situation de conflit avec son employeur…

Il va alors faire une copie globale pour faire le tri des documents ensuite.

La copie de l’intégralité d’un disque dur va donc être plus difficile à justifier car il y a forcément des fichiers inutiles dans un ordinateur pour la défense du salarié.

Espérons que l’argument temporel soit suffisamment fort pour être entendu des juridictions de fond.

 

Heures de délégation et utilisation desdites heures au profit d’une autre entreprise

Les heures de délégation ont une vocation précise : permettre aux élus  d’exercer au mieux leur mission de représentant des salariés.

IMG_20140923_122333Ces heures sont rémunérées par l’employeur comme du temps de travail ce qui implique que les salariés élus les utilisent avec loyauté.

Le Conseil d’Etat vient de rappeler une évidence : «  l’utilisation par un salarié protégé de ses heures de délégation pour exercer une autre activité professionnelle méconnaît l’obligation de loyauté à l’égard de son employeur qui découle de son contrat de travail . « ( Conseil d’État, 4ème / 5ème SSR, 27/03/2015, 371174).

Outre une déloyauté à l’égard de l’employeur, l’utilisation des heures de délégations pour travailler pour une autre entreprise est également une déloyauté à l’égard des salariés de l’entreprise qui ont voté et qui font confiance à leurs élus.

Le port du voile et les consultants ou ingénieurs d’études des sociétés d’informatique

Mis à jour 16 avril 2021

Après l’affaire très médiatisée de la salariée d’une crèche qui refusait d’enlever son voile, la Cour de Cassation a été  saisie de la question du port du voile d’une ingénieure d’étude qu’elle a soumis à la CJUE. (Arrêt n° 630 du 9 avril 2015 (13-19.855) – Cour de cassation -Chambre sociale – ECLI:FR:CCASS:2015:SO00630).

IMG_20140506_101421Dans cette affaire,  Mme X… a été engagée à compter du 15 juillet 2008 par contrat de travail à durée indéterminée par la société Micropole Univers, société de conseil, d’ingénierie et de formation spécialisée dans le développement et l’intégration de solutions décisionnelles, en qualité d’ingénieure d’études.

Cette salariée avait refusé d’enlever son voile pour exercer sa mission et a été licenciée en ces termes :

“Vous avez effectué votre stage de fin d’études à compter du 4 février 2008, puis été embauchée par notre société le 1er août 2008 en qualité d’Ingénieur d’études. Dans le cadre de vos fonctions, vous êtes amenée à intervenir sur des missions pour le compte de nos clients.

Nous vous avons demandé d’intervenir pour le client Groupama le 15 mai dernier sur leur site de Toulouse. À la suite de cette intervention, le client nous a indiqué que le port du voile, que vous portez effectivement tous les jours, avait gêné un certain nombre de ses collaborateurs. Il a également demandé à ce qu’il n’y ait “pas de voile la prochaine fois”.

Lors de votre embauche dans notre société et de vos entretiens avec votre Manager opérationnel, Monsieur Y…, et la Responsable du recrutement, Mademoiselle Élise Z…, le sujet du port du voile avait été abordé très clairement avec vous. Nous vous avions précisé que nous respections totalement le principe de liberté d’opinion ainsi que les convictions religieuses de chacun, mais que, dès lors que vous seriez en contact en interne ou en externe avec les clients de l’entreprise, vous ne pourriez porter le voile en toutes circonstances. En effet, dans l’intérêt et pour le développement de l’entreprise, nous sommes contraints, vis-à-vis de nos clients, de faire en sorte que la discrétion soit de mise quant à l’expression des options personnelles de nos salariés.

Lors de notre entretien du 17 juin dernier, nous vous avons réaffirmé ce principe de nécessaire neutralité que nous vous demandions d’appliquer à l’égard de notre clientèle. Nous vous avons à nouveau demandé si vous pouviez accepter ces contraintes professionnelles en acceptant de ne pas porter le voile et vous nous avez répondu par la négative.

Nous considérons que ces faits justifient, pour les raisons susmentionnées, la rupture de votre contrat de travail. Dans la mesure où votre position rend impossible la poursuite de votre activité au service de l’entreprise, puisque nous ne pouvons envisager, de votre fait, la poursuite de prestations chez nos clients, vous ne pourrez effectuer votre préavis. Cette inexécution du préavis vous étant imputable, votre préavis ne vous sera pas rémunéré..”

La salariée a saisi le 10 novembre 2009 le conseil de Prud’hommes de Paris en contestant son licenciement et en faisant valoir qu’il constituait une mesure discriminatoire en raison de ses convictions religieuses.

Le Conseil de Prud’hommes a estimé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et qu’il ne pouvait être annulé pour discrimination.

La salariée a saisi la Cour de Cassation de cette question.

La haute Juridiction a décidé d’interroger la CJUE.

Voici son attendu de renvoi de la question à titre préjudiciel :

« Toutefois, la Cour de justice n’a pas été jusqu’ici amenée à préciser si les dispositions de l’article 4 §1 de la directive 78/2000/CE doivent être interprétées en ce sens que constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, en raison de la nature d’une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, le souhait d’un client d’une société de conseils informatiques de ne plus voir les prestations de service informatiques de cette société assurées par une salariée, ingénieur d’études, portant un foulard islamique. »
(Arrêt n° 630 du 9 avril 2015 (13-19.855) – Cour de cassation -Chambre sociale – ECLI:FR:CCASS:2015:SO00630).

L’affaire était allée jusque devant la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE 14 mars 2017, aff. C-188/15), pour revenir à la Cour de cassation qui avait rendu son verdict par un arrêt du 22 novembre 2017 .

Celle-ci avait estimé qu’en l’absence de clause de neutralité dans le règlement intérieur de l’entreprise, le licenciement de la salariée reposait sur un motif discriminatoire et que la demande d’un client de ne plus travailler avec une salariée voilée ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante permettant de justifier cette discrimination.

En effet, dans cette entreprise, le principe de neutralité résultait seulement d’un ordre oral de l’employeur ayant pour objet d’encadrer l’expression des convictions religieuses dans l’entreprise.

Tout comme la Cour de cassation, la cour d’appel de Versailles estime qu’une règle non écrite ayant pour seul objet d’encadrer l’expression des convictions religieuses constitue une discrimination directe fondée sur la religion.

Elle rappelle de plus qu’il est impossible pour une société d’interdire le voile en se fondant sur le souhait d’un client.

Le licenciement de la salariée est donc jugé discriminatoire et est définitivement annulé.

CA Versailles, 18 avril 2019, RG 18/02189

Cette jurisprudence s’applique également au port de la barbe ( ((Arrêt n° 715 du 8 juillet 2020 (18-23.743) – Cour de cassation – Chambre sociale-ECLI:FR:CCAS:2020:SO00715).

Cette jurisprudence s’applique aussi pour les vendeuses de prêts à porter. (Arrêt n°479 du 14 avril 2021 (19-24.079) – Cour de cassation – Chambre sociale-ECLI:FR:CCAS:2021:SO00479)

Les élus locaux salariés deviennent des salariés protégés

La loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat créé un  statut protecteur à certains élus locaux, titulaires d’un contrat de travail .

Les articles L. 2123-9, L. 3123-7 et L. 4135-7 du code général des collectivités territoriales sont modifiés et prévoient que les élus sont considérés comme des salariés protégés au sens du code du travail.

Attention tous les élus locaux ne sont pas concernés, sont protégés seulement :
– les maires ;
– les adjoints au maire des communes de 10 000 habitants au moins ;
– les membres d’un conseil d’arrondissement des communes de Paris, Marseille et Lyon ;
– les présidents des conseils départementaux et régionaux ;
– les vice-présidents ayant délégation de l’exécutif du conseil départemental et du conseil régional.

Les « simples » conseillers municipaux, départementaux et régionaux ne sont pas visés par la protection.

Illustration de la prise des RTT en cours de contrat de travail

La Cour de Cassation vient de rendre une décision intéressante quant au choix de la date de prise des RTT des salariés. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 mars 2015, 13-19.206, Publié au bulletin)

IMG00176-20100722-1704La Haute juridiction était saisie de deux questions :

1-  l’employeur peut-il imposer les jours de RTT que le salarié doit prendre si un accord collectif prévoit que lesdits jours sont posés à l’initiative du salarié ?

2- De même les RTT affectés à un CET ( compte épargne temps) peuvent -ils faire l’objet d’une décision unilatérale de l’employeur imposant la date de leur utilisation ?

La Cour de Cassation a répondu négativement à ces deux questions.

Sur le premier point, la Cour de Cassation précise que l’accord collectif prévoyait que l’employeur ne pouvait utiliser les JRTT individuels qu’avec l’accord exprès des salariés concernés.

Il apparaît donc cohérent de condamner l’employeur à payer une somme correspondant aux jours de repos prélevés indûment sur les JRTT individuels.

Sur le deuxième point, la haute juridiction retient que les repos inscrits dans un CET ne sont pris qu’à l’initiative du salarié.

Voici sa motivation :

« s’il résulte des dispositions des articles L. 3121-24 et D. 3121-10 du code du travail que l’employeur peut, en l’absence de demande du salarié de prise de la contrepartie obligatoire en repos, imposer à ce salarié, dans le délai maximum d’un an, le ou les jours de prise effective de repos, ces dispositions ne sont pas applicables aux jours de repos compensateur de remplacement affectés à un compte épargne-temps ;

Et attendu que le conseil de prud’hommes, qui a constaté que l’employeur avait pris la décision d’utiliser, sans l’accord du salarié, les repos de remplacement portés préalablement au compte épargne-temps ouvert et alimenté par ce salarié, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. »

 

Avocat à la Cour D'appel de Paris – droit du travail et droit des affaires – Expert SYNTEC- BETIC-CINOV