Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Résiliation Judiciaire pour manque de moyens dans l’exercice des mandats représentatifs

Voila une décision qui va intéresser fortement les CHSCT qui sont souvent démunis devant le manque de moyens mis à leur disposition par leur employeur.

La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail d’un salarié membre du CHSCT doit être appréciée en tenant compte de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé et des exigences propres du mandat.

Il est donc possible de solliciter la résiliation de son contrat parce que l’employeur rend impossible l’exercice du mandat représentatif de son salarié !

Cour de cassation chambre sociale 4 mai 2011 N° de pourvoi: 09-70702 :

« Vu l’article 1184 du code civil ; 

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, l’arrêt retient que le manque de moyens dénoncé par les témoins concerne essentiellement ses fonctions de membre du CHSCT ou son activité syndicale ; 

Qu’en statuant ainsi, alors que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail d’un salarié investi d’un mandat représentatif doit être appréciée en tenant compte de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé et des exigences propres du mandat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; « 

 

Sans permis de conduire mais avec son emploi …

La Cour de Cassation refuse que la perte ou la suspension du permis soit une cause automatique de licenciement.

Elle vient de le réaffirmer dans deux décisions :

Cour de cassation 

chambre sociale

Audience publique du mercredi 4 mai 2011 

N° de pourvoi: 09-43192

 » En appréciant les conditions réelles d’exercice du travail dans l’entreprise, la cour d’appel a constaté que la conduite d’un véhicule ne constituait pas l’un des éléments des fonctions de coordinateur de préparation qui étaient confiées au salarié ; que c’est dès lors sans encourir les griefs du moyen qu’elle a retenu que le licenciement de l’intéressé, motif pris d’une suspension provisoire de son permis de conduire, ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse« .

Cour de cassation 

chambre sociale 

Audience publique du mardi 3 mai 2011 

N° de pourvoi: 09-67464 

 » Et attendu que la cour d’appel a relevé que le salarié s’était vu retirer son permis de conduire à la suite d’infractions au code de la route commises en dehors de l’exécution de son contrat de travail; qu’il en résulte que son licenciement, dès lors qu’il a été prononcé pour motif disciplinaire, était dépourvu de cause réelle et sérieuse et que l’employeur était tenu de lui verser les salaires de la période de mise à pied et l’indemnité compensatrice de préavis. « 

forfait jours et preuve des jours réalisés

  • (mis à jour le 01/10/12)
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Bien que la CEDH estime que les « forfaits jours français » sont illicitesde nombreux cadres sont actuellement soumis à ce régime. 

La loi prévoit que le nombre de jours de travail desdits salariés ne peut dépasser 218 jours par an . ( la convention collective peut prévoir un minimum plus bas) 

Dans les hypohèses de dépassement du nombre de jours annuels, ceux-ci doivent être payés par l’employeur. 

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre de jours de travail effectués par le salarié dans le cadre d’une convention de forfait en jours: 

– le salarié doit transmettre au juge tous les éléments permettant de déterminer le nombre de jours travaillés 

– l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des jours effectivement travaillés par le salarié. 

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments fournis par le salarié à l’appui de sa demande et de ceux transmis par l’employeur. 

Il peut ordonner, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles

En pratique, cela signifie que la preuve des jours travaillés n’incombe spécialement à aucune des parties. 

Le juge ne peut pas rejeter une demande de paiement de jours travaillés, en se fondant uniquement sur l’insuffisance des preuves apportées par le salarié. 

Il doit examiner les éléments de nature à justifier les jours effectivement travaillés par le salarié que l’employeur est tenu de lui fournir

Si le salarié produit un tableau récapitulatif des jours travaillés , il appartient à l’employeur de démontrer quels sont les jours effectivement réalisés par le salarié. (Cour de cassation chambre sociale 4 mai 2011 N° de pourvoi: 09-71003 ; Cour de cassation chambre sociale 6 juillet 2011 N° de pourvoi: 10-15050Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 19 septembre 2012 N° de pourvoi: 11-16205 ) 

Il s’agit de la même jurisprudence que celle relative aux heures supplémentaires transposées aux salariés soumis au « forfait jours ». 

DROIT DU TRAVAIL : le harcèlement moral non intentionnel

  • (mis à jour le 26/05/11)

La Cour de Cassation vient d’ajouter un nouveau chapitre à sa jurisprudence sur le harcèlement moral.

Par deux arrêts de sa chambre sociale du 5 mai 2011 N° de pourvoi: 09-69126 et du 4 mai 2011 N° de pourvoi: 09-42988 , elle vient de considérer que le harcèlement moral en droit du travail existe même sans intention de le réaliser.

 » le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel « . (confirmé parCour de cassation chambre sociale 18 mai 2011 N° de pourvoi: 10-30421

Cette solution diffère du droit pénal où l’intention sert à qualifier le délit.

La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation risque de ne pas être en accord avec cette solution…

Résiliation judiciaire aux torts de l’employeur et indemnité de préavis

  • (mis à jour le 13/05/11)

« dès lors que la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l’employeurl’indemnité de préavis est toujours due « Cour de cassation chambre sociale 28 avril 2011 N° de pourvoi: 09-40708 09-40840

Ainsi si le salarié était en arrêt maladie à la date de la résiliation judiciaire , il aura droit en sus de ses indemnités journalières de sécurité sociale, à une indemnité de préavis. 

Attention : Cette solution est différente de celle habituellement retenue par la Cour de Cassation pour un salarié licencié injustement. 

En effet dans le cas d’un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, la jurisprudence traditionnelle retient que l’employeur n’a pas à payer l’indemnité de préavis lorsque le salarié est dans l’incapacité d’exécuter son préavis en raison de la maladie ou de l’inaptitude ( Ccass. soc. 6 mai 2009, n° 08-40997 D ; C cass. soc. 11 juillet 2000, n° 98-45471, BC V n° 308sauf si l’inaptitude est d’origine professionnelle et uniquement dans le cadre de l’article L 1234-1 code du travail (CCass. soc., 26 janv. 2011, n°09-68.544)

Cette différence de traitement entre l’indemnité de préavis en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle en cas de résiliation judiciaire aux torts de l’employeur, pourrait préfigurer un revirement de jurisprudence dans le cadre du licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

Il faudra donc suivre la jurisprudence à venir. 

 

Des mails liant vie professionnelle et vie privée pour prouver une insuffisance professionnelle

La Cour de Cassation vient encore une fois de montrer les conséquences de l’imbrication des sphères privées et professionnelles dans l’entreprise dans un arrêt du 28 avril 2011 N° de pourvoi: 09-42986.

Dans cette affaire, un salarié, directeur d’un établissement bancaire entretenait avec une assistante technico-commerciale une relation extra professionnelle.

A plusieurs reprises des mails avaient été échangés entre eux, la salariée souhaitant quitter son poste mais laissait entrevoir la possibilité de maintenir des relations avec le Directeur et évoquant des difficultés avec une autre salariée.

A la suite de cet échange, le Directeur lui avait alors demandé en termes pressants et maladroits de prendre position sur le maintien de la relation contractuelle en évoquant son projet de démissionner exprimé préalablement.

Finalement au bout de quelques échanges de mails, la salariée avait adressé à la société, un courriel aux termes duquel elle demande conseil « pour régler ce problème entre son directeur et elle ». 

L’Employeur avait alors licencié le Directeur de l’établissement bancaire pour faute grave

– en s’appuyant sur les mails 

– et estimant que le Directeur n’avait pas eu, à l’égard d’une de sa subordonnée, l’attitude qu’on est en droit d’attendre d’un directeur d’agence 

– et que la forme et le contenu des messages électroniques qu’il lui avait adressés révélaient un manque de discernement de nature à porter atteinte à sa crédibilité en tant que directeur d’agence .

La Cour de Cassation confirme que l’utilisation des mails peut causer un licenciement.

Mais elle refuse de considérer dans cette affaire que la faute grave était qualifiée .

Elle estime que « si l’attitude du salarié pouvait constituer un manque de discernement de sa part propre à porter atteinte à sa crédibilité en tant que directeur d’agenceelle ne caractérisait pas un manquement délibéré à ses obligations mais relevait d’une insuffisance professionnelle « .

Dans le cas d’espèce, l’employeur ayant retenu à tort un fondement disciplinaire au licenciement, ce dernier est donc sans cause réelle et sérieuse.

Mais il faut tout de même retenir de cet arrêt :

Mélanger vie privée et vie professionnelle peut justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle

Convention collective des industries chimiques : Précision sur le calcul de l’indemnité de départ à la retraite

IMG_20140331_121229En application de l’article 21 bis de la convention collective nationale des industries chimiques, l’indemnité de départ à la retraite est calculée sur la base de la rémunération servant de référence, à la seule exclusion des gratifications exceptionnelles.

La rémunération à prendre en compte doit-elle inclure la participation, l’intéressement et l’abondement ?

La Cour de Cassation confirme la position de la Cour d’Appel et conclut  » l’assiette de l’indemnité de départ à la retraite devait inclure les sommes versées au salarié dans le cadre des dispositifs légaux sur la participation, l’intéressement et l’abondement. »Cour de cassation chambre sociale 28 avril 2011 N° de pourvoi: 09-68040 ; Cour de cassation chambre sociale 28 avril 2011 N° de pourvoi: 09-68041

De la rétrogradation à titre de sanction

Dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, le chef d’entreprise est libre de choisir la sanction qu’il veut appliquer à son salarié qui a commis une faute à condition : 

– de ne pas le sanctionner pour un motif discriminatoire 

– de ne pas appliquer de sanction pécuniaire 

– de respecter les règles légales et conventionnelles limitant la durée de la sanction et sa nature 

– de respecter le réglement intérieur si il existe 

– que la sanction soit proportionnelle à la faute commise. 

La rétrogradation disciplinaire comportant une modification des fonctions est autorisée mais dans des conditions très encadrées par la Jurisprudence. 

En effet, la Cour de Cassation en sa chambre sociale par arrêt du 28 avril 2011 N° de pourvoi: 09-70619 précise que « lorsque l’employeur notifie au salarié une sanction emportant modification du contrat de travail, il doit informer l’intéressé de sa faculté d’accepter ou refuser cette modification . » 

Cela signifie que l’employeur qui souhaite procéder à une rétrogradation disciplinairedoit : 

– adresser au salarié une lettre ( en RAR ou remise en main propre contre décharge) pour l’informer de la sanction envisagée. 

– préciser dans ce courrier que le salarié peut refuser ou accepter la rétrogradation. 

Sans respect de cette procédure , l’employeur qui a imposé une rétrogradation disciplinaire « sauvage » est en faute et le salarié est fondé à prendre acte de la rupture aux torts de l’employeur. 

Que se passe -t-il si le salarié, correctement informé par son employeur, refuse la sanction ? 

La Cour de cassation en sa chambre sociale par arrêt du 28 avril 2011 N° de pourvoi: 10-13979 répond « l’employeur qui envisage de prononcer un licenciement au lieu de la sanction initiale doit convoquer l’intéressé à un nouvel entretien dans le délai de la prescription de deux mois prévu à l’article L. 1332-4 du code du travail  » . Elle précise : « que le refus du salarié interrompt le délai de prescription » 

En d’autres mots, 

–> soit l’employeur renonce à sanctionner le salarié. 

–> soit il doit convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable pour le sanctionner. Ce nouvel entretien doit intervenir dans le délai maximum de 2 mois à compter du refus du salarié. Si ce délai n’est pas respecté, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ! 

Rappel : procédure judiciaire accélérée en cas de requalification de CDD en CDI

Cour de cassation 

chambre sociale 

Audience publique du jeudi 28 avril 2011 

N° de pourvoi: 09-43226 

rappelle que « Lorsque la juridiction prud’homale est saisie d’une demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée ; qu’en application de l’article L. 1245-2 du code du travail, cette demande a été, à juste titre, portée, sans préliminaire de conciliation, directement devant le bureau de jugement « .

Cela permet de gagner entre 1 mois et 12 mois selon les juridictions . Cela n’est donc pas dénué d’intérêt.

Savoir calculer la durée de la période d’essai

Par deux arrêts, la Cour de cassation en sa chambre sociale (28 avril 2011, N° de pourvoi: 09-72165 et N° de pourvoi 09-40464 ) vient de rappeler comment décompter la période d’essai au sens de l’article L. 1242-10 du code du travail. 

« qu’au sens de ce texte, et sauf disposition conventionnelle ou contractuelle contraire, toute période d’essai, qu’elle soit exprimée en jours, en semaines ou en mois, se décompte de manière calendaire. » 

Les affaires illustrent ce calcul pour deux contrats de travail à durée déterminée : 

– dans le premier cas, le salarié avait une période d’essai de 8 jours. Le salarié avait été engagé par l’entreprise le 7 décembre 2005. Sa période d’essai se terminait le 3 janvier 2006 au soir. Son contrat ayant été rompu sans forme et sans motif, le 6 janvier 2006, le licenciement est manifestement irrégulier en la forme et donc sans cause réelle et sérieuse. 

– le second cas, le salarié avait une période d’essai contractuelle d’un mois en violation de la loi qui prévoyait quinze jours. Le salarié avait été engagé par l’entreprise le 23 juillet 2007. Sa période d’essai se terminait le 5 août 2007 au soir. Son contrat ayant été rompu sans forme le 6 août 2007, le licenciement est manifestement irrégulier en la forme et donc sans cause réelle et sérieuse.