Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Contrat de travail et validité des clauses sur la prise en charge des frais professionnels des salariés

La Cour de Cassation vient de saisir l’occasion de rappeler sa position de principe sur le remboursement des frais des salariés.

(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 septembre 2013, 12-15.996, Inédit )

Les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle, et dans l’intérêt de l’employeur, doivent être remboursés.

Ils ne peuvent être imputés sur la rémunération qui lui est due.

La seule exception à cette règle est qu’il ait été contractuellement prévu que le salarié conserverait la charge des frais.

Mais cette clause n’est valable que si trois conditions cumulatives sont remplies:

– l’employeur verse une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire au salarié

– cette somme forfaitaire ne doit pas être manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés

– la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au SMIC 

En outre, la clause ne doit pas constituer une sanction pécuniaire.

A titre d’exemples : La Cour de Cassation considère que sont nulles : 

–> les clauses qui subordonnent le remboursement de frais exposés par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle dans l’intérêt de l’employeur à la réalisation d’objectifs car elle constitue une sanction pécuniaire,(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 septembre 2013, 12-15.996, Inédit )

–> la clause, qui fait dépendre le montant du remboursement de frais exposés par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle dans l’intérêt de l’employeur d’un élément sans rapport avec leur coût, ,(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 septembre 2013, 12-15.996, Inédit )

Indemnité forfaitaire en cas d’accord devant le Bureau de Conciliation

Mis à jour le 28 novembre 2016

Lorsqu’un litige portant sur un licenciement est réglé devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes saisi, les parties peuvent mettre un terme au litige moyennant une indemnité forfaitaire de rupture en fonction de l’ancienneté du salarié.

Cette indemnité s’entend sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles.

L’indemnité forfaitaire de conciliation ne peut être inférieure à un certain montant, fixé par l’article Article D1235-21 du Code du travail selon le barème suivant réajusté en 2016 en même temps que la publication du barème indicatif d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté inférieure à un an ;

3 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté au moins égale à un an, auxquels s’ajoute un mois de salaire par année supplémentaire jusqu’à huit ans d’ancienneté ;

10 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre huit ans et moins de douze ans ;

12 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre douze ans et moins de quinze ans ;

14 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre quinze ans et moins de dix-neuf ans ;

16 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre dix-neuf ans et moins de vingt-trois ans

18 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre vingt-trois ans et moins de vingt-six ans ;

20 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté comprise entre vingt-six ans et moins de trente ans ;

24 mois de salaire si le salarié justifie chez l’employeur d’une ancienneté au moins égale à trente ans. »

Il convient de rappeler que les parties peuvent se mettre d’accord sur des montants d’indemnisation plus élevés.

 

De la date de la signature de la rupture conventionnelle

Faut-il un délai entre l’entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat et la signature de la convention de rupture ?

En d’autres termes, le salarié doit-il avoir un délai de réflexion entre la décision de rupture et la signature de l’accord de rupture conventionnelle surtout si il existe un conflit latent entre les parties ?

La Cour de Cassation répond par la négative. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 juillet 2013, 12-19.268, Publié au bulletin ).

La convention de rupture peut être signée le même jour que l’entretien au cours duquel les parties se sont mises d’accord sur la rupture.

Cette solution résulte du fait que le salarié dispose d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires après la signature.

La Cour de Cassation rappelle également que l‘existence d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail.

Cette solution souffre tout de même une exception si des pressions ou contraintes ont été exercées sur le salarié pour l’inciter à choisir la voie de la rupture conventionnelle.

Encore, faut-il que ce dernier en rapporte la preuve !

Le retrait de la position cadre n’est pas un licenciement de fait

Voici une décision intéressante qui rappelle l’importance de saisir un avocat dès les prémisses des ruptures.

Dans cette affaire, un salarié avait été engagé le 1er janvier 1998 en qualité de VRP exclusif, puis promu chef des ventes en février 2003.

A compter de janvier 2004, il a bénéficié du statut de cadre et de l’affiliation à la caisse de retraite des cadres.

Puis en janvier 2005, le salarié s’est vu retirer le bénéfice des avantages du statut cadre.

Par la suite, le salarié avait été licencié le 27 septembre 2005 pour des faits totalement différents.

Il a saisi le conseil de prud’hommes en soutenant que la privation unilatérale de la qualité de cadre, contractuellement reconnue, rendait la rupture imputable à l’employeur et privait le licenciement de cause réelle et sérieuse, peu important les griefs ultérieurement invoqués par l’employeur.

La Cour de Cassation réfute totalement cette interprétation et estime que le licenciement est fondé.

Sa motivation est claire : retirer de la qualité de cadre n’est pas un licenciement oral.

Voici l’attendu: « qu’en l’absence de lettre de licenciement, celui-ci ne peut résulter que d’un acte de l’employeur par lequel il manifeste au salarié sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que ne constitue pas une telle manifestation le retrait de la qualité de cadre « . (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 juillet 2013, 12-16.354, Inédit ).

Le salarié aurait pourtant pu prétendre à une solution différente si au lieu d’attendre son licenciement il avait opté, sur les conseils avisés d’un avocat, pour une résiliation judiciaire ou une prise d’acte de la rupture….

Prise des Congés payés et Inaptitude

L’article L. 1226-4 du code du travail rappelle que l’employeur est tenu de reclasser ou de licencier le salarié déclaré inapte dans le délai d’un mois de l’avis d’inaptitude.

A défaut, il doit reprendre le paiement du salaire.

L’employeur peut -il imposer au salarié inapte de prendre ses congés payés ?

La Cour de Cassation est catégorique : 

L’employeur ne peut remplacer son obligation de reprendre le paiement du salaire ni par le paiement d’une indemnité de congés payés non pris, ni par une mise en congés payés forcée du salarié. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 juillet 2013, 11-23.687, Publié au bulletin)

Temps partiel : l’écrit est obligatoire pour le contrat et tous les avenants

Le contrat à temps partiel obéit une formalisme précis.

Il doit impérativement faire l’objet d’un contrat écrit.

Cette exigence légale d’un écrit s’applique non seulement au contrat initial mais aussi à ses avenants modificatifs de la durée du travail ou de sa répartition.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 juin 2013, 10-20.507, Publié au bulletin)

Il ne suffit pas de changer le temps de travail sur les fiches de paie. 

Pour mémoire, le code du travail en son article L. 3123-14 prévoit que le contrat mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L’avenant au contrat de travail prévu à l’article L. 3123-25 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d’heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.

Impossible d’introduire une clause de renonciation à tout recours dans une convention de rupture conventionnelle

La jurisprudence sur la rupture conventionnelle ne cesse de s’étoffer.

Dernièrement la Cour de Cassation a affirmé que l’existence d’un différend au moment de la conclusion de la convention de rupture conventionnelle n’affecte pas en elle-même la validité de la convention.

Elle vient de confirmer sa position à propos d’un salarié protégé(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 juin 2013, 12-15.208, Publié au bulletin).

Elle interdit cependant d’inclure une clause de renonciation à tout recours dans l’acte de rupture conventionnelle.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 juin 2013, 12-15.208, Publié au bulletin )

Voici l’attendu de principe :

« Mais attendu, d’abord, que l’existence d’un différend au moment de la conclusion d’une convention de rupture intervenue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail n’affecte pas en elle même la validité de cette convention ; 

Attendu, ensuite, que la cour d’appel a retenu à bon droit qu’une clause de renonciation à tout recours contenue dans une convention de rupture conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail devait être réputée non écrite, comme contraire à l’article L. 1237-14 du même code, sans qu’en soit affectée la validité de la convention elle-même ;

Attendu, enfin, que la cour d’appel qui ne s’est pas fondée sur la décision d’autorisation de l’inspecteur du travail, a écarté tout vice du consentement ;

D’où il suit que le moyen qui s’attaque à un motif surabondant en sa dernière branche n’est pas fondé ; « 

 

Contourner la prescription des primes par une demande de dommages et intérêts

Les prescriptions en matière salariale sont courtes.

Il arrive souvent que le salarié en fin de carrière se rende compte non seulement qu’une partie de ses demandes sont prescrites mais de surcroît qu’il perd des droits à la retraite.

La Cour de Cassation admet dans ce cas que le salarié puisse faire une demande de dommages et intérêts.

Il s’agit alors d’une demande de dommages et intérêts pour la perte de la pension de retraite correspondant aux cotisations afférentes .

En effet, la prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

Or le préjudice né de la perte des droits correspondant à des cotisations non versées ne devient certain qu’au moment où le salarié est en droit de prétendre à la liquidation de ses droits à pension. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 juin 2013, 12-13.684, Inédit)

Quand la messagerie informatique personnelle du salarié sert à prouver la faute du salarié

Il est maintenant de jurisprudence constante que :

Les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présuméssauf si le salarié les identifie comme étant personnelsavoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence.

L’employeur peut-il consulter les mails envoyés par le salarié de son adresse mail personnel de l’ordinateur de son bureau ?

La Cour de Cassation répond par l’affirmatif.

En effet, les courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’il émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 juin 2013, 12-12.139, Inédit)

Le salarié est donc prévenu …..

S’il utilise sa messagerie personnelle sur l’ordinateur de l’entreprise, il doit vérifier que tous ses envois sont identifiés comme personnels…

A qui doit être adressée la prise d’acte de la rupture ?

mise à jour 26 septembre 2016.

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail n’est soumise à aucun formalisme.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 septembre 2016, 15-18.189, Inédit).

Elle peut valablement être présentée par le conseil du salarié au nom de celui-ci.

Cependant il est impératif qu’elle soit adressée directement à l’employeur.

En effet, un courrier adressé au Conseil de Prud’hommes ne peut pas être requalifié en prise d’acte.

Par contre, il est tout à fait possible de considérer que le courrier adressé au Conseil de prud’hommes constitue une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 19 juin 2013, 12-20.973, Inédit )