Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

Des délais pour contester la rupture du contrat de travail

Après la publication de la LOI n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi ,publiée au JORF n°0138 du 16 juin 2013 voici un petit mémo sur les délais pour contester la rupture de son contrat de travail:

– Licenciement économique

La procédure devant le conseil de prud’hommes doit être initiée dans les 12 mois soit de la lettre de licenciement soit de l’adhésion au CSP.

– autre licenciement

La procédure devant le conseil de prud’hommes doit être initiée dans les 24 mois à compter du jour de la rupture si elle est intervenue depuis le 16 juin 2013.

Pour les licenciements intervenus avant le 16 juin 2013la prescription de 5 ans reste applicable jusqu’en juin 2015.

– rupture conventionnelle homologuée

La procédure devant le conseil de prud’hommes doit être initiée dans les 12 mois.

 

De la nouvelle prescription triennale en matière de salaire

La LOI n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi a été publiée au JORF n°0138 du 16 juin 2013.

 Désormais toutes les actions en rappel de salaire se prescrivent par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

 La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

 Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

 Les salariés qui ont des salaires impayés à ce jour, ne devraient pas subir les effets de la diminution de la durée de prescription avant 2016

 Sauf, si ils ont signé un solde tout compte sans réserve.….

 Lorsqu’une instance a été introduite avant la promulgation de la présente loi, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne.

 Cette loi s’applique également en appel et en cassation.

La prison : zone de non droit du travail

L’article 717-3 du code de procédure pénale précise :

« les relations de travail d’une personne incarcérée ne font pas l’objet d’un contrat de travail ».

Le Conseil constitutionnel estime que cette disposition est conforme à la constitution. (Décision n° 2013-320/321 QPC du 14 juin 2013 ).

Ainsi, l’absence de contrat de travail n’est pas en soi contraire aux droits et libertés garantis par la Constitution.

Voici le communiqué de presse du conseil constitutionnel : 

« Le Conseil constitutionnel a été saisi le 20 mars 2013 par la Cour de cassation de deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de la première phrase du troisième alinéa de l’article 717-3 du code de procédure pénale (CPP). 

La première phrase du troisième alinéa de l’article 717-3 du CPP dispose : « Les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail ». Les requérants soutenaient notamment qu’en excluant que les relations de travail des personnes incarcérées fassent l’objet d’un contrat de travail, sans organiser le cadre légal de ce travail, le législateur prive ces personnes de toutes les garanties légales d’exercice des droits et libertés reconnus par les cinquième à huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946. 

Le Conseil constitutionnel a écarté ces griefs et jugé les dispositions contestées conformes à la Constitution. 

Le Conseil constitutionnel a relevé que les cinq alinéas de l’article L. 717-3 du CPP fixent diverses règles relatives aux conditions de travail des personnes détenues. Il en va de même des articles 22 et 33 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire. L’article 33 prévoit notamment la signature d’un « acte d’engagement », signé par le chef d’établissement et la personne détenue Il est loisible au législateur de modifier les dispositions relatives au travail des personnes détenues afin de renforcer les droits de ces dernières. Toutefois, les dispositions contestées de la première phrase du troisième alinéa de l’article 717-3 du CPP se bornent à prévoir que les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail. Le Conseil a jugé qu’elles ne portent, en elles-mêmes, aucune atteinte aux principes énoncés par le Préambule de 1946. Elles ne méconnaissent pas davantage le principe d’égalité ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit. « 

SYNTEC : si le forfait jours est nul, pas de présomption de l’existence d’heures supplémentaires

IMG_20140331_121154mis à jour le 12 juillet 2021

Si vous suivez mes articles, vous savez que les conventions de forfait jours syntec articles 3 et 4 de l’accord cadre sont nulles si elles ont été conclues avant la signature de l’avenant du 1er avril 2014 et / ou si elles comportent des irrégularités

Cela signifie que même après avoir signé une convention de forfait jours, il est possible de demander le paiement d’heures supplémentaires après avoir obtenu l’inopposabilité de la convention de forfait jours.

Par contre, ces heures supplémentaires doivent être prouvées et ne peuvent se déduire uniquement de la nullité du forfait.

La Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 juin 2013, 12-14.729, Inédit précise fort opportunément que si le forfait jours est nul, il ne fait pas présumer de l’existence d’heures supplémentaires.

Ainsi, en l’absence de convention de forfait opposable au salarié, ce dernier doit rapporter la preuve de l’existence d’heures supplémentaires.

Rappelons que cette règle est grandement facilitée par la jurisprudence de la Cour de Cassation.

Il faut noter que pour le rappel des heures supplémentaires ,la prescription triennale qui doit être retenue. 

 

Du droit du salarié à la formation à l’obligation de formation de l’employeur…..

  • (mis à jour le 1/07/14)

L’employeur a l’obligation d’adapter les salariés à l’évolution de leur emploi : c’est l’obligation de formation

Cela signifie que tout au long de l’exécution des contrats de travail, l’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail, notamment par la formation, et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Lorsque le salarié ne bénéficie d’aucune formation pendant plusieurs années, il peut demander des dommages et intérêts à son employeur pour non respect de son obligation.

C’est l’enseignement de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 5 juin 2013, 11-21.255, Publié au bulletin.

Dans cette affaire, en seize ans d’exécution du contrat de travail, l’employeur n’avait fait bénéficier le salarié d’aucune formation.

L’employeur a manqué à ses obligations de formation.

Il importe peu que :

– le salarié ait été recruté sans compétence ni expérience au poste d’opérateur de lignes auquel il a été formé par l’employeur 

– son expérience lui permette désormais de prétendre à des postes similaires dans l’industrie mécanique 

– son poste de travail n’ait connu depuis son embauche aucune évolution particulière nécessitant une formation d’adaptation 

– il n’ait fait aucune demande pour bénéficier d’un congé individuel de formation ou du droit individuel de formation.

( confirmation : Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 juin 2014, 13-14.916, Publié au bulletin)

Toutes les sociétés de portage salarial doivent respecter l’accord national

L’Arrêté du 24 mai 2013 portant extension de l’accord national professionnel du 24 juin 2010 relatif à l’activité de portage salarial a été publié au JO le 8 juin 2013.

Désormais : Sont rendues obligatoires, pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans son propre champ d’application, les dispositions de l‘accord national professionnel du 24 juin 2010 relatif à l’activité de portage salarial

Attention, la possibilité offerte par l’accord de conclure un CDD sui generis a été interdite par l’arrêté d’extension.

Quelques règles de l’accord étendu :

– le portage est interdit pour les services à la personne.

– le salarié porté a nécessairement le statut cadre.

– Il est lié à l’entreprise de portage par un contrat de travail.

La rémunération minimale du salarié porté est de 2900 euros bruts mensuels pour un emploi à plein temps, hors indemnité d’apport d’affaires. A cette rémunération s’ajoute une indemnité d’apport d’affaires de 5% incluant les temps de préparation et de prospection. Cette indemnité peut être convertie en temps ;

 l’activité de portage salarial ne peut être exercée que par des entreprises dédiées exclusivement au portage salarial et répertoriées sous un même code NAF spécifique. L’entreprise de portage établit un contrat de travail avec le salarié porté, accomplit les formalités administratives d’embauche, contrôle l’activité du salarié porté, facture la prestation négociée entre le client et le salarié porté, verse la rémunération ;

– l’entreprise cliente ne peut recourir au portage salarial que pour des tâches occasionnelles ne relevant pas de son activité normale et permanente, pour une tâche ponctuelle nécessitant une expertise qu’elle n’a pas en interne. Elle négocie avec le porté mais conclut un contrat de prestation de service, de nature commerciale, avec l’entreprise de portage.

 

Contester son licenciement pour inaptitude sans prouver la faute inexcusable

Lorsque le salarié est licencié pour inaptitude consécutive à un accident du travail, il est possible de rapporter la preuve que l’inaptitude résulte d’une faute de l’employeur qui avait manqué à son obligation de sécurité de résultat sans caractériser expressément la faute inexcusable.

Cela permet d’obtenir réparation pour la perte de l’emploi devant le Conseil de Prud’hommes.

En effet, la réparation du préjudice résultant d’un licenciement pour inaptitude n‘est pas subordonnée à la caractérisation préalable d’une faute inexcusable. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 mai 2013, 12-12.673, Inédit ).

Il n’est donc pas nécessaire de saisir le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale dans tous les cas.

Cependant, rapppelons que lorsqu’un licenciement pour inaptitude intervient après que la faute de l’employeur ait été qualifiée de faute inexcusable, il est systématiquement qualifié de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans ce cas, l’issue prud’homale est moins incertaine.

Impossible de sanctionner une faute plus de deux mois après sa commission

L’article L.1332-4 du code du travail prévoit :

Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance.

Ainsi, si l’employeur ne sanctionne pas le salarié dans le délai de 2 mois, il ne peut plus le faire par la suite.

La Cour d’Appel de Nouméa a fait une lecture très étrange de cette disposition légale.

Elle a estimé que certes la faute grave sur laquelle est fondée la procédure disciplinaire était prescrite mais que le licenciement pour cause réelle et sérieuse était légitime, car la faute existait tout de même.

Impossible, répond la Cour de Cassation . (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 mai 2013, 11-28.195, Inédit ).

La prescription des faits fautifs prive automatiquement le licenciement de cause.

De la nullité du licenciement en raison de l’état de santé et de la réintégration

L’article L. 1132-1 du code du travail rappelle qu’aucune personne ne peut être licenciée en raison de son état de santé et que tout licenciement prononcé dans ces conditions est nul.

Le salarié peut prétendre à une réintégration dans l’entreprise.

De plus, il a droit au paiement d’une indemnité égale au montant de la rémunération qu’il aurait dû percevoir entre son éviction et la réintégration,peu important qu’il ait ou non reçu des salaires ou revenus de remplacement pendant cette période. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 mai 2013, 11-28.734, Publié au bulletin ).

Si malgré la condamnation à réintégration, l’employeur refuse de réintégrer le salariéce dernier peut ressaisir le juge pour demander la résiliation du contrat aux torts de l’employeur.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 29 mai 2013, 11-28.734, Publié au bulletin) 

Requalifier la demande de départ en retraite en une prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur

La demande de départ en retraite du salarié n’est pas toujours dénuée de lien avec l’attitude de l’employeur.

Par un arrêt de sa chambre sociale du 15 mai 2013, la haute juridiction retient la possibilité de requalifier un départ en retraite en prise d’acte de la rupture, lorsque le salarié avait de sérieux griefs à l’égard de son employeur.(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 mai 2013, 11-26.784 11-26.930, Publié au bulletin) 

Dans cette affaire le salarié engagé le 1er janvier 1986 par la société Pressor en qualité de VRP, a notifié à son employeur le 26 décembre 2007 son départ à la retraite par une lettre énonçant des griefs envers ce dernier, notamment une modification unilatérale des taux de commissions depuis 2004.

Par la suite, il a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de cette rupture en une prise d’acte de rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de demandes en paiement des indemnités de rupture et de divers rappels de salaire sur commissions et autres frais relatifs à l’exécution du contrat de travail.

La Cour de Cassation lui donne raison en appliquant le même raisonnement que pour la requalification de la démission équivoque.

Le départ à la retraite du salarié est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Ainsi, le salarié peut remettre en cause son départ en retraite si sa demande de départ en retraite est équivoque.

Dans ce cas, le juge peut l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’un départ volontaire à la retraite.

confirmation :  (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 18 mars 2014, 13-10.229 13-10.410, Inédit).