Tous les articles par Carole Vercheyre-Grard

Me Carole VERCHEYRE-GRARD est titulaire d’un DEA de droit des affaires et droit économique de l’université Paris II (Assas) de 1995. Elle possède une double compétence en droit des affaires et droit du travail. Sa connaissance du milieu judiciaire, lui permet une approche pragmatique des contentieux devant les Tribunaux de Commerce et le Conseil de Prud’hommes.

De l’obligation de formation du salarié en contrat d’apprentissage

Le contrat d’apprentissage est un contrat aidé qui permet à l’employeur de bénéficier d’un apprenti salarié dont les coûts sont moindres mais en contrepartie de cette rémunération faible, il doit absolument lui dispenser la formation professionnelle nécessaire.

Le contrat d’apprentissage doit donc permettre la formation d’un apprenti.

La Cour de Cassation est très sévère sur cette obligation à la charge de l’employeur.

Si l’apprenti n’est pas formé, alors elle considère que le contrat d’apprentissage a été détourné de son objet et elle requalifie le contrat de travail en contrat à durée indéterminée.

Dans une affaire devant la Chambre sociale du 12 février 2013 – n° 11-27.525, la Cour de Cassation a jugé de la situation d’un apprenti qui avait conclu avec une entreprise un contrat d’apprentissage au vu de la préparation d’un baccalauréat professionnel « Maintenance des systèmes mécaniques automatisés ».

Le salarié a saisi le Juge pour obtenir la requalification de son contrat en CDIen soutenant qu’il effectuait les mêmes tâches que les autres salariés à temps complet sans avoir la même rémunération et surtout sans avoir jamais bénéficié d’aucune formation dans l’entreprise.

La Cour de Cassation lui donne raison, elle retient que l‘apprenti qui devait réaliser le même travail que les autres salariés n’était pas en situation d’apprentissage mais qu’il exerçait des fonctions à part entière et qu’il était dans l’impossibilité matérielle de recevoir une formation professionnelle sérieuse et adéquate.

Si cette solution n’est pas novatrice, il est utile de la rappeler régulièrement afin que les droits de chacun soient respectés et équilibrés.

Signer une rupture conventionnelle, après avoir engagé une action en résiliation judiciaire

A priori, il paraît inique d’engager une résiliation judiciaire d’une part et d‘autre part de signer une rupture conventionnelle postérieurement.

C’est pourtant face à cette situation que la Cour de Cassation a rendu une décision le 10 avril 2013. (Cour de Cass. – Ch. Sociale 10 avril 2013, n° 11-15.651)

Dans cette affaire, un salarié s’estimant victime de harcèlement moral avait dans un premier temps saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat.

En cours de procédure, ledit salarié, visiblement usé par le harcèlement avait signé une rupture conventionnelle qui avait été homologuée par l’Administration.

De surcroit, le salarié, mal conseillé n’avait pas contesté immédiatement la signature de la rupture conventionnelle.

Mauvais choix ! 

La cour de Cassation considère que le salarié ne pouvait maintenir sa demande de résiliation judiciaire faute d’avoir soulevé dans le délai d’un an la nullité de la rupture conventionnelle signée.(Cour de Cass. – Ch. Sociale 10 avril 2013, n° 11-15.651)

Du terme du CDD conclu pour le remplacement d’un salarié absent

Très souvent lorsqu’un salarié est en congé maternité ou parental, l’employeur choisit d’établir pour son remplaçant ponctuel un contrat à durée déterminée sans terme précis mais limité à la durée de l’absence dudit salarié.

Il faut être prudent avec ce type de contrat à durée déterminée. 

En effet, il peut arriver que la durée de l’absence totale du salarié titulaire soit bien supérieure au congé maternité ou parental envisagé.

L’arrêt du 10 avril 2013 rendu par la Cour de Cassation en sa chambre Sociale, nous en donne un exemple. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 10 avril 2013, 12-13.282, Inédit )

Dans cette affaire, un employeur avait conclu un CDD pour remplacer une salariée partie en congé parental.

Le contrat prévoyait qu’il pouvait se poursuivre en tout état de cause jusqu’au retour de la salariée de son congé parental d’éducation.

La salariée absente, a sollicité un congé sabbatique au terme de son congé parental d’éducation, et n’est pas revenue au travail entre le congé parental et le congé sabbatique.

La Cour de Cassation considère qu’en aucun cas l’employeur ne pouvait mettre fin au contrat à durée déterminée à la fin du congé parental et qu’il devait attendre la fin du congé sabbatique.

Il faut donc être prudent dans la rédaction des contrats à durée déterminée et prévoir des termes précis, quitte à procéder à des prolongations de contrats en cas de nécessité.

Homosexualité à l’épreuve du droit du travail

Le code du travail prohibe toute discrimination en raison de l’orientation sexuelle (C. trav., art. L. 1132-1).

La Cour de Cassation dans les feux de l’actualité a rendu dernièrement une décision sanctionnant expressément cette discrimination(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 avril 2013, 11-15.204, Publié au bulletin)

Le législateur est allé au delà puisque la Loi 2013-404 du 17 mai 2013 ouvre désormais depuis le 19 mai 2013 le mariage aux couples de personnes de même sexe .

Cette loi prévoit un nouvel article 6-1 du code civil « le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe ».

Désormais, les employeurs devront accorder à tous les couples, sans discrimination, les éventuels droits conventionnels ou résultant d’un usage liés au mariage ou à l’adoption (ex. : primes de mariage, congés divers pour le mariage d’un salarié).

De même, les différents congés familiaux conventionnels ou légaux sont ouverts aux couples de même sexe.

Le code du travail compte déjà un nouvel article L. 1332-3-2 qui prévoit qu’ aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir refusé en raison de son orientation sexuelle une mutation géographique dans un État incriminant l’homosexualité (c. trav. art. nouveau).

D’autres modifications devraient suivre.

Des risques d’utiliser une messagerie internet à des fins personnelles sur son ordinateur professionnel

La jurisprudence de la Cour de Cassation est constante :  » les courriels adressés et reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf si le salarié les identifie comme personnels « .

La Cour de Cassation a déjà considéré qu’une clé USB personnelle mais branchée sur l’ordinateur de l’entreprise pouvait être consultée par l’employeur, hors la présence du salarié.

Elle vient de considérer que la messagerie électronique à laquelle il était possible d’accéder par la page d’accueil du site informatique de l’entreprise, n’est pas personnelle dans la mesure où les messages visualisés par l’huissier de justice provenaient de la messagerie électronique mise à la disposition du salarié par l’entreprise, et qu’ils n’étaient pas identifiés comme étant personnels(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 16 mai 2013, 12-11.866, Inédit ).

La prescription quinquennale en droit du travail va devenir une exception !

  • mis à jour 30/10/2017

La loi de sécurisation de l’emploi qui a été adoptée le 25 avril par l’Assemblée nationale et le 14 mai par le Sénat selon la procédure accélérée, a modifié les règles de prescriptions en droit du travail.

La prescription est passée de 5 ans à 2 ans 

Mais le nouvel article L1471-1 du code du travail a encore été changé en 2017. Il prévoit désormais une prescription de 12 mois pour les contestations relatives aux ruptures de contrat de travail.

Le nouvel article L1471-1 du code du travail, prévoit:

« 

Toute action portant sur l’exécution se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

« 

Sont exclues de cette nouvelle prescription de deux ans :

– les actions en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail qui sont soumises à une prescription de dix ans (article 2226 du code civil);

– les actions en paiement ou en répétition du salaire dont la prescription est de 3 ans (article L3245-1); 

– les actions en réparation des préjudices résultant de la discrimination , du harcèlement moral et du harcèlement sexuel (L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1) qui demeurent soumises à une prescription de 5 ans;

– la réparation de l’entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée (L. 1134-5);

– les actions en contestation du solde de tout compte qui demeurent soumises à la prescription de 6 mois (L. 1234-20)

Prescription quinquennale des salaires et prime d’intéressement dans un groupe

  • (mis à jour le 27/05/13)

L’action en paiement du salaire se prescrit par cinq ans conformément à l’article 2277 du code civil.

Cependant cette prescription quinquennale ne s’applique pas lorsque lacréance salariale, même périodique, dépend d’éléments qui ne sont pas connus du salarié créancier, en particulier lorsque ces éléments résultent de déclarations que le débiteur est tenu de faire.

C’est souvent le cas, lorsque le salarié a droit à une prime d’intéressement dans le cadre d’un groupe.

Le salarié ne peut pas calculer sa prime si son employeur ne lui remet pas des éléments lui permettant de chiffrer ou de connaître des éléments comptables portant sur le résultat consolidé du groupe.

La Cour de Cassation, en sa chambre sociale, par décision 24 avril 2013 vient de rappeler que dans cette hypothèse, la prescription quinquennale ne court pas. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 avril 2013, 11-29.003, Inédit ),

Ainsi, l’employeur qui n’a pas mis en mesure le salarié de connaître le montant de sa prime d’intéressement, peut être condamné à un rappel de salaires excédant 5 années.

 

Cadres de la métallurgie: préavis de la fin de période d’essai

IMG_20140331_121332L’article 5 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 prévoit une période d’essai d’une durée initiale de 4 mois maximum.

Il prévoit également que lorsque l’employeur met fin au contrat de travail, en cours ou au terme de la période d’essai, il est tenu de respecter, à l’égard de l’ingénieur ou cadre, un délai de prévenance dont la durée ne peut être inférieure aux durées suivantes :

– 48 heures au cours du premier mois de présence ;

– 2 semaines après 1 mois de présence ;

– 1 mois après 3 mois de présence.

La Cour de Cassation vient d’apporter une précision intéressante sur le jour à compter duquel part ce délai de prévenance.

Elle considère que le point de départ du préavis doit être fixé au jour de l’envoi de la lettre recommandée notifiant la rupture,(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 avril 2013, 12-14.018, Inédit )

 

SYNTEC : Nullité du forfait jours

IMG_20140331_130251.2Mis à jour 19 janvier 2021

J’attendais avec impatience cette décision !!

La Cour de Cassation a confirmé ce que je pensais depuis de nombreux mois, le forfait jours de la convention collective syntec est nul en l’état de la rédaction primaire de l’article 4 de l’accord du 22 juin 1999. 

La Cour de Cassation a estimé que l’article 4 de l’accord du 22 juin 1999 dans sa version antérieure à 2014 n’est pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 avril 2013, 11-28.398, Publié au bulletin, confirmation Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 janvier 2016, 14-14.293, Inédit)

Elle en déduit que la convention de forfait en jours qui vise seulement l’article 4 de l’accord du 22 juin 1999dans sa version antérieure à 2014 était nulle,(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 avril 2013, 11-28.398, Publié au bulletin confirmation Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 27 janvier 2016, 14-14.293, Inédit ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 janvier 2017, 15-12.459, Inédit)

La convention collective Syntec ou bureaux d‘études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 se voit donc sanctionnée de la même manière que la convention collective de l’industrie chimique, et celle des aides familiales rurales et personnel de l’aide à domicile en milieu rural, et la convention collective du commerce de gros . Continuer la lecture de SYNTEC : Nullité du forfait jours

Inaptitude suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle et consultation des délégués du personnel

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte à occuper ses fonctions à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, l’employeur doit impérativement consulter les délégués du personnel avant de faire une proposition de reclassement.

L’employeur doit remettre aux délégués du personnel toutes les informations nécessaires quant aux possibilités de reclassement du salarié.

La consultation des délégués du personnel constitue une exigence dont l’omission rend le licenciement illicite et entraîne la sanction civile édictée par l’article L1226-15 du Code du travail. 

Le défaut de consultation des délégués du personnel est sanctionné par l’octroi au salarié d’une indemnité d’au moins 12 mois de salaire (Cass. Soc., 13 décembre 1995, n° 92-42992)

L’avis des délégués du personnel sur le reclassement du salarié doit être recueilli :

– après que l’inaptitude du salarié en conséquence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle a été constatée, dans les conditions prévues par l’article R. 4624-31 du code du travail,

– et avant la proposition à l’intéressé d’un poste de reclassement approprié à ses capacités

(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 avril 2013, 12-14.111, Inédit )