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DROIT DU TRAVAIL : L’excès de vitesse n’est pas toujours une faute grave !

  • (mis à jour le 13/05/11)

Les tolérances de l’excès de vitesse

La Cour de cassation en sa chambre sociale par arrêt en date du 16 mars 2011 N° de pourvoi: 09-41178 a invalidé le licenciement d’un conducteur routier qui avait été licencié pour faute grave, notamment pour excès de vitesse du camion qu’il conduisait. 

Après examen des disques chronotachygraphes, la Cour d’Appel, avait constaté que les excès de vitesse étaient de très courtes durées et très rares. 

En effet, si le salarié avait atteint les 100 km/ h sur des portions de route à 90km/h, ce n’est que très rarement et de manière extrêmement brève, le reste du disque étant plafonné à 90 km/ h et même souvent en dessous . 

La Cour d’appel a également constaté que le salarié n’avait jamais été précédemment sanctionné pour un dépassement de vitesse. 

La Cour d’Appel avait dès lors considéré que le licenciement n’était pas fondé. 

Fort heureusement, la Cour de Cassation confirme la solution de la Cour d’Appel de Paris en ces termes : 

« Mais attendu qu’ayant relevé que le salarié n’avait jamais été sanctionné pour un dépassement de vitesse et qu’il résultait des disques chronotachygraphes que ce n’est que très rarement et de manière extrêmement brève qu’il avait pu dépasser la vitesse autorisée, la cour d’appel a pu en déduire que ce comportement ne constituait pas une faute grave et, exerçant le pouvoir qu’elle tient de l’article L. 1235-1 du code du travail, décider que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse« .

Rappelons cependant que si le chauffeur poids lourds s’était comporté en véritable chauffard confondant les routes départementales avec un circuit automobile, les juridictions n’auraient pas manqué de valider le licenciement .

Les témoignages reposant sur des écoutes téléphoniques illicites ne constituent pas une preuve en droit du travail

Attention revirement depuis le 22 décembre 2023, cette preuve est admise voir l’article ICI.

Avant l’arrêt du 22 décembre 2023, voici la position retenue ci dessous

Dans un arrêt rendu le 7 janvier 2011 (pourvois n° X. 09-14.316 et n° D. 09-14.667),l’assemblée plénière de la Cour de cassation a réaffirmé qu’une juridiction civile ne peut fonder sa décision sur des enregistrements de conversations téléphoniques opérés à l’insu de l’auteur des propos. 

La Cour de Cassation en sa chambre sociale par décision du 16 mars 2011, N° de pourvoi: 09-43204, vient de faire une exacte application de ce principe en droit du travail en retenant que l’employeur ne peut justifier le licenciement de son salarié en s’appuyant sur un témoignage reposant sur des écoutes téléphoniques illicites. 

En l’espèce, l’employeur justifiait le licenciement pour faute grave de son salarié, Directeur d’une Agence Bancaire, par le témoignage d’un tiers ayant entendu une conversation téléphonique entre le salarié et une cliente de la Banque. 

La Cour de Cassation valide la décision de la Cour d’Appel qui avait écarté ce témoignage en rappelant : 

« L’enregistrement d’une conversation téléphonique privée à l’insu de l’auteur des propos invoqués est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue « . 

Le témoignage d’un tiers à l’entreprise ayant entendu à l’insu du salarié une conversation téléphonique entre ce salarié et son interlocuteur avait été obtenu de manière déloyale, la Cour d’Appel a décidé à bon droit qu’il devait être écarté des débats 

Cette motivation protectrice des droits de l’homme doit être entièrement approuvée. 

Suspicion de vol et fouille sur le lieu de travail

  • (mis à jour le 25/03/11)

Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. (Article L1121-1du code du travail). 

La fouille des effets personnels d’un salarié est une restriction aux droits et libertés individuelles de celui -ci. 

Elle doit rester une exception et être justifiée : 

– soit pour des raisons de sécurité collective : elle peut être prévue à titre préventif si l’activité de l’entreprise le justifie pour des raisons de sécurité collective, 

– soit pour permettre la recherche d’objets volés 

La fouille liée à la recherche d’objets volés ne peut être effectuée que dans les conditions prévues par le Code de procédure pénale, c’est-à-dire notamment par un officier de police judiciaire. 

Par exception, la C our de Cassation a rappelé dans quelles circonstances un employeur, lui-même, est en droit de contrôler le sac de son salarié.(Cour de cassation chambre sociale 11 février 2009 N° de pourvoi: 07-42068 Publié au bulletin

L’employeur doit sauf circonstances exceptionnelles 

– obtenir l’accord de son salarié 

– l’avoir averti de son droit de s’opposer au contrôle et d’exiger la présence d’un témoin 

– procéder au contrôle dans des conditions préservant la dignité et l’intimité des personnes 

A défaut d’accord du salarié, le contrôle de son sac ne peut être réalisé que par un officier de police judiciaire. 

Le réglement intérieur peut rappeler les circonstances du contrôle et prévoir des modalités particulières plus protectrices des droits du salarié. 

Dans ce cas, l’employeur doit impérativement respecter les conditions prévues par le règlement intérieur. 

La Cour de Cassation en sa chambre sociale sanctionne par décision du 11 mars 2011 N° de pourvoi: 09-68546 un licenciement pour vol reposant sur un contrôle de sac du salarié sans respect des conditions particulières du règlement intérieurpour la vérification des objets transportés et la fouille des personnes . 

Fin de la présomption de salariat des mannequins reconnus comme prestataires de services établis dans un Etat membre de l’Union

La Loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques vient d’être promulguée. 

Désormais, le code du travail compte un article nouveau : l’article L. 7123-4-1. – La présomption de salariat prévue aux articles L. 7123-3 et L. 7123-4 du code du travail ne s’applique pas aux mannequins reconnus comme prestataires de services établis dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen où ils fournissent habituellement des services analogues et qui viennent exercer leur activité en France, par la voie de la prestation de services, à titre temporaire et indépendant . ». 

Cette disposition était très attendue dans le monde de la mode. 

Les Agences de Mannequins titulaires d’une licence devraient ainsi pouvoir éviter les sociétés de portage…… 

 

Conditions de licité d’une clause de non concurrence d’un associé salarié

La Cour de Cassation dans la Chambre Commerciale 15 mars 2011 N° de pourvoi: 10-13824 vient de répondre à une question que de nombreux salariés également associés de leur entreprise se posent.

Une clause de non concurrence incluse dans un pacte d’actionnaire ou un acte de cession de titre, et non dans le contrat de travail obéit -elle aux mêmes règles de validité que la clause de non concurrence insérée dans un contrat de travail ?

La Cour de Cassation répond par l’affirmative en ces termes :

« lorsqu’elle a pour effet d’entraver la liberté de se rétablir d’un salarié, actionnaire ou associé de la société qui l’emploie, la clause de non-concurrence signée par lui, n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour la société de verser à ce dernier une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives « 

Une clause de non concurrence insérée dans un contrat de cession de droits sociaux ou dans un pacte d’associé doit donc :

– être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise

– tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié 

– prévoir une contrepartie financière

– être limitée dans le temps

– être limitée dans l’espace

La contrepartie financière peut-elle être le prix de cession ou d’acquisition des droits sociaux ?

La Cour de Cassation offre dans cette décision une première réponse.

Dans l’affaire précitée, le salarié avait bénéficié de 40 actions à titre gratuit en contrepartie de ses « bons et loyaux services », de son « implication personnelle » et de l’activité déployée par lui, dans l’activité et le développement de la société. 

La Cour de Cassation considère que l’attribution de ces actions ne peut constituer valablement la contrepartie financière de clause de non concurrence contenue dans le pacte d’associés.

La clause de non concurrence est donc nulle.

Il nous semble possible dans la même logique de soutenir que la fixation du prix de cession ou d’acquisition des droits sociaux sans autre précision ne peut constituer la contrepartie financière d’une clause de non concurrence d’un salarié.

Par contre il reste toujours la possibilité à l’employeur de ventiler le prix indiqué en faisant apparaître la part rémunérant la clause de non concurrence du salarié associé !!

L’article L. 1224-2 du code du travail et la requalification de CDD en CDI

A qui incombe le paiement de l’indemnité de requalification de CDD en CDI en cas de transfert du contrat de travail en application de l’article L. 1224-1 du code du travail ? 

L’article L1224-1 du code du travail prévoit que « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise » 

Un salarié ayant vu son contrat transféré à un nouvel employeur en vertu de l’article L. 1224-1 du code du travail a demandé à ce dernier le versement de l’indemnité de requalification de CDD en CDI. 

La Cour d’Appel de Versailles 26 juin 2009 a estimé que le nouvel employeur était tenu de verser cette indemnité . 

Ce dernier s’est pourvu en cassation soutenant que si le nouvel employeur est en principe tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification, l’indemnité de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée naît dès la conclusion de ce contrat en méconnaissance des exigences légales et pèse ainsi seulement sur l’employeur l’ayant conclu. 

La Cour de Cassation par arrêt du 16 mars 2011 N° de pourvoi: 09-69945 publié au bulletin donne raison à la Cour d’Appel en ces termes : 

 » si l’obligation au paiement d’une indemnité de requalification d’un contrat à durée déterminée naît dès la conclusion de ce contrat en méconnaissance des exigences légales et pèse en conséquence sur l’employeur l’ayant conclu, 

cette circonstance ne fait pas obstacle à l’application de l’article L. 1224-2 du code du travail en vertu duquel, sauf dans certains cas, le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l’ancien employeur à la date de la modification ; 

que c’est, dès lors, par une juste application de ce texte que la cour d’appel a retenu quele salarié était fondé à demander au nouvel employeur le paiement d’une indemnité de requalification au titre du contrat à durée déterminée conclu avec le premier employeur sauf le recours du nouvel employeur contre celui-ci «  

Refus de la prise d’acte de la rupture en cas de non versement d’une prime non contractualisée

La Cour de Cassation vient de considérer dans une décision 16 mars 2011 N° de pourvoi: 08-42671 que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié en raison du non versement d’une prime non contractualisée par son employeur n’était pas possible 

Les faits de l’espèce étaient les suivants : 

Un salarié avait été engagé, par une société Domotherm en qualité d’agent de maintenance. 

Il intervenait sur les chaudières au domicile des particuliers et percevait une prime de travaux lorsque, lors d’une intervention, il remplaçait le matériel par une chaudière neuve 

Son contrat de travail a été transféré à la société Proxiserve et le salarié a été affecté à une autre agence spécialisée dans l’intervention sur les installations de chauffage collectif . 

Il ne pouvait donc plus percevoir de prime de travaux. 

Il a pris acte de la rupture de son contrat par lettre du 26 octobre 2007 en reprochant à son nouvel employeur d‘avoir modifié son affectation et ainsi supprimé la prime de travaux 

Puis il a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

La Cour de Cassation refuse de faire droit à sa demande en considérant que la prime variable était liée à une tâche annexe qui a disparu dans la nouvelle affectation du salarié et que cette prime n’était pas contractualisée . 

Il s’agit d’une décision intéressante car elle permet de retenir que la prise d’acte de la rupture ne peut être utilisée par le salarié lorsque : 

– une tâche mineure lui est enlevée 

-et/ ou une prime non contractualisée lui est retirée 

le DIF pour les CDD

Le Droit individuel à la formation pour les salariés en contrat à durée déterminée 

Pour acquérir des droits individuels à la formation, le salarié en CDD doit avoir une ancienneté de 4 mois minimum. Le droit est calculé au prorata temporis . 

Ce droit sera également proratisé si le CDD est à temps partiel. 

L’employeur n‘a pas à indiquer dans le certificat de travail les droits acquis auprès d’un précédent employeur. 

Voici en substance la réponse ministérielle en date du 1er mars 2011

Les salariés titulaires d’un contrat à durée déterminée peuvent bénéficier du droit individuel à la formation à l’issue d’une ancienneté acquise dans la même entreprise de quatre mois, consécutifs ou non, au cours des douze derniers mois. 

 » Lorsque le salarié qui remplit les conditions requises n’a pas utilisé son droit individuel à la formation au sein de l’entreprise, il peut bénéficier de la portabilité de son droit lorsqu’il est demandeur d’emploi ou auprès d’un nouvel employeur. 

À cet effet, à l’expiration du contrat de travail, l’employeur mentionne sur le certificat de travail les droits acquis par le salarié dans l’entreprise et non utilisés. 

Il convient de considérer que l’employeur est redevable des droits des salariés au titre du droit individuel à la formation au regard de l’ancienneté acquise dans l’entreprise et non chez un autre employeur. 

Il lui appartient d’inscrire ces droits dans le certificat de travail mais il ne peut en revanche inscrire des droits qui résulteraient de l’ancienneté acquise par le salarié chez un autre employeur. Un aménagement du certificat de travail n’est dès lors pas nécessaire au cas d’espèce. » 

DIF et CERTIFICAT DE TRAVAIL

Le DIF doit être mentionné dans la lettre de licenciement .

Cependant, nombreux sont ceux qui oublient que le DIF doit également être mentionné dans le certificat de travail ( article L 6323-21 du code du travail et D.1234-6 du même code) 

En effet, l’employeur doit mentionner : 

– le solde des heures acquises et non utilisées au titre du DIF 

– la somme correspondant à ce solde 

– le nom de l’organisme paritaire collecteur agréé ( OPCA) 

En pratique, si le salarié a utilisé ses heures pendant son préavis, son certificat ne mentionnera pas de droit au DIF. 

Le fait pour le salarié d’avoir été informé de son DIF dans la lettre de licenciement exonère-t-il l’employeur de son obligation de le mentionner dans son certificat de travail si il reste un reliquat d’heures?

A mon sens NON !

L’information dans le certificat de travail n’a pas le même intérêt pratique que dans la lettre de licenciement. 

–> La mention du DIF dans la lettre de licenciement permet au salarié d’utiliser son DIF pendant la durée de son préavis ou, en l’absence de l’exécution de ce dernier, pendant une période équivalente au préavis 

–> La mention du DIF dans le certificat de travail permet au salarié d’utiliser son reliquat d’heures pendant sa période de chômage ou chez un nouvel employeur 

Par conséquent, l’absence de mention du droit au DIF dans le certificat de travail équivaut à un certificat incomplet et cela cause forcément un préjudice au salarié qui doit être réparé. Espérons que les juridictions y seront sensibles ! 

Obligation de l’Employeur refusant de régler la prime sur objectifs de prouver que ceux -ci ne sont pas atteints

  • (mis à jour le 01/06/18)

La charge de la preuve de l’atteinte ou non des objectifs 

La Cour de Cassation estime qu’il appartient au pouvoir de direction de l’employeur de fixer les objectifs qui donnent lieu à des primes. 

Elle reste cependant très vigilante sur la date de fixation des objectifs et le caractère réalisable de ceux -ci

Ainsi, elle a jugé à plusieurs reprises qu’en l’absence de fixation d’un objectif convenu, par avance, pour l’année de référence, la prime sur objectifs était due. 

Elle a également jugé que la fixation desdits objectifs en fin d’année pour l’année en cours équivaut à une absence de fixation d’objectifs (La Cour de Cassation ch sociale 1er décembre 2010)

A qui appartient la preuve de la non réalisation des objectifs ? 

La Cour de cassation en sa chambre sociale par arrêt en date 9 mars 2011 N° de pourvoi: 09-70313 répond  » 

« qu’il appartenait à l’employeur, peu important l’absence d’entretien d’évaluation, de justifier des éléments permettant de déterminer si les objectifs fixés au salarié pour 2006 avaient été atteints , la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé  » 

A défaut de pouvoir apporter cette preuve, les objectifs seront réputés atteints et le salarié pourra obtenir le paiement de sa prime intégrale ! 

Confirmation : Cour de cassation chambre sociale Audience publique du mercredi 24 octobre 2012 N° de pourvoi: 11-23843