Exemple de mauvaise foi dans la dénonciation du harcèlement moral

Comme je l’ai rappelé dans plusieurs articles de ce blog, en principe nul ne peut être licencié pour avoir dénoncer des faits de harcèlement moral sauf s’il a agi de mauvaise foi.

En ce début d’année 2015, la Cour de Cassation vient de donner un exemple d’une dénonciation de mauvaise foi du harcèlement moral par un salarié. ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 janvier 2015, 13-22.378, Inédit ).

Dans cette affaire, une salariée  a dénoncé à l’encontre de son supérieur hiérarchique, de façon réitérée, de multiples faits de harcèlement moral.

IMG_20140506_101119La Cour relève  que les seuls faits qui étaient établis et de nature à laisser présumer l’existence d’un harcèlement étaient justifiés par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement et que le syndrome anxio-dépressif, en l’absence de constatations médicales antérieures au licenciement, était insuffisant à caractériser une situation de harcèlement moral.

Elle ajoute que le symptôme dépressif  s’expliquait par des problèmes d’ordre personnel de la salariée.

Il n’y avait donc pas harcèlement moral.

Pourtant la salarié avait persisté dans ses accusations.

La Cour de Cassation caractérise alors la mauvaise foi de la salariée .

En effet, après étude des accusations de la salariée, il est apparu que les faits de harcèlement moral invoqués par la salariée étaient inexistants  ne reposant, pour la grande majorité d’entre eux, sur aucun élément et dont elle s’est d’ailleurs avérée incapable de préciser la teneur, qu’il s’agisse des faits ou des propos dénoncés.

En réalité, la salarié formulait des accusations  graves,  réitérées, voire calomnieuses et objectivement de nature à nuire à leur destinataire ainsi qu’à l’employeur , en des termes généraux.

Certes , l’absence de harcèlement moral ne suffit pas à justifier le licenciement pour faute grave.

Mais des accusations calomnieuses injustes allant au-delà de la désinvolture et qui s’inscrivent dans une campagne de déstabilisation du supérieur hiérarchique, mais aussi de l’employeur, stigmatisé pour ne pas mettre fin à la prétendue situation de harcèlement peuvent justifier le licenciement pour faute grave.

Licenciement économique : l’offre de reclassement doit être ferme

Les offres de reclassement proposées au salarié dont l’employeur envisage le licenciement économique doivent être écrites et précises au sens de l’article L1233-4 du code du travail.

Ces offres doivent être des offres fermes, c’est à dire que la simple acceptation du salarié doit suffire à former le nouveau contrat de travail. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 janvier 2015, 13-23.440, Inédit)

IMG00176-20100722-1704Dès lors, si l’employeur propose un emploi soumis à un autre aléa  que l’acceptation du salarié, il ne remplit pas son obligation de reclassement loyalement.

Dans l’affaire précitée, les offres de reclassement adressées aux salariés précisaient que le recrutement devait être validé par le responsable recrutement pour la France du groupe et le manager du département concerné.

La Cour de Cassation comme la Cour d’Appel en ont exactement déduit que ces offres, qui n’étaient pas fermes et ne garantissaient pas le reclassement effectif du salarié en cas d’emploi disponible dans le groupe, ne répondaient pas aux exigences légales .

Contrepartie de la clause de non concurrence et cessation d’activité de l’entreprise

La cessation d’activité  de l’employeur, postérieurement à la rupture du contrat de travail, n’a pas pour effet de décharger le salarié de son obligation de non-concurrence.

IMG_20140923_122328Dès lors le salarié qui respecte son obligation de non concurrence est en droit de percevoir la contrepartie financière prévue par la clause, même si l’entreprise n’existe plus.

Dans ce cas, il fera sa demande soit auprès d’un mandataire ad hoc, d’un liquidateur ou des AGS.

Ainsi tant que le salarié n’a pas été libéré de son obligation par l’employeur, il peut réclamer le paiement de la contrepartie financière au prorata de la durée d’exécution de l’obligation de non-concurrence. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 21 janvier 2015, 13-26.374, Publié au bulletin)

Cette décision est très favorable aux salariés et part du principe que le salarié qui respecte un engagement privatif de sa liberté de travail doit impérativement bénéficier d’une contrepartie financière.

Elle va  donc inciter  les rédacteurs des contrats de travail à un ajout dans le contenu de la clause de non concurrence :  limiter la durée de la clause de non concurrence à une durée précise maximale qui ne pourrait être réduite que dans l’hypothèse d’une cessation d’activité de l’entreprise.

Cette clause acceptée par les deux parties aurait donc valeur contractuelle mais serait-elle valable ?

Je serai fort intéressée de connaitre la position de la Cour de Cassation sur la validité d’une telle clause…

Pour mémoire, une clause de non concurrence doit  :

– être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise,

– tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié, 

– prévoir une contrepartie financière,

– être limitée dans le temps,

– être limitée dans l’espace.

Zoom 2015 sur la durée des contrats à temps partiel

 PRINCIPE

La durée minimale d’un contrat de travail à temps partiel est fixée à :

  • IMG_209524 heures par semaine,

(ou la durée mensuelle équivalente, ou la durée équivalente en cas de répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année.)

EXCEPTIONS pour lesquelles la durée minimale légale ne s’applique pas

  1. Si le contrat de travail a été signé avant le 1er juillet 2014, le respect de la durée minimale légale n’est pas obligatoire.
  1. Si le salarié a signé un CDD de 7 jours maximum. 
  1. Si le salarié est employé directement par un particulier. 
  1. Si le salarié est âgé de moins de 26 ans et poursuit ses études.

 

Dans ce cas, il n’est pas obligatoire de regrouper ses horaires de travail sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes. 

  1. – si le salarié signe un CDD ou un contrat de travail temporaire pour remplacer un salarié absent. 
  1. – Si une convention ou un accord de branche étendu fixe une durée de travail inférieure à 24 heures par semaine (ou une durée équivalente).

Néanmoins l’accord ou la convention doit prévoir des garanties obligatoires suivantes :

  • la mise en œuvre d’horaires réguliers (les horaires de travail du salarié doivent être regroupés sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes),
  • la possibilité pour le salarié de cumuler plusieurs activités, afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou à un temps partiel au moins égal à 24 heures par semaine (ou durée équivalente).
  1. – S’il s’agit d’un salarié en insertion dans les cas suivants :
  2. – Le salarié demande expressément à travailler moins de 24 heures hebdomadaires (ou que la durée équivalente), dans l’un des cas suivants :
  • il travaille dans une entreprise temporaire d’insertion ou dans une association intermédiaire,
  • et son parcours d’insertion justifie qu’il travaille moins de 24 heures par semaine (ou la durée équivalente).
  • soit pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles,
  • soit pour lui permettre de cumuler plusieurs activités, afin d’atteindre une durée globale d’activité correspondant à un temps plein ou à un temps partiel au moins égal à 24 heures par semaine (ou durée équivalente).

La demande du salarié doit être écrite et motivée.

Les horaires de travail du salarié doivent être regroupés sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes.

Dans ce dernier cas, le salarié qui bénéficie d’une dérogation à la durée minimale de 24 heures hebdomadaires (ou à la durée prévue par convention ou accord de branche étendu) peut souhaiter mettre fin à cette dérogation. (Ordonnance n° 2015-82 du 29 janvier 2015 relative à la simplification et à la sécurisation des modalités d’application des règles en matière de temps partiel issues de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi)

Dans ce cas, le salarié bénéficie d’une priorité d’accès à un emploi de même catégorie professionnelle ou équivalent. L’employeur lui transmet la liste des emplois disponibles correspondants.

Ainsi, l’employeur peut refuser de mettre fin à la dérogation uniquement en l’absence de poste disponible.

Les conventions de forfait jours dans la Banque préservées

Comme la plupart de mes lecteurs ont pu le constater, la validité les conventions de forfait jours m’intéressent toujours autant et c’est la convention collective des banques qui a à son tour été examinée fin décembre 2014 par la Cour de Cassation.

Une fois n’est pas coutume, l’accord sur l’aménagement du temps de travail dans le secteur bancaire trouve grâce auprès de la Cour de Cassation.

Cette dernière retient en effet que :

Les dispositions de l’accord d’aménagement et de réduction du temps de travail dans le secteur des banques du 29 mai 2001 imposant notamment à l’employeur de veiller à la surcharge de travail et d’y remédier répondent aux exigences relatives au droit à la santé et au repos,  de sorte qu’est assuré le contrôle de la durée maximale raisonnable de travail. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 17 décembre 2014, 13-22.890, Publié au bulletin).

Cependant pour mémoire, la Cour de Cassation a déjà invalidé des conventions de forfaits jours dans 8 conventions collectives très répandues :

– celle du notariat,

– celle de la convention collective de l’industrie chimique, (industries chimiques)

celle des aides familiales rurales et personnel de l’aide à domicile en milieu rural,

– celle de la convention collective du commerce de gros,

– celle de  la convention collective Syntec , CINOV ou bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils,

– celle du BTP, 

– celle des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes,

– celle de l’ hospitalisation privée à but lucratif.

 

Quand la visite médicale de reprise est inopposable à l’employeur

Des visites médicales de reprise du travail sont obligatoires :

1° Après un congé de maternité ;

2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel.

Il appartient à l’employeur de prendre l’initiative desdites visites médicales de reprise. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 janvier 2011, 09-68.544, Publié au bulletin)

Néanmoins, lorsque l’employeur est défaillant dans son obligation, le salarié peut  exiger la mise en place de cette visite soit auprès de son employeur, soit auprès du médecin du travail.

Dans ce dernier cas, il doit impérativement avertir au préalable l’employeur de cette demande.

A défaut, la visite médicale et l’avis d’inaptitude en  résultant  ne seront pas opposables à l’employeur. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 janvier 2015, 13-20.126, Inédit ; Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 janvier 2015, 13-21.281, Inédit

Imprimer ses courriels pour obtenir le paiement de ses heures supplémentaires

Voilà plusieurs années que la Cour de Cassation se bat contre le travail dissimulé en tentant de faciliter les procédures judiciaires en recouvrement des heures supplémentaires intentées par les salariés.

IMG_20140506_101321Vous avez pu lire dans mes nombreuses publications comment tenter de rapporter la preuve de ses heures supplémentaires (mails, tableau informatique, décompte manuel, attestations,  etc…) et les limites de ces modes de preuve.

La Cour de Cassation confirme que les mails ou les courriels et les captures d’écrans sont de bons moyens pour étayer une demande d’heures supplémentaires. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 janvier 2015, 13-27.072, Inédit)

En effet,  les courriels et les captures d’écran produits par le salarié permettent de déterminer quelles  heures supplémentaires ont été réalisées par le salarié .

C’est un premier pas pour obtenir gain de cause dans le paiement des heures supplémentaires.

Etant observé que sur ces seuls éléments, l’employeur doit être en mesure de répondre sur le temps de travail réel du salarié en fournissant ses propres éléments.

Passer d’un horaire de jour à un horaire de nuit nécessite l’acceptation du salarié

Le passage, même partiel, d’un horaire de jour à un horaire de nuit constitue une modification du contrat de travail qui doit être acceptée par le salarié.

L’employeur ne peut pas l’imposer au salarié . ( Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 janvier 2015, 13-25.767, Inédit)

A défaut le salarié peut tout à fait prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur et, en l’état de la jurisprudence et des textes, obtenir gain de cause.

Cette jurisprudence n’est pas nouvelle.

Prise d’acte de la rupture et agression sexuelle par un collègue

La prise d’acte de la rupture par le salarié peut être parfaitement justifiée lorsqu’il a été la victime d’une agression sexuelle par un collègue et que les mesures prises par l’employeur pour éviter le renouvellement des faits sont insuffisants. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 janvier 2015, 13-17.374, Inédit)

IMG_20140506_101148Dans cette affaire, une salariée travaillait à la plonge  en bînome avec un collègue lorsque ce dernier avait tenté de l’embrasser.

Elle en avait informé son employeur qui avait pris une sanction disciplinaire à l’encontre du salarié.

Néanmoins, l’employeur avait demandé aux  mêmes salariés de reformer le même bînome de travail deux jours plus tard.

C’est un juste motif de prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.

La Cour de Cassation rappelle en effet régulièrement que l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et qu’il manque à cette obligation lorsqu’un salarié est victime, sur le lieu de travail, de violences physiques ou morales, exercées par l’un ou l’autre de ses salariés.

Quand imposer des tâches dépassant les capacités du salarié constitue du harcèlement moral

Le refus de l’employeur d’adapter le poste de travail de son salarié et le fait de lui confier de manière habituelle une tâche dépassant ses capacités peut mettre en jeu sa santé.

IMG_20140923_122333Dans ce cas, il est possible de retenir l’existence d’un harcèlement moral. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 janvier 2015, 13-17.602, Inédit)

Dans cette affaire,  une salariée occupait un poste consistant à approvisionner une cabine de peinture, à effectuer un contrôle qualité puis à réaliser l’emballage et l’étiquetage des produits.

Son travail imposait des efforts de manutention.

Au fil des années, son travail était devenu très pénible principalement en raison de sa petite taille et d’une table trop haute sur son poste de travail .

Son employeur a toujours refusé d’adapter le poste.

La salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Elle a eu raison car cette prise d’acte a été requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le harcèlement moral a été reconnu.

La Cour de Cassation a retenu que l’employeur avait gravement nui à la santé de l’intéressée sur les motifs suivants :

 le poste de travail de cette salariée comportait, de manière habituelle, un port de charges d’un poids excessif, contraire, au moins pendant un certain temps, aux préconisations du médecin du travail, 

–   l’attitude réitérée de l’employeur avait entraîné la dégradation des conditions de travail de la salariée par le refus d’adapter son poste de travail et le fait de lui confier de manière habituelle une tâche dépassant ses capacités. 

Avocat à la Cour D'appel de Paris – droit du travail et droit des affaires – Expert SYNTEC- BETIC-CINOV